Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 05 Janvier 2010
Avec Frères du Japon, le mangaka Taiyo Matsumoto, célèbre pour le cultissime Amer Béton, Ping Pong, Gogo Monster ou, plus récemment, le Samourai Bambou, nous propose, en 200 pages, 9 nouvelles composées d'une grosse vingtaine de pages chacune, 9 visions différentes de la mort et du temps qui s'écoule.
Pour autant, rien de profondément dramatique ici, ou en tout cas, pas dans le style de l'auteur, qui prend le parti de nous offrir ici des nouvelles tout sauf ordinaires, menées par des personnages enfants, adultes ou vieillards marginaux (à l'image de Tchali, Maruo et Matsuri dans les trois nouvelles composant "A la fin d'une journée ordinaire"), décalés comme dans "[love²] Monkey Show", voire animaux ("Gon Gon "La Dynamite"") ou même semblant presque venir d'ailleurs ("Frères du Japon"). A vrai dire, seule la dernière histoire, "Famille japonaise", présente des personnages paraissant un peu moins barrés, mais évoluant tout de même en milieu mafieux.
Le ton décalé et/ou marginal de certains protagonistes est résolument de la partie. Ne vous étonnez donc pas d'en voir un parler à son vélo, un autre chouchouter une poupée, d'assister à un duel à mort entre deux chevaliers en armure dans un désert dans une nouvelle dépourvue du moindre dialogue (ce qui permet de se focaliser pleinement sur la symbolique visuelle de ce duel), de voir un enfant obsédé par la mort, ou encore un gorille et un ours pilotes de moto ou une baleine flottant dans le ciel.
A travers tous ces personnages tout sauf stéréotypés, Matsumoto, à l'aide de son style unique et reconnaissable entre tous, de sa mise en scène audacieuse, de son coup de crayon expressif volontairement tremblotant et inégal (dans le bon sens du terme) et de ses multiples influences, parvient, en seulement une poignée de pages, à nous montrer différentes manières de se représenter et de penser la mort et le temps qui passe. Que l'on aime ou pas le style atypique de l'auteur, on a conscience d'avoir lu ici un titre pas comme les autres, qui aborde des thèmes récurrents comme peu de personnes l'avaient encore fait.
Dommage que le titre ne soit plus commercialisé et soit devenu si difficile à trouver. Aurons-nous la chance de le voir ressortir un jour ? Si oui, espérons que ce sera dans une édition un poil meilleure. Pas que celle que Tonkam nous offre ici soit foncièrement mauvaise (le grand format est appréciable, et la traduction ainsi que l'impression sont loin d'être mauvaises), mais certains points (principalement le lettrage) peinent à convaincre.