Re:Monster Vol.1 - Actualité manga

Re:Monster Vol.1 : Critiques

Re:Monster

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Juillet 2016

Critique 1


Re:Monster est à l'origine un light novel écrit par Kogitsune Kanekiru et illustré par Yalada. Toujours en cours au Japon depuis 2011, l'oeuvre a petit à petit rencontre un succès grandissant, si bien qu'elle connaît depuis 2014 une adaptation en manga dessinée par Haruyoshi Kobayakawa, mangaka qui semble avoir débuté sa carrière en 2010 avec le manga BlazBlue - Chimelical Complex. Au programme de ce nouveau manga des éditions Ototo, à nouveau un univers très ancré dans la fantasy et les jeux de rôle, mais nous allons voir que celui-ci se détache du lot par bien des aspects.

Kanata Tomokui était jusque là un humain, jusqu'à ce que sa mort très soudaine et brutale, suite au coup de poignard ensorcelé d'une amie névrosée, ne provoque sa réincarnation en... gobelin. Se réveillant nez à nez avec Papy Gob, petit corps vert fripé et laid et doyen d'une tribu de gobelins, il doit petit à petit se faire à sa nouvelle vie, au sein d'un peuple souvent malmené par les autres espèces, et considéré depuis toujours comme le plus faible et le plus mal-aimé des peuples de fantasy/RPG. Cela semble se confirmer quand notre héros, devenu Gobu-rô, constate le manque d'ambition et de force de son nouvel entourage. Mais son arrivée pourrait changer nombre de choses. Car en plus d'avoir conservé une capacité de réflexion assez élevée, Gobu-rô a également gardé de son ancienne vie son étrange faculté d'absorption, qui lui permet de s'accaparer les pouvoirs de ce qu'il mange. C'est là le début de son ascension auprès de gobelins qu'il pourrait bien amener petit à petit parmi ce que ces créatures chétives n'auraient jamais pu espérer : des créatures fortes et respectées !

L'une des spécificités qui saute aux yeux dès le début de la lecture de Re:Monster, c'est son mode narratif quasiment entièrement à la première personne, que Kobayakawa a sans nul doute hérité du light novel d'origine, et qu'il pousse à fond d'une manière qui semble n'avoir jamais été vue dans un autre manga. En effet, hormis quelques dialogues de temps à autre, quasiment tout passe par les comptes-rendus et réflexions de Gobu-rô, de ce qu'il observe et pense de ses nouveaux camarades, de sa condition, des ennemis et de l'univers qu'il va découvrir peu à peu... Couplé au fait que le récit se découpe jour après jour pour montrer pas à pas les diverses évolutions, et à une traduction de Nicolas Pujol (excellente au demeurant) qui s'amuse beaucoup avec les temps passés de la langue française, il y a un rendu très proche d'un journal de bord ou d'un journal intime, en plus d'avoir la sensation d'être face à quelque chose de très proche du roman graphique.

Ce choix narratif peut déstabiliser dans un premier temps, voire rebuter un lecteur qui n'aurait pas envie de s'essayer à cette originalité narrative (ce serait dommage), mais il révèle très vite ses qualités : étant donné qu'il nous plonge au plus près du héros à tel point qu'on pourrait se mettre à sa place à la façon d'un joueur, il est parfait pour travailler à fond un récit qui semble surtout se présenter comme une sorte d'hommage aux univers de jeux de rôle.

Quiconque a déjà joué un minimum à des RPG le sait : généralement, le héros que l'on incarne est au départ incompétent, faible, et se doit alors d'acquérir petit à petit de l'expérience pour progresser. Cela passe essentiellement par des affrontements d'abord contre des créatures très faibles, puis peu à peu de plus en plus fortes au fil du gain d'expérience et de compétences. On retrouve pleinement ce schéma dans Re:Monster, où Goburô devra d'abord se confronter à répétition à des monstres inoffensifs, avant de s'attaquer peu à peu à des bestioles à chaque fois un peu plus fortes, puis à oser se confronter à des adversaires plus coriaces comme des orcs. Ce schéma permet également de poser à petites doses un bestiaire qui ne fait que s'enrichir au fil des pages et que l'on aime découvrir dans son mélange de créatures typiques de RPG et de bébêtes un peu plus originales. Qu'on se le dise, serpents, loups et ours imposant sont de la partie, mais aussi lapicornes, tricornes, araignées diablotines, orcs, kobolds... et humains, bien sûr.

Sur ces bases, l'évolution de Gobu-rô peut alors s'appuyer sur deux autres points essentiels, qui ont eux aussi quelque chose de très inspiré des RPG.
Il y a tout d'abord la faculté essentielle du héros : celle de l'absorption des  pouvoirs de créatures tuées. Dès qu'il goûte la chair de ses victimes (et non sans de réguliers petits commentaires sur le goût des diverses viandes, ce qui renforce l'aspect journal de bord), Rô acquiert de nouveaux talents, de nouvelles capacités, d'abord minimes au début, puis étant de plus en plus nombreuses et variées. On aurait pu regretter que les gains de pouvoirs du héros deviennent très vite très importants, avec une telle accumulation que l'on finit par ne plus retenir toutes les capacités, et que Rô nous apparaît très vite largement plus puissant que la plupart de ses ennemis. Mais on le redit : l'intérêt de Re:Monster n'est pas (en tout cas, pour l'instant) dans les combats menés par Rô (qu'on pourrait presque voir comme un perso cheaté si on était dans un RPG), mais dans son évolution dans ce monde qu'il va peut-être révolutionner, et dans cet hommage total aux RPG dont on a déjà parlé. Cette faculté d'absorption rentre totalement dans cet hommage, en reprenant cette bonne vieille recette de jeux de rôle où l'on acquiert divers pouvoirs (temporaires ou permanents) en mangeant les proies.
Il y a, ensuite, le côté "team" que là aussi on retrouve dans nombre de RPG. D'abord assez dédaigneux envers ses nouveaux camarades, Rô va rapidement choisir parmi son nouvel entourage des figures qui lui paraissent plus prometteuses que les autres, et va régulièrement les emmener en chasse avec lui pour leur faire eux aussi gagner de l'expérience, des compétences spécifiques. Il y aura d'abord deux gobelins qui deviendront ses plus fidèles disciples : Gobu-kichi qui développera une force brute exemplaire, et Gobu-mi, demoiselle gobelin qui deviendra de plus en plus habile dans les attaques de soutien à distance. Et au fil des jours, d'autres compagnons, comme une mage, viendront s'ajouter, pour un résultat qui permet également, petit à petit, de poser autour de Rô des figures secondaires de plus en plus attachantes.

Enfin, comme le laisse espérer le pitch de base, tout cela permet de mettre en lumière ce peuple gobelin si souvent martyrisé dans les univers fantasy/RPG, où généralement ils ne servent que de chair à canon.
Le talent du récit de Kanekiru est de ne pas enjoliver soudainement ce peuple qui, comme dans nombre d'oeuvres du genre, apparaît d'abord faible et assez idiot, voire cruel et ignoble puisque, par exemple, les gobelins n'hésitent pas à kidnapper des humaines pour en faire leurs esclaves sexuelles. Mais le parcours de Rô à leurs côtés permet peu à peu un autre éclairage sur eux. Par exemple, sans que ces actes immondes puissent être cautionnés, on comprend que face à l'infertilité des gobelines, les mâles n'ont d'autres choix que de copuler de force avec des humaines pour pérenniser leur espèce. De manière générale, on comprend que cette espèce parmi les plus faibles se doit d'être prête à tout pour survivre.
On appréciera aussi les nombreuses informations qui se dessinent petit à petit autour de l'espèce : les différentes manières dont ils peuvent évoluer (hobgobelin, ogre... ou de façon plus déviante comme vampire ou Minotaure), leurs différentes façons de pouvoir se battre (avec des armes physiques, avec de la magie...) avec ce que ça implique de "sous-classes" pour ces différentes voies... Là aussi, on aime l'aspect RPG très bien retranscrit, avec ces différentes possibilités de "personnalisation" des personnages et cette lente découverte de l'univers.

Dans tout ça, Rô apparaît comme un personnage principal intéressant, dans la mesure où il ne devra rien lâcher s'il veut s'imposer, autant auprès de son propre peuple que dans ce monde aux 1000 dangers. Pourvu dès le départ d'un caractère déterminé et pas tendre, il n'hésitera pas, pour bien se faire respecter en tant que nouveau leader de la tribu, à se montrer régulièrement strict et sévère.
Par contre, un point qui laisse vraiment interrogateur sur lui, c'est sa vie antérieure : peu d'indices filtrent sur ce qu'il était avant, et à vrai dire il est difficile de savoir si la série offrira un jour un vrai travail là-dessus. Mais les vagues choses que l'on cerne paraissent bizarres. Dans les toutes premières pages, quand il se fait poignarder, on le voit mener une vie qui semble être celle d'un citadin humain normal : travail d'employé, soirées en bars, décors de ville classique... alors que le poignard qui le tue est enchanté, et que beaucoup plus tard dans le tome on apprend qu'il a déjà beaucoup tué dans sa vie antérieure. Quelle est donc cette vie antérieure qui semble puiser à la fois dans notre réalité et dans un univers déjà ancré RPG/fantasy ?

Du côté des dessins, Haruyoshi Kobayakawa livre une copie vraiment plaisante, riche au niveau des designs (que ce soit pour les gobelins, pour les autres créatures habituelles de fantasy dont il soigne le design, ou pour les bestioles moins courantes ou plus originales où il peut se faire plaisir), pourvus de décors assez présents et immersifs, vive et brutale dans les moments d'action (ce qui montre bien que cet univers est sans pitié)... Ce n'est jamais vide, et qui plus est servi par des trames habilement utilisées.

Servi dans une édition de très bonne qualité (en plus de la traduction dont on a déjà parlé, soulignons le papier bien épais tout en restant suffisamment souple, et l'impression qui ne souffre d'aucun gros souci), Re:Monster se présente comme une excellente surprise, originale dans sa forme, riche et rigoureuse dans son traitement, immersive dans sa reprise en forme d'hommage des univers RPG.


Critique 2


Kanata Tomokui est un guerrier qui ne s’attendait certainement pas à être assassiné sauvagement par une de ses amies, et encore moins à être réincarné en gobelin. Conscient de sa nature, cette nouvelle vie qui lui est offerte va lui permettre d’évoluer au sein d’un tout nouveau clan, mais aussi d’en prendre le contrôle. Car fort de son intelligence et de son talent d’absorption des capacités, celui qu’on nomme désormais Gobu-Rô va très vite grimper les échelons et fonder une véritable faction au sein de cette nouvelle société…

Ototo a voulu redorer le blason des gobelins avec Re:Monster, un manga qui s’annonce original dans sa formule et que l’on doit au mangaka Haruyoshi Kobayakawa, un auteur aussi connu pour une adaptation de Blazblue parue en 2010 au Japon. Mais là aussi, l’auteur adapte une œuvre, le light-novel écrit par Kogitsune Kanekiru et illustré par la dessinatrice Yamada. La série romancée a d’ailleurs un certain succès au Japon puisqu’elle dénombre actuellement sept tomes et poursuit son chemin, tandis que la monture manga initiée en 2014 ne propose pour le moment que deux opus. Nous savons qu’Ototo ne sélectionne pas ses licences au hasard et justement, c’est un parti-pris original proposé par Re:Monster.

L’originalité du titre aurait pu simplement de proposer l’aventure d’une tribu de gobelins, un point de vue qui aurait ainsi pu changer des moult aventures épiques mettant en scène des humains dans des univers d’heroic-fantasy. Pourtant, la démarche de l’histoire originelle de Kogitsune Kanekiru va bien plus loin que ça et propose de découvrir l’ascension d’un clan de gobelins… par un humain réincarné en gobelin ! On assiste alors à une véritable humanisation de la tribu de Gobu-Rô, autant dans les psychologies diverses des créatures que dans leur mode de vie. Le principe ressemble alors beaucoup à l’arc des Kimera Ant dans Hunter X Hunter mais sur un registre plus léger et un parti-pris de présenter les gobelins comme les protagonistes de l’histoire. Le fil conducteur du récit est alors la montée du héros au sein de son clan, sa manière à réfléchir et à redécouvrir l’univers qui l’entoure sous une nature différente, ce qui n’empêche toutefois pas quelques rebondissements, des scènes d’action brèves, mais dynamiques, et une évolution palpable du héros et de ses congénères.

Cette progression est symbolisée par la volonté de faire de l’univers de Re:Monster un univers de RPG au sens vidéoludique du terme. Dans bien des concepts, le lecteur a l’impression d’avoir affaire à un jeu vidéo au format papier, des idées qui imprègnent même l’esthétique de la série où les personnages sont capables de faire apparaître leurs propres niveaux au-dessus de leurs têtes ! Outre quelques idées décalées, il y a donc la volonté de créer un univers riche et doté de multiples possibilités, ce qui se ressent par de nombreuses évolutions liées aux perspectives qui entourent les gobelins, ne les limitant alors pas à de simples créatures vertes et stupides et leur donnant une vraie couleur.
Mais les auteurs n’ont pas pour autant oublié les aspects négatifs de ces monstres, notamment leur côté impitoyable que le scénariste a choisi de lier à la nature très ethnocentrée du bestiaire. Gobu-Rô apparaît alors comme un leader charismatique qui permettra à ses congénères d’évoluer dans le bon sens du terme et au final, ce sont des gobelins aussi vaillants qu’attachants que nous découvrons, même si l’écrivain des romans n’omet jamais les quelques facettes obscures de l’espèce.

Dans l’optique du RPG, l’idée qui reste en tête et qui peut paraître exagérée est aussi le don du héros, capable de s’approprier le pouvoir ou les capacités des créatures qu’il déguste. Cela mène rapidement à un protagoniste à la puissance incroyable, qui ne se trouve alors jamais mis à mal par ses adversaires. Néanmoins, la série n’étant pas orientée vers le combat, c’est bien l’impact de ses talents, menant à l’ascension du clan, qui semble être la justification à un tel pouvoir. Mais à trop fortes doses, difficile de ne pas penser à la facilité scénaristique.

L’idée la plus inventive de cette adaptation manga reste toutefois sa narration particulière. Riche en texte, ce premier volume est en effet avare en narration externe, le point de vue de Gobu-Rô qui explique à chaque moment en long et en large son évolution, ses pensées, et ses actions qui mèneront son peuple vers de nouvelles perspectives. Le lecteur est alors immiscé directement dans le récit, le rendant bien souvent captivant, ce qui n’empêche pourtant pas cette narration d’être rébarbative quand on souhaite lire le volume d’une seule traite. En une fois, le tome peut s’avérer fastidieux sachant que toutes les séquences ne sont pas passionnantes, une lecture en plusieurs temps semble donc être le plus approprié pour Re:Monster.

Autour du dessin de Haruyoshi Kobayakawa, l’auteur a un style efficace grâce à sa précision et à sa faculté de représenter les distinctions entre les différentes espèces de la série. A ceci s’ajoute un trait assez expressif, bien qu’une certaine confusion lors des moments d’action règne, par exemple lors des moments de chasse.
Quant à l’édition que nous propose Ototo, l’éditeur conçoit encore un bel ouvrage, au papier convenable et à la qualité d’impression très correcte qui rend justice à l’œuvre. Même discours pour la traduction de Nicolas Pujol qui parvient à rendre fluide le texte de l’opus, un travail conséquent quand on sait que Gobu-Rô est particulièrement bavard.

Re:Monster est donc un titre original autant par son sujet et sa manière de le décortiquer que sa narration. Si celle-ci, très dense, pourrait lasser le lecteur, ce premier opus a suffisamment à offrir pour nous satisfaire à bien des égards et conserver notre curiosité de découvrir la suite. Une nouvelle bonne pioche pour Ototo, donc.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs