Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 06 Juillet 2023
Natsu Hyûga est une autrice particulièrement populaire de ces dernières années, grâce à une œuvre : Les Carnets de l'Apothicaire, ou Kusuriya no Hitorigoto pour les japonisants. Initialement un light novel, le titre fut adapté en pas moins de deux mangas, dont le plus populaire est celui Neko Kurage, qui connaît un succès retentissant chez nous. C'est sans doute cet engouement qui a poussé les éditions Lumen à nous proposer le roman d'origine, et Meian à acquérir la version un poil moins acclamée de Minoji Kurata, tandis que l'adaptation animée est particulièrement attendue, et devrait pointer le bout de son nez durant l'automne.
Alors, quand l'autrice lance un nouveau projet, celui-ci ne pouvait pas passer inaperçu. En 2021, elle s'associe à la mangaka Modomu Akagawara (dont l'oeuvre phare était jusqu'à présent Ani Tomo, inédite chez nous) pour un projet particulier, axé sur le principe du média croisé. Leur fiction conjointe s'intitule Kamisama Gakkô no Ochikobore, et prend la forme d'un light novel et d'un manga, les deux connaissant une parution simultanée, à tel point que le premier tome de chaque version est sorti le même jour, au Japon. Si Natsu Hyûga écrit cette histoire, au format roman notamment, Modomu Akagawara illustre le light novel et se charge de dessiner le manga, en se basant sur le manuscrit initial de l'autrice. La parution est en cours depuis 2021 dans le magazine Hana to Yume des éditions Hakusensha, 5 tomes ayant été publiés au Japon, pour l'heure.
En somme, deux versions d'une même œuvre, par les mêmes artistes, mais dont les formats de parution donnent lieu à des ouvrages qui ont leurs différences, selon la dessinatrice. Et parce que Les Carnets de l'Apothicaire ont connu un certain succès, Ki-oon reste fidèle à l'autrice en proposant le format manga, intitulé Kamisama School chez nous.
L'intrigue prend place dans un monde similaire au nôtre, mais où le concept de divinité a largement évolué. Aujourd'hui, des individus dotés de pouvoirs ont émergé parmi les populations, les Himiko. Certains d'entre eux, après obtention d'un diplôme difficilement accessible, deviennent des Kami, des dieux qui exercent leurs rôles au sein de la société.
Au Japon, le sanctuaire de la famille de la jeune Nagi est privé de sa déesse, depuis le décès de sa grand-mère qui était la Kami de l'établissement. La demoiselle n'a pas de tels pouvoirs, contrairement à son frère qui vie reclus dans sa chambre, depuis l'accident qui a coûté la vie à sa défunte grand-mère. Pourtant, un concours de circonstances va mener Nagi dans un endroit qu'elle n'aurait jamais rêvé atteindre : l'académie privée Kannagara, qui forme les Kami.
C'est sur ces bases pleines d'énergie que débute Kamisama School, un titre dont le premier chapitre fait office d'une amorce peu représentative. Car si l'introduction présente Nagi dans un quotidien où les Himiko et les Kami ont leur importance, il ne sert que d'élément déclencheur pour diriger le récit vers la comédie scolaire, dans un univers surnaturel. Mais il fallait bien ce point de départ d'une cinquantaine de pages pour planter doucement le folklore et nous introduire les divers concepts, afin de mieux embrasser la destinée qui attend l'héroïne. En ce sens, c'est bien joué, et le lecteur qui n'a pas lu le synopsis pourra même être surpris.
Le coeur du volume se déroule donc à l'académie Kannagara, école où les Kami sont formés, et où Nagi n'a pas sa place, a priori. Bien entendu, il est facile de comprendre que la protagoniste est tout sauf une humaine ordinaire, et les événements eux-mêmes ne font que nous aiguiller vers cette indication. Pourtant, il reste une forme de mystère en ce qui concerne les dons de Nagi, jamais dévoilés, permettant de créer des situations volontairement confuses et de mettre en avant sa "différence" vis-à-vis de ses camarades. L'une des forces de ce premier tome vient ainsi de son ton bienveillant, l'héroïne étant presque la seule à se considérer comme un obstacle, là où ses rapports avec autrui se font chaleureux la plupart du temps. Il y a certes quelques personnages plus caractériels, dont l'énigmatique Tota, mais tout ceci semble surtout préparer le terrain pour les échanges futurs.
Dans cet ordre d'idée, on surveillera aussi sur Tsukuyomi, divinité quasi mystique dans sa représentation, et qui frappe forcément notre curiosité. L'individu se fait observateur pour le moment, mais on reste curieux de voir son implication à l'avenir.
En somme, ce très agréable premier tome de Kamisama School réserve un accueil chaleureux, dans un monde plein de couleur, et dans une aventure qui montre déjà de belles promesses, sans compter le trait ravissant de Modomu Akagawara qui sait mettre en relief le charme du titre. Malgré un classicisme certain, cet opus de démarrage n'a pas de quoi refroidir, bien au contraire. Aussi, on restera attentifs à l'évolution de la série !
Côté édition, Ki-oon livre un travail dont il est coutumier, basé sur un papier solide et de belles finitions. Saluons aussi l'adaptation graphique solide du Studio Charon, et la traduction pleine de vie d'Angélique Mariet, totalement en phase avec le charme de l'univers.