Graineliers Vol.1 - Actualité manga
Graineliers Vol.1 - Manga

Graineliers Vol.1 : Critiques

Graineliers

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 18 Janvier 2019

Surtout connue pour ses boy's love à succès, Rihito Takarai est devenue, en quelques années, l'une des valeurs sûres des éditions Taifu Comics. Mais sa bibliographie ne se limite pas aux récits d'amours homosexuels, on en a déjà eu la preuve en France avec l'excellent Welcome to Hotel Williams Child Bird et avec The Bride of the Fox Spirit, deux oeuvres estampillées shôjo au Japon, et où l'artiste n'était qu'au dessin. Mais cette fois-ci, les éditions Ototo Manga nous proposent de découvrir ce qui est la toute première série non boy's love où Takarai est seule aux commandes, à la fois au scénario et au dessins: en cours de parution depuis 2013 à rythme plutôt lent (à ce jour, seulement 3 volumes sont sortis au Japon), Graineliers (ou Grainerie) est un shônen publié chez Square Enix dans les pages du magazine GFantasy, aux côtés de titres comme Black Butler ou The Grim Reaper and an Argent Cavalier. Au programme, un récit fantastique nous plongeant dans un monde qui s'annonce captivant.

Dans ce monde, qui n'est pas exactement précisé (mais qu'on a envie d'assimiler à la France, au vu des noms à consonance française, des francs en guise de monnaie, de la présence de piment d'Espelette, ou de l'architecture des villes et villages), il existe des centaines de milliers de graines devenues indissociables de la vie quotidienne, autant pour les riches que pour les pauvres, de par les capacités qu'elles contiennent. Par exemple, il y a de très courantes graines à feu produisant des flammes quand on les écrase, ou au contraire des graines beaucoup plus rares et délicates à préserver, et donc inaccessibles au bas-peuple. Les graines les plus plus taboues sont les graines dites "délétères", qui, quand elles sont ingurgitées, transforment le corps de leur hôte en organisme semi-végétal. En avaler est le pire des crimes possibles, et celui qui s'en rend coupable, au vu de son corps ni vraiment humain ni vraiment végétal, et tout bonnement considéré comme mort d'un point de vue civil, tandis que celui qui lui en a données est considéré comme un meurtrier et est poursuivi. Il y a bien des graines dont on ignore encore parfois toutes les possibilités, et c'est bien pour cela qu'existe l'"Organisme National d'Etudes et des Recherches des Graineliers", chargé de l'étude et de la culture des graines les plus rares. Seul cet organisme a le droit d'étudier et de cultiver ces graines rares: quiconque n'a pas le diplôme officiel de grainelier se rend coupable de grave délit s'il effectue ses propres recherches.

Lucas Anglade est un jeune garçon qui joue pourtant avec le feu, en se faisant parfois de l'argent avec des graines extrêmement rares comme celle d'amarantite, provoquant alors l'inquiétude de son meilleur ami, Abel Guivarche. Néanmoins, tous deux se sont fixés pour but de devenir, plus tard, graineliers... Mais Lucas le pourra-t-il seulement ? Voici désormais plusieurs années qu'après la mort de sa mère malade, il a déménagé en catastrophe depuis la capitale jusqu'à un petit village avec son père Christophe. Depuis, son paternel a complètement changé: celui qui était un papa plutôt attentionné est devenu plus froid et s'est éloigné de tout, passant la plupart de son temps enfermé dans une pièce où il prend soin de graines qu'il ne devrait surtout pas posséder... si bien qu'un jour, des soldats finissent par frapper à la porte de la maison pour l'arrêter. Christophe a tout juste le temps d'ordonner à son fils de fuir, non sans lui confier des graines qu'il lui conseille d'avaler car elles pourront visiblement le "protéger". Ce que le jeune garçon ne sait pas, c'est qu'il s'agit de graines délétères... Sitôt celles-ci avalées, il s'effondre... pour se réveiller deux ans plus tard, dans un lit chez Abel. Mais Lucas est désormais différent. Bien qu'humain en apparence, il est conscient qu’à l’intérieur il n’est plus le même, et que si son secret est découvert il ne sera plus considéré comme un être humain vivant et sera traqué. Pourtant, il ne peut évidemment se résoudre à vivre éternellement caché chez son ami, et c'est en compagnie d'Abel, pourtant toujours désireux de devenir grainelier, qu'il choisit de sortir pour comprendre ce qui lui est arrivé, essayer de savoir ce que son père cherchait, et cerner ce que lui-même est devenu...

D'emblée, Takarai pose des bases fascinantes, avec ce concept autour des graines qu'elle semble décidée à exploiter en profondeur, comme en témoignent les différentes règles qu'elle imagine autour, les possibilités qu'elles offrent, et la rigueur avec laquelle il faut les cultiver: la graine ne doit pas être abîmée, doit être prête à germer, et doit être plantée dans des conditions optimales, dans un lieu hermétique où température et humidité doivent être très rigoureusement respectées. Une précision qui passe aussi par les premières découvertes que Lucas fait sur son nouveau "lui-même": il n'a plus besoin de manger et est d'ailleurs écoeuré à la vue de nombre d'aliments, peut se contenter de boire de l'eau, et tout de même attiré par des aliments comme le piment car cela contient des substances nécessaires à la vie d'une plante... Tout est donc en place pour un récit réfléchi et immersif, où l'on suit les premières aventures de nos deux héros hors de chez eux. Premières aventures les plaçant déjà dans certaines situations délicates, dès lors qu'ils font la rencontre de Chloé, une fillette qui, elle aussi, va réserver quelques surprises. Ce sera le début de premières découvertes sur les capacités qui pourraient désormais être en Lucas... suscitant dès lors la suspicions de l'organisme des graineliers, qui ne laissera rien passer.

Car au-delà d'un univers assez captivant dans son principe, ce qui marque aussi déjà à la lecture, c'est bien un fond possiblement plus sombre, avec de hautes instances exerçant pressions et traques sur quiconque ne rentre pas dans leur moule (le père de Lucas a déjà subi ça, et notre héros pourrait à son tour vite se retrouvé traqué...), et la nouvelle condition de notre personnage principal, qui si son secret est découvert ne sera tout bonnement plus considéré comme une personne normale ou comme un être humain, sera privé de son existence, de son droit de vivre, simplement à cause de son hybridité.

Pour parfaire le tout, la mangaka délivre des planches d'une beauté visuelle souvent époustouflante. Takarai n'a rien perdu de son trait fin concernant les personnages, et elle brode autour d'eux des décors somptueux, allant d'arbres fascinants à des fleurs ou de simples graines parfois assez détaillées, quand elle ne se contente pas d'épurer les cases pour encore mieux faire ressortir la finesse des visages. Son découpage, élégant, sobre et soigné, invite régulièrement à la contemplation, histoire de nous immerger encore mieux dans ce monde qui conquiert d'emblée.

Graineliers, comme espéré au vu des talents de la mangaka qui ne sont plus à prouver, s'offre donc une entrée en matière particulièrement réussie, où toutes les bases sont minutieusement posées autour d'un univers souvent captivant mais laissant aussi deviner des choses possiblement plus dures... La suite se fera attendre avec beaucoup d'intérêt, et on en vient déjà à regretter que la parution japonaise soit si lente.

Du côté de l'édition, Ototo livre une bonne qualité de papier et d'impression, tandis que Nicolas Pujol offre une traduction très claire, agréable, et bien dans le ton de l'oeuvre.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs