Ile entre deux mondes (l') Vol.1 - Actualité manga
Ile entre deux mondes (l') Vol.1 - Manga

Ile entre deux mondes (l') Vol.1 : Critiques

Hisakata no oto

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 14 Avril 2021

Habituée à mettre ou remettre en avant des mangakas déjà bien réputés (Satoshi Kon, Minetarô Mochizuki, Atsushi Kaneko, plus récemment Katsuya Terada... pour n'en citer que quelques-uns), la collection Graphic de Pika Edition accueille également, de façon régulière, des artistes inédits dans notre pays, et que l'on se plaît alors beaucoup à découvrir. Kabi Nagata (Solitude d'un autre genre), Miki Yamamoto (Sunny Sunny Ann !), ou Naoto Yamakawa (Une douce odeur de café) ne sont que quelques-uns de ces artistes à la patte bien reconnaissable que l'on a ainsi pu découvrir dans la collection. Et en ce mois d'avril, un nouveau nom vient s'ajoute rà la liste en la personne d'Asuka Ishii.

Asuka Ishii, née en 1984, c'est avant tout une artiste à différentes facettes, puisqu'elle est en premier lieu connue pour ses travaux dans la peinture et l'illustration, travaux lui ayant permis d'être exposée dans plusieurs lieux (Tokyo, Okinawa, Hokkaidô, festivals...), et même d'être finaliste au 18e prix d'Art Contemporain du Musée commémoratif Taro Okamoto. Ce n'est que tardivement à l'âge de 30 ans, qu'elle a pu s'essayer au manga, après avoir décroché la 2e place du prix Shiki du magazine Afternoon de Kôdansha, un prix visant à offrir de la visibilité à des auteurs débutants. L'année suivante, elle a remporté ce même prix, et depuis, Ishii a surtout dessiné des histoires courtes, souvent pour Kôdansha (dans les magazines Afternoon et Good! Afternoon), mais pas que (sa dernière histoire courte en date, Ten Kara Kita, a été publiée dans le magazine Young Animal de Hakusensha en 2020). Mais au beau milieu de tout ceci, une série en deux tomes a donc vu le jour: L'île entre deux mondes. De son nom original Hisakata no Oto, cette série fut initialement prépubliée à rythme mensuel en 2017-2018 dans le magazine Good! Afternoon, aux côtés de titres comme Ajin, Drifting Dragons ou encore Magus of the Library.

Ici, tout commence par une page en couleurs d'un bleu maritime profond, où il est mystérieusement question d'aller rendre quelque chose sur une île. Puis on fait la connaissance de Yuzuki, un jeune enseignant qui reçoit un appel: l'école d'une petite île, Aoshima, a eu vent de sa demande de mutation, et souhaite l'embaucher en tant que nouveau professeur de sciences sociales l'année suivante. Immédiatement, le jeune homme accepte, non sans lâcher quelques mots un peu étranges: Il dit connaître l'endroit seulement de nom, et pourtant il y a passé une part de son enfance, dont il a toutefois peu de souvenirs. Quoi qu'il en soit, quelque temps plus tard, le voici arrivé sur cette île surnommée "l'île bleue" du fait de son nom, où il s'apprête à prendre ses nouvelles fonctions. Mais plus encore que son travail d'enseignant, ce qui risque surtout de le happer, c'est la multitude de phénomènes et de paysages hors du commun, qui semblent irrémédiablement l'attirer à la frontière entre la nature et le surnaturel...

La lecture nous invite donc au sein d'une île fictive, mais pour laquelle la mangaka avoue s'être inspirée de divers endroits qu'elle a elle-même visités où dont on lui a parlé. Aoshima, c'est avant tout une île de taille modeste, habitée par un demi-millier de personnes, dont l'école est petite et regroupe les différentes sections (primaire, collège), et où Yuzuki aura l'occasion de retrouver des têtes qu'il a connues dans son enfance (comme Haru Ichinose, une amie d'enfance devenue enseignante elle aussi et dont il se souvient un peu, ou mamie Suzu, une vieille dame qui se souvient de lui), et de rencontrer de nouveaux visages à commencer par ses élèves, en tête desquels Sô et Katsuki, deux jeunes pleins de vie qui adorent l'eau au point de ne quasiment faire qu'un(e) avec elle.

Mais dans ce cadre invitant déjà au dépaysement, c'est toutefois un tout autre type de voyage qui attends surtout le jeune homme. Un voyage aux frontières du réel, au gré de nombre de petites choses hors du commun. Il y a ces éléments naturels, sur lesquels on raconte parfois des légendes bien ancrées dans l'île: d'étonnantes lumières dans l'eau dès l'arrivée de Yuzuki en bateau, un vent disparu qui finit par revenir, un brouillard qui aurait la faculté de faire disparaître les choses. Mais aussi des êtres qui semblent presque extraordinaires: des hérons apparaissant en des lieux insolites (dont un se détache d'un tronc d'arbre), une grande raie manta translucide, une baleine scintillante...

Que signifie tout ceci ? Même si Ishii intrigue un petit peu sur cette question, pour l'heure il n'est aucunement question d'y répondre, car son oeuvre se présente avant tout comme un voyage surnaturel teinté de naturalisme, où il convient de simplement se laisser porter, au rythme des pas de Yuzuki, un peu comme on aurait envie de le faire dans d'autres mangas comme Mushishi, les Enfants de la Mer ou Underwater. Et dans cette optique, l'artiste effectue un excellent travail d'ambiance, qui passe beaucoup par le soin de son dessin et de son découpage. On peut notamment signaler le talent avec lequel Ishii nous fait ressentir les éléments, dès les premières pages avec ces vagues qui viennent accompagner Yuzuki sur le bateau, ou plus tard via la ressenti du sable sous les pieds de Yuzuki, ou encore la brume qui s'installe. Le vent, les vagues, le tonnerre, le brouillard, les insectes... sont autant de choses naturelles que l'autrice fait ressentir avec une certaine maestria visuelle, en en faisant, le temps de quelques pages seulement parfois, des acteurs à part entière du récit.

Nous voici alors face à une première moitié de "voyage" particulièrement fascinante, si tant est que l'on aime ce genre d'oeuvre bien sûr. Et pour bien porter un tel manga, la collection Graphic est idéale, avec son grand format permettant de bien s'imprégner des détails, son papier épais et souples permettant une excellente impression, et ses savoureuses 6 premières pages en couleurs dominées par le bleu. Qui plus est, le tout s'accompagne d'une traduction claire de Thibaud Desbief, et d'un lettrage soigné. Quant à la couverture, elle reprend fidèlement celle de l'édition japonaise.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs