Oiseaux du destin (les) : Critiques

Rumiko Takahashi - Gekijô - Unmei no Tori

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 17 Décembre 2024

Si Tonkam est l'éditeur historique des recueils d'histoires courtes de Rumiko Takahashi en France, voici plusieurs années que l'éditeur, devenu Delcourt/Tonkam depuis, avait malheureusement mis de côté la publication de ceux-ci: ainsi étions nous restés sur la sortie de son troisième recueil Un bouquet de fleurs rouges en avril 2007, après la parution du Chien de mon patron en novembre 2003 et la publication de La Tragédie de P en avril 2004 (sans oublier en novembre 2016 Rumic World - 1 or W, qui est à-part). Mais en cette fin d'année 2024, l'éditeur a enfin décidé de se bouger pour remettre en avant ces recueils souvent succulents, au fil desquels la célèbre mangaka propose de brefs récits ancrés dans le quotidien et plus adultes, parallèlement à la poursuite de ses shônen-fleuves d'aventure ou d'humour. Ainsi, en novembre, l'éditeur a non seulement réédité les trois premiers recueils en format seinen standard (leur première édition était en grand format), mais en plus il a enfin sorti les quatrième et cinquième recueils de l'autrice, qui étaient jusqu'à présent restés inédits dans notre langue. Et en prime, il est aussi possible de se procurer les cinq recueils regroupés en un coffret.

Dans ces quelques lignes, nous allons nous intéresser plus spécifiquement au quatrième recueil: Les oiseaux du destin. Sorti au Japon aux éditions Shôgakukan en juillet 2011 sous le titre Unmei no Tori, cet ouvrage d'environ 190 pages contient six histoires que Rumiko Takahashi publia initialement dans le magazine Big Comic Original annuellement, en mars de chaque année entre 2006 et 2011.

Sont au programme, un homme craignant de voir sa serviable épouse s'éloigner en se prenant de passion pour la cuisine, un veuf de 67 ans qui présente à son fils et à sa belle-fille une jeune femme de 28 ans qu'il dit compter épouser, un patron de café qui s'inquiète pour ses clients grâce à son étrange pouvoir de voir autour d'eux des oiseaux en cas de malchance, une affaire de pyromanie inquiétant tout un quartier, un employé marié ayant vent des rumeurs pas tendres concernant sa belle voisine qui est aussi la femme de son patron, et un père de famille craignant que la demeure familiale éclate avec le retour de sa soeur qui n'a pas sa langue dans la poche.

Comme quasiment toujours dans ce type de recueils, Rumiko Takahashi se fait un plaisir de mettre en scène des personnages bien installés dans la vie adulte et qui, au gré de différents petits événements tour à tour incongrus, humoristiques, plus difficiles voire un peu dramatiques, voient le doute s'installer en eux concernant leur vie de famille, notamment par rapport à leur couple. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'à chaque fois, en un nombre limité de pages, l'autrice démontre à nouveau toute son expérience en matière de narration: le rythme est impeccable, l'agencement des événements est toujours limpide sans donner l'impression d'être expéditif, les pages finales généralement teintées d'humour font mouche pour éviter de trop dramatiser... Et tout ceci permet à l'autrice d'évoquer sans insistance mais avec pertinence un petit paquet de sujets pouvant toucher n'importe quel adulte: le fait de se sentir potentiellement à l'étroit dans sa vie de couple, le fait de trop se reposer sur sa moitié, la façon dont la routine peut faire oublier la préciosité de son rapport à l'autre comme si c'était quelque chose d'éternellement acquis, les doutes inhérents à un possible remariage avec grosse différence d'âge, les violences conjugales, l'adultère, les ragots...

Le microcosme dépeint par la mangaka sonne généralement très vrai, et son talent évoqué plus haut fait qu'on se laisse facilement emporter par chaque récit. Après tant d'années d'attente, il fait du bien de retrouver RumikoTakahashi dans la bonne petite recette des histoires courtes, où elle excelle autant que sur ses séries plus longues.

Côté édition française, il peut y avoir deux façons bien différentes de voir les choses. D'un côté, il peut paraître absurde de numéroter des recueils d'histoires courtes indépendants, et ça pourra frustrer les uns de n'avoir droit qu'à du format seinen standard, ces deux aspects faisant particulièrement tâche en bibliothèque quand on possède déjà la première édition en grand format et non-numérotée des trois premiers recueils (j'en fais partie, et croyez-moi que ça me gonfle royalement). De l'autre côté, nul doute qu'un certain public appréciera de pouvoir se procurer ces ouvrages dans un format à un prix plus décent que les grands formats, qui plus est avec une numérotation permettant de voir en un coup d'oeil l'ordre chronologique des recueils. Quant à l'idée du coffret, elle est sympathique, même si celui-ci était d'emblée caduque puisqu'un sixième recueil de l'autrice, Kane no Chikara, est sorti au Japon en mars dernier. A part ça, soulignons une très bonne qualité d'impression sur un papier souple et assez opaque, un lettrage propre de Tomoko Benezet-Toulze, et une traduction impeccable de la part de Kevin Stocker.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction