Karma of Purgatory Vol.1 - Manga

Karma of Purgatory Vol.1 : Critiques

Rengoku no Karma

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 15 Avril 2024

S'étant fait une solide réputation à l'international avec sa série emblématique The Quintessential Quintuplets qui constitue une nouvelle référence en matière de romcom shônen, Negi Haruba continue d'affirmer son succès avec sa série actuelle No Longer Rangers, réinterprétation des sentai dont l'adaptation animée vient tout juste de débuter au Japon. Mais saviez-vous qu'avant ces deux oeuvres emblématiques toutes deux éditées en France par Pika Edition, il avait dessiné une autre série ? C'est ce que nous proposent découvrir, en ce mois d'avril, les éditions Noeve Grafx avec la publication du tome 1 de Karma of Purgatory, qui est donc la toute première série de la carrière du mangaka.

De son nom original Rengoku no Karma (dont le titre anglais de l'édition française est une traduction littérale), cette oeuvre en 5 volumes a été prépubliée au Japon en 2014-2015 dans les pages du célèbre Shônen Magazine des éditions Kôdansha, magazine auquel Haruba a quasiment toujours été fidèle depuis ses débuts en y proposant quasiment toutes ses histoires. Et pour cette première expérience sur une série, l'artiste n'est qu'aux dessins, puisqu'il met en images une histoire imaginée par Shun Hirose, un auteur qui signait alors son tout premier scénario de manga.

Karma of Purgatory commence par un drame, celui de Makoto Nanase, notre personnage principal. A l'école, l'odieux Seiya Fuwa et ses trois potes lui font constamment vivre de véritables supplices allant jusqu'aux coups de cutter sur les bras. A la maison, son père, violent, s'emporte dès que l'adolescent risque de nuire à sa réputation, et ne voit donc même pas sa souffrance. Quant à la belle Erika Kirisaki, son crush au lycée qui lui semble si angélique, elle se révélera en réalité être la pire de toutes, en le rabaissant sans scrupules dans son dos. Brimé dans le cadre scolaire, n'ayant aucun repère affectif ni soutien à la maison, trahi par celle qu'il estimait tant, l'adolescent est au bout du rouleau et finit par commettre le pire, en se jetant du haut du toit de l'établissement scolaire. C'est alors que la légende affirmant que chaque suicide rend six personnes malheureuses se confirme: ni assez pur pour entrer au Paradis, ni pêcheur malveillant méritant un place en Enfer, Makoto se retrouve au Purgatoire, où une mystérieuse jeune femme lui confie une périlleuse mission: sauver les six personnes les plus affectées par sa mort... qui, apparemment, seraient ses propres bourreaux.

Bien loin de la comédie romantique The Quintessential Quintuplets et des sentai de No Longer Rangers, Haruba dessine ici ce qui s'apparente à un véritable drame humain, surfant sur des sujets graves et toujours d'actualité qui sont le harcèlement scolaire, les pressions parentales ou encore, bien sûr, le suicide. Dans cette optique, en exploitant l'idée d'un retour de Makoto chez les vivants en tant que fantôme pour accomplir sa mission, les auteurs esquissent des choses intéressantes autour des actes extrêmes auxquels peuvent mener les brimades, de l'égoïsme du suicide où on laisse derrière soi des âmes meurtries, ou même la vacuité de la vengeance et de la violence. Qui plus est, alors que les six personnes que Makoto doit sauver semblent être celles qui le faisaient tant souffrir, les mangakas livrent en milieu de tome un rebondissement assez bienvenu de ce côté-là.

En somme, le sujet a facilement de quoi interpeller et intriguer, mais encore faut-il ensuite parvenir à bien l'utiliser. Shun Hirose et Negi Haruba y parviennent-ils ? Eh bien, oui et non.

Oui, car ils imposent un certain rythme soutenu qui ne nous lâche jamais vraiment, au fil duquel on découvre certaines choses: le statut de fantôme de Makoto qui est un peu plus que ça (il ne peut ni être vu ni être touché, mais peut quand même arriver à toucher des objets quand il en a la ferme volonté, ce qui lui sera forcément utile), les règles imposées par la femme du Purgatoire, ou encore le besoin non pas de sauver physiquement les personnes affectées par sa mort, mais bien de sauver leur âme en pleins tourments. De plus, Negi Haruba a à coeur d'offrir quelques scènes-choc qui donnent le ton, à l'image du suicide de Makoto qui n'est pas occulté et de certaines brimades particulièrement violentes voire sanglantes.

Et non, en premier lieu parce que, dans sa volonté de choquer un peu, le dessinateur manque parfois énormément de subtilité, en en faisant des caisses dans la méchanceté de certains de ses personnages, les rendant très caricaturaux et tout compte fait un peu ridicules. Et malheureusement, ce n'est pas la seule limite que Haruba montre ici: au-delà de quelques notes de fan-service forcées (en tête l'allure hyper sexy too much de la femme du Purgatoire), on restera surtout circonspect face à quelques situations de mauvais goût, notamment autour du personnage de Hinata (entre le fait que Makoto soit transporté dans le WC où elle est en train de faire ses besoins, et la manière complètement WTF dont la miss semble proche de jouir quand elle se fait brimer à coups de bâton entre les cuisses, on est "gâtés"...). Sur le plan narratif aussi, c'est parfois maladroit, car la volonté de maintenir un rythme soutenu pousse parfois les auteurs à se précipiter et à faire quelques raccourcis. Et enfin, dans la structure scénaristique, c'est également un peu mitigé sur certains points: quelques retournements de situation sont vraiment très gros, c'est parfois assez mal écrit (surtout à cause de la volonté d'en faire des caisses pour certains personnages), et on reste circonspect face à la tendance de la femme du Purgatoire à n'en faire qu'à sa tête avec son concept de boucle temporelle.

A l'arrivée, il y a donc de l'assez bon et du moins bon dans ce premier tome de Karma of Purgatory, et on a envie de mettre les différents défauts sur le compte du manque d'expérience des auteurs, qui travaillaient là tous les deux sur leur toute première série. Il suffirait que ceux-ci parviennent à gommer leurs limites et à trouver un meilleur équilibre pour que l'oeuvre décolle mieux. En attendant, on a tout de même un début de série qui a facilement de quoi intriguer, d'autant plus que l'histoire semble avancer étonnamment vite et que l'on n'est donc pas à l'abri de surprises par la suite.

Côté édition, Noeve Grafx nous propose un petit format shônen de bonne facture dans l'ensemble, avec un papier souple, assez opaque et agréable à manipuler, une qualité d'impression très correcte, un lettrage très soigné de la part d'Emma Poirrier, une traduction vivante et naturelle d'Angélique Mariet, et une jaquette fidèlement et soigneusement adaptée de la version japonaise d'origine, en plus d'être rehaussée d'éléments en vernis sélectif avec un léger relief.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
12.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs