Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 10 Septembre 2025
Déjà bien connu en France pour les séries Assistant Assassin (que les éditions Omaké Manga n'ont malheureusement jamais fini de publier), Akamatsu (et) Seven (éditions Hana), Les Racailles de l'autre monde (publié aux éditions Ki-oon, mais laissé en plan au Japon), Au bain les Yankees (éditions naBan) et plus récemment Vavam Vampire (éditions Crunchyroll), Hiromasa Okujima pose cette fois-ci ses bagages aux éditions Mangetsu avec "Villain no Gakkô", alias "School of Villains" dans notre pays, une oeuvre qu'il a lancée au Japon en novembre 2023 sur le site Kurage Bunch des éditions Shinchôsha, et qu'il a achevée en fin d'année 2024 pour un total de trois volumes.
Dans ce récit, on commence par découvrir un lycée vraiment pas comme les autres: le lycée Biran, fondé par le clan du même nom, un clan yakuza qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, contrôle dans l'ombre la politique, l'économie, l'industrie, le BTP, les médias, le show-business... bref, un peu tout, ce qui en fait la plus importante structure du Japon, au point que le chef du clan est le vrai dirigeant du pays tandis que le Premier Ministre n'est qu'un pantin. Rassemblant dès lors toutes sortes de fils de mafieux, de petites frappes et autres enfants à problèmes aux notes catastrophiques, le mal-famé établissement scolaire n'en reste alors pas moins celui dont est voué à sortir le prochain dirigeant du clan Biran et donc du Japon... et c'est bien ce qui intéresse Jôichirô Kirinji ! Fils de l'actuel Premier Ministre du pays, il était fier de son père, du moins jusqu'au jour où il la retrouve dans une position totalement humiliante face à Jûzô Kiki, à la fois chef du clan Biran et proviseur du lycée éponyme. Refusant de tomber aussi bas que son père, l'ambitieux adolescent de 15 ans a alors décidé d'intégrer le fameux lycée et d'y gravir les échelons un par un, en devenant d'abord délégué de sa classe, puis membre du bureau des étudiants dont les quatre chefs contrôlent l'école, et ainsi de suite. Mais comment un "fils de bourge" n'ayant jamais fréquenté le milieu yakuza pourra-t-il s'en sortir a beau milieu de tous ces loubards ?
S'amusant très souvent, dans ses oeuvres, à revisiter sous un certain angle le genre du furyo (en exploitant l'isekai dans Les racailles de l'autre monde, par le prisme de l'homosexualité dans Akamatsu (et) Seven, en offrant des loubards fans de sources thermales dans Au Bain Les Yankees...), le mangaka récidive ici en concentrant dans un lycée mal-famé tout un microcosme où les rapports de force sont le moteur des ambitions pour grimper à la tâte du pays, et où chaque strate du lycée (le statut de délégué de classe, celui de membre du bureau des étudiants...) représente un échelon "politique" à gravir. Sans aller chercher très loin, l'idée a de quoi être assez intrigante et stimulante, d'autant plus que l'auteur a toujours pour lui un dessin assez brut et vif (malgré certains mouvements trop rigides), d'assez bonnes idées de designs pour sa galerie de personnages, et même ici une capacité à déjà rendre certains de ces visages assez sympas à suivre grâce à certaines valeurs qu'ils finissent par dégager. Surtout, Okujima, comme régulièrement dans ses oeuvres là aussi, adopte également une bonne part d'humour assez décalé, que ce soit simplement par la bêtise assumée de son pitch de départ, par certains détails pas finauds mais inattendus et éventuellement rigolos sur certaines facettes de la personnalité des gaillards (coucou le fan de nounours qui veut ouvrir un food-truck de crêpes), et principalement sur la manière absurde dont ces loubards se départagent dans leurs rixes... ce dernier point étant pourtant, peut-être, le principal problème de ce début de série.
En effet, faire de l'humour de ce type doit demander de savoir bien préparer et amener l'aspect comique, et surtout d'oser aller assez loin dans le délire, or ce n'est pas vraiment le cas. D'un côté, alors que voir des loubards en découdre non pas par la baston mais via des jeux d'enfants (chifoumi un petit peu plus vénère, jeu du crayon ou le crayon est remplacé par un couteau, oshi-zumo...) aurait pu être très fun, cet aspect est balancé à l'arrache dans le récit, sans réelle substance, sans préparation, sans nous mettre dans l'ambiance avant. De l'autre côté, ces fameuses rixes censées être assez délirantes restent beaucoup trop rapides et en surface, si bien qu'il ne s'en dégage pas grande chose. Alors, à chacun de voir s'il sera réceptif ou pas à ce que l'auteur a voulu faire avec cette idée, car le principe pourra quand même faire sourire même si toutes ces idées restent finalement sous-exploitées.
L'autre question que l'on se pose forcément déjà est assez simple et évidente: comment un pitch pareil, visant à hisser le jeune héros de 15 ans au sommet du lycée, du clan et du Japon, pourra-t-il vraiment tenir en seulement trois tomes, sachant qu'à la fin du premier volume on a juste une première étape de passée ?
Affaire à suivre, donc, pour cette courte série pour l'instant pas foncièrement déplaisante mais pas très bien menée. Les idées sont pourtant là pour faire de School of Villains une petite série B sans grande prétention mais sympathique, mais elles restent pour l'instant soient sous-exploitées, soit utilisées maladroitement.
Côté édition, Mangetsu livre une copie soignée avec une jaquette bien travaillée par Luchisco, un papier souple et bien opaque, une impression convaincante, un lettrage très propre de Lucie Archambault, et une traduction claire d'Hervé Augé.