Rafnas Vol.1 - Actualité manga

Rafnas Vol.1 : Critiques

Rafnas

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 27 Octobre 2017

La collection horizon des éditions Komikku est plutôt discrète : jusque-là, en 2017, seul le tome 3 de La Photographe y était paru, en février dernier. Mais en cette fin d'année, l'éditeur la relance en nous proposant de découvrir enfin pour la première fois en France une artiste pourtant auréolée d'une jolie réputation au Japon.
Depuis le lancement de sa carrière au début des années 2000, Yumiko Shirai, en quelques oeuvres, s'est imposée parmi les noms très intéressants de la science-fiction nippone, et a déjà remporté pas mal de prix pour ses récits : en 2007 le Prix de l'Excellence au Japan Media Arts Festival, en 2010 le Prix spécial du Jury à ce même festival pour Wombs (peut-être son oeuvre la plus connue), en 2016 le Grand Prix du Japan Science Fiction Award toujours pour Wombs... L'autrice à la réputation désormais bien installée, est également assez active sur son site internet yumikoubou.com.

En France, la découverte de cette artiste se fait donc avec une oeuvre courte en 2 tomes, Rafnas. L'oeuvre sortant pas mal des codes habituels du manga ne serait-ce que par son style graphique ou son univers très branché SF, les éditions Komikku, pour l'édition française, ont décidé d'essayer de la rendre plus accessible à un plus large public en lui offrant le grand format typique de la collection horizon, et un logo-titre sobre avec la charte graphique habituelle de la collection. Mais c'est surtout à l'intérieur que le changement s'opère : le choix a été fait de traduire et de remplacer toutes les onomatopées par leur traduction, et d'adopter le sens de lecture occidental. On laissera chacun se faire son avis sur ce choix, mais objectivement le travail est très soigné. Les onomatopées passent bien. Et pour le sens de lecture occidental, les éditions Komikku affirment avoir travaillé en collaboration étroite avec Yumiko Shirai elle-même pendant un an afin d'offrir le meilleur rendu possible et ne pas trahir l'oeuvre. A part ça, on a un volume souple, avec un papier sans transparence et une bonne qualité d'impression faite chez Aubin, ainsi qu'une traduction soignée de Ryoko Akiyama.

Rafnas, c'est le nom d'une planète bien éloignée de notre Terre. Voilà déjà longtemps que celle-ci a été colonisée par l'espèce humaine, mais les hommes ont dû s'adapter et évoluer pour pouvoir y vivre, car son atmosphère n'est pas du tout la même et la gravité y est minime. Ainsi, désormais, quasiment tous les êtres humains ont acquis la capacité de flotter dans les airs et la possibilité de respirer facilement dans cette atmosphère. Mais de temps en temps naissent encore des exceptions, des humains qui n'ont pas muté et sont restés tels que nous les connaissons. Ragi est un homme qui fait partie de ces "Originels" : il est dépourvu de l'antigravité, et doit respirer avec un masque quand il sort pour que le rafna, l'élément antigravitationnel présent dans l'atmosphère de la planète, ne l'empoisonne pas. Le récit commence avec l'arrivée dans son bourg de la belle et forte Lima, une jeune femme exerçant la fonction de vigie, chargée de surveiller les courants rocheux aériens qui sévissent partout sur la planète...

Après des premières pages intrigantes, qui posent facilement la curiosité du lecteur avec cette femme volant dans les airs entre les rochers, se met peu à peu en place une intrigue qui prend son temps pour démarrer : en fait, ici, celle-ci est minime pour l'instant, on comprend juste que Lima n'est pas venue là par hasard et qu'un danger plane sans doute sur les lieux. En réalité, ce premier volume s'applique surtout sur la peinture d'un monde que Yumiko Shirai veut réfléchi et cohérent. Ainsi, la mangaka distille au fil des pages les informations qu'il faut savoir sur cette planète, son environnement, l'adaptation de l'espèce humaine sur celle-ci... Les choses ne sont jamais balancées en bloc, l'immersion se fait naturellement, on assimile facilement chaque information... et si vous vous sentez malgré tout parfois perdus, rassurez-vous, un petit lexique est présent en fin de volume.
A partir de là, Shirai imagine efficacement les conditions de vie des habitants, à travers des coutumes comme la fête des fleurs par exemple, à travers le léger bestiaire (le canari !), mais aussi à travers le petit approfondissement des personnages principaux. Ainsi, on voit à travers Ragi les conditions et l'acceptation parfois délicates des rares "Originels" dans ce monde, tandis qu'on cerne d'autres difficultés et drames à travers le passé de Lima.
L'univers est donc assurément bien pensé, on sent que Shirai s'est appliquée à l'imaginer... Là où le récit pèche, en revanche, c'est plutôt sur l'évolution des principaux personnages. En plus d'être globalement assez peu attachants pour l'instant, car ils sont quand même un peu survolés, Ragi et Lima bâtissent une sorte de lien qui semble vraiment trop rapide dans son évolution. C'est surtout le cas de ce que Ragi se met à ressentir pour Lima, qui arrive un peu soudainement. Mais après, c'est de l'ordre du détail, car le principal intérêt de la lecture reste bel et bien l'univers en lui-même.

Et pour dépeindre cet univers, Yumiko Shirai peut compter sur sa patte visuelle très personnelle. Au départ, celle-ci peut demander un petit temps d'adaptation, surtout concernant certaines expressions faciales qui peuvent paraître assez lisses et vides. Mais une fois que l'on est dedans, l'expérience est très intéressante. Si le ciel se résume la plupart du temps à des trames, il en est tout autre pour le reste des décors, où la dessinatrice imagine de jolies choses, notamment lors des streams (les courants rocheux) ou pendant la fête des fleurs. L'absence de gravité permet de jouer intelligemment sur les angles de vue choisis et amène des vues parfois captivantes, notamment à plusieurs reprises quand Lima vogue entre les rochers. Surtout, on appréciera la variété des types de dessin : aspect plus crayonné, peinture à l'huile, encre... Tout cela amène une diversité bienvenue qui accentue l'aspect assez atypique de l'oeuvre.

Le scénario en lui-même n'ayant pour l'instant rien de spécial, et les principaux personnages n'étant pas forcément très attachants, Rafnas, pour le moment, vaut surtout le coup pour l'univers que Yumiko Shirai a imaginé, et de ce côté-là il y a beaucoup de bonnes choses qui justifient sans mal la lecture. Il y a de quoi se plonger avec intérêt au sein de cette planète, en espérant simplement que la petite histoire décolle un peu plus dans le deuxième et dernier volume !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs