Mokke Vol.1 - Actualité manga

Mokke Vol.1 : Critiques

Mokke

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 08 Mars 2013

Ces dernières années, les yôkai, on les a eus un peu à toutes les sauces dans le manga : shônen d'action, séries plus adultes et plus contemplatives, drames, comédies, tranches de vie, et même sous la forme d'un excellent Dictionnaires des Yôkai signé Shigeru Mizuki et paru en France aux éditions Pika. C'est chez ce même éditeur que l'on peut désormais découvrir Mokke, première série du mangaka Takatoshi Kumakura et nouvelle série axée sur les yôkai, et qui, dès lors, aura peut-être fort à faire pour se démarquer. Mais avant même de commencer la lecture, on sait déjà que les choses se présentent bien : démarrée en 2000 pour se finir en 2009 après 9 volumes, la série a connu en 2007 une adaptation animée de 24 épisodes issue de la collaboration entre les prestigieux studios Madhouse et Tezuka Productions, et qui a eu un petit succès.

Mokke nous invite à suivre le quotidien de deux jeunes soeurs pas tout à fait comme les autres : tandis que Mizuki, la moins âgée, possède le don d'attirer à elle les yôkai, sa grande soeur Shizuru, de son côté, à la faculté de les voir. Et, bien sûr, elles n'ont le droit d'en parler à personne ! Pour apprendre à bien gérer leur don respectif, elles sont envoyées à la campagne auprès de leur grand-père, un exorciste assez sévère mais toujours juste, qui les sortira à maintes reprises de situations délicates liées à ces créatures folkloriques, tantôt dangereuses, tantôt beaucoup moins.

Pas vraiment d'introduction dans Mokke, qui nous plonge tout de go aux côtés de nos héroïnes, via une première histoire assez courte de 18 pages, qui pourra décontenancer sur le coup mais qui donne finalement bien le ton. Par la suite, chaque chapitre, de longueur variable (on va de 18 à 40 pages), propose une nouvelle rencontre des jeunes filles avec un énigmatique yôkai.

Au fil des 6 chapitres de ce premier volume, on aurait pu craindre de voir le schéma devenir rapidement répétitif, mais il n'en est rien, l'auteur variant habilement les ambiances et les situations.

Cela passe en premier lieu, évidemment, par les yôkai, pas forcément mis en avant de façon poussée (ils restent finalement discrets dans leur représentation, l'auteur leur offrant des looks la plupart du temps assez simples, voire juste esquissés), mais suffisamment exploités pour installer des ambiances différentes, selon qu'ils sont potentiellement dangereux, mauvais, gentils, inoffensifs, voire un peu comiques ou tout simplement de passage. Dans tous les cas, chacun d'eux fait partie de notre monde à part entière, et les humains, qu'ils aient conscience ou non de leur existence, doivent cohabiter avec eux dans un juste équilibre. Car comme le signifiera le grand-père à nos deux jeunes héroïnes, voici des créatures qu'il ne faut pas brusquer, avec lesquelles il faut vivre en harmonie, quitte à laisser un peu courir un danger sur un humain pour ne pas bousculer trop soudainement cet équilibre. Dans cet aspect, cet équilibre, cette harmonie entre l'homme et une nature invisible, Mokke se rapproche beaucoup d'un Mushishi, l'excellent manga de Yuki Urushibara.

Le cadre, quant à lui, est plus différent : quand Mushishi offre des décors plus oniriques et contemplatifs, Mokke s'inscrit dans un cadre campagnard plus réaliste et terre à terre, où nos héroïnes vont à l'école jour après jour, ont des connaissances plus âgées en études supérieures ou au travail... Un monde réaliste et assez moderne, donc, mais qui se focalise ici sur un village japonais de campagne très traditionnel dans les croyances et les rites, ce qui colle bien à l'aspect yôkai et est plutôt bien rendu par la précision graphique du mangaka sur les décors, ces derniers étant assez présents, plutôt détaillés (là ou le dessin des personnages se veut plus léger et simple, limite un peu old school), et amenant en prime une petite atmosphère bucolique agréable.

Quant aux personnages, ils participent pleinement à l'ambiance, du moins en ce qui concerne les deux jeunes filles et leur grand-père. Assez amusante et un peu garçon manqué, la jeune Mizuki est le personnage le plus mis en avant pour l'instant. Plutôt vive, elle devient vite assez attachante, d'autant que l'auteur lui offre régulièrement des bouilles très sympathiques, des expressions variées faisant ressortir son caractère assez frans. De son côté, la grande soeur Shizuru, au look simple qui n'est pas sans charme, est pour l'instant un peu plus effacée, presque terne (le mot est exagéré), mais pleine de promesses aussi. Quant au grand-père, il apportera souvent son expérience d'exorciste pour soutenir les petites leçons de vie que ses prendront ses deux petites-filles au gré de leur rencontre avec les yôkai. Car quelles que soient leur nature, leur mentalité ou leur dangerosité, ces créatures auront souvent sur les deux jeunes filles un impact qui leur permettra petit à petit d'évoluer, de changer de comportement, de mieux considérer leurs semblables, de créer des liens plus forts avec eux, de se forger une personnalité, et bien sûr de mieux appréhender leur pouvoir... bref, d'en apprendre plus sur la vie jour après jour. S'il reste assez discret, cet aspect est vraiment bienvenu.
Restent les personnages secondaires, qui, s'ils sont bien là, manquent encore de présence et de fond. Une petite palette de protagonistes s'installe, certains devront même être sauvés de l'emprise de yôkai quand les créatures ne tomberont pas sur Mizuki, et il ne reste plus qu'à bien consolider tout ce petit monde encore assez en retrait.

Pouvant paraître un peu déroutant sur le coup, Mokke finit petit à petit par séduire grâce à l'exploitation tout à fait agréable et habile de son univers.

Du côté de l'édition, revenons sur la traduction, qui était l'une des principales craintes avant de commencer la lecture. Signée Ken Kuriki, elle est on ne peut plus honnête, claire, régulièrement ponctuée de petites explications sur les yôkai et leur nom via des astérisques ou dans les bulles-mêmes. Les onomatopées sont traduites, les polices d'écriture sont correctes... bref, dans la traduction/adaptation française, rien ne vient vraiment entacher le plaisir de lecture. Même s'il aurait pu être très agréable d'avoir des explications plus détaillées sur les yôkai, par exemple au fil de quelques pages bonus en fin de tome. Par contre, la bât blesse réellement au niveau de la qualité du bouquin : couverture un peu terne, papier assez fin et un peu jaune... On sent malheureusement d'ores et déjà que la série ne bénéficiera pas du soin offert aux plus gros blockbusters de l'éditeur.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs