Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 14 Septembre 2018
Déjà publié en France par les éditions Delcourt/Tonkam avec son manga phare Perfect Crime, Arata Miyatsuki revient chez l'éditeur avec une oeuvre où, cette fois-ci, il n'est que scénariste. Publiée au Japon en 2015-2016 dans le magazine Young Animal des éditions Hakusensha, Signal 100 est une série en 4 tomes qui nous permet de découvrir aux dessins Shigure Kondo. Au programme, une lutte pour la survie pas tout à fait comme les autres...
Dans le lycée où il travaille, le professeur Shimobe fait office de véritable souffre-douleur au sein d'une classe indisciplinée, emmenée par Wada qui lui fait subir les pires crasses jour après jour, en le rabaissant et l'humiliant. Mais cet homme au bout du rouleau tient enfin se revanche, grâce à un système complètement fou. Via un film qu'il diffuse à toute la classe dans la salle d'audiovisuel, il implante dans l'esprit des 37 lycéens des signaux d'hypnose, et après ça leur vie ne sera plus comme avant... si tant est qu'ils vivent encore longtemps. En effet, juste avant de mettre fin à ses jours en se jetant d'une fenêtre, Shimobe les laisse avec la cruelle vérité: les signaux correspondent à 100 actions qu'ils ne doivent surtout pas réaliser, sans quoi ils se suicideront instinctivement avec ce qui leur passe sous la main ! L'effroi peut alors s'installer... Ont-ils encore la moindre chance de survivre ?
Signal 100 surfe sur une vague proche du survival et, dans les grandes avancées de ce premier tome, ne le fait pas de façon foncièrement originale. Très vite, on retrouve les grands archétype de ce type de récit: une véritable pourriture en Wada qui veut s'imposer en leader en jouant sur les craintes des autres, un autre leader a priori bien sous tout rapports en Sakaki, garçon qui était absent quand la vidéo a été diffusée et qui n'est donc pas touché par l'hypnose, mais qui veut sauver les autres, et une jeune héroïne un peu à part en Rena, adolescente habituellement plutôt solitaire et sarcastique, mais qui voit clair dans le jeu de Wada. Ces trois-là sont les seuls qui sortent du lot et jouent chacun leur rôle assez bien, tandis que tous les autres ne ressemblent pour l'instant qu'à de la chair à pâté sur pattes. En s'appuyant sur ces caractères, le scénariste imagine un petit scénario classique, mais pour l'instant assez efficace autour de la thématique de la peur et de ce qu'elle peut provoquer chez l'humain: certains comme Wada cherchent à exploiter les faibles, d'autres sont prêts à tout pour s'en sortir, d'autres encore semblent tout simplement incapables d'agir par eux-mêmes...
Bref, du classique, mais c'est ailleurs que ce premier volume trouve l'essentiel de son attrait: la succession de mort, qui peut vite avoir quelque chose de jouissif ! D'emblée, dans leur manière de traiter le prof, quasiment tous les élèves, qu'ils soient agresseurs ou suiveurs/spectateurs, paraissent détestables. Et une fois l'hypnose effectuée, les voir avoir peur du moindre geste, comme tout simplement marcher (car ça pourrait être un signal les poussant à se suicider) a quelque chose de ridicule. Beaucoup paraissent un peu abrutis, et à l'instar d'un film comme Destination Finale, on a alors qu'une envie: voir pour quelle raison idiote ils vont mourir, et comment ils vont mettre fin à leurs jours. Et de ce côté-là, Miyatsuki et Kondo s'en donnent à coeur joie dans les premières morts: les raisons de se suicider peuvent vraiment reposer sur des actions assez anodines, et dans la mesure où les ados se suicident instinctivement avec les moyens du bord il y a quelques suicides qui sont délicieusement débiles, à l'image de cette pauvre fille qui se plante un crayon dans la tempe après s'être pissée dessus, ou d'une autre qui, après avoir touché un sexe en érection, se serre une chaîne autour du cou jusqu'à se décapiter elle-même. Ça a le mérite de ne pas beaucoup se prendre au sérieux, si bien que voir tout ça a tout du petit plaisir coupable.
Qui plus est, Shigure Kondo propose un coup de crayon pas du tout déplaisant, avec des moments gores assez marquants dans leurs angles de vue, et des designs de personnages bien travaillés puisqu’aucun ne se ressemble. On reprochera seulement quelques raccourcis, parfois, dans le découpage.
En somme, Signal 100 se présente surtout comme un bon petit défouloir sur ce premier tome. Miyatsuki propose un récit qui repose sur des avancées très classiques du genre autour de la peur humaine, mais ponctue quand même le tout de quelques rebondissements, et en profite surtout pour bien exploiter son concept des signaux afin d'offrir quelques morts un peu débiles qui font leur effet. Une bonne série B, plutôt rigolote dans le fond, et tenant bien son rôle pour l'instant.
Pour l'édition française, Delcourt/Tonkam a décidé de concevoir une tout autre jaquette que celle de l'édition japonaise, et le résultat est plutôt plaisant avec une Rena ensanglantée sur fond de cadavres et un vernis sélectif. Au moins, ça donne le ton. A l'intérieur, pas de problèmes à noter: la traduction d'Anne-Sophie Thevenon fait bien le job, le papier est souple et sans transparence, l'impression est honnête et l'encre ne bave pas. En outre, on appréciera particulièrement les quelques pages bonus, avec notamment une postface où le scénariste livre quelques détails de la genèse, et quelques exemples où il compare son storyboard original aux planches finales du dessinateur. Très sympa à observer.