Fall In Love With Spring - Manga

Fall In Love With Spring : Critiques

Weile Ai Shang Chuntian

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 26 Décembre 2024

L'année 2024 des éditions Chattochatto aura été plutôt discrète, avec seulement trois sorties. Ainsi, après le premier tome de Tokugawa Monleys en février, puis le sixième et dernier volume de Don't Call Me Magical Girl, I'm OOXX, au mois de mai, c'est un one-shot qui, en novembre, a achevé l'année de l'éditeur indépendant: Fall in Love with Spring. L'autrice de ce récit en cinq chapitres (plus un petit chapitre bonus, pour un total d'environ 190 pages) n'est pas inconnue dans notre pays puisqu'il s'agit de la taïwanaise Wu Yushi, découverte par Chattochatto dès janvier 2021 avec Ocean Colored Polaris, puis ayant fait une escale dans le catalogue des éditions Mahô en mars 2024 avec La Voyageuse de 1934. Ces deux premières publications françaises étaient à la fois pleines de belles idées et un peu inégales dans leur réalisation, alors Fall in Love with Spring sera-t-elle l'oeuvre de la maturité pour cette autrice qui, dans ses sujets, sait toujours nous interpeler ?

Ici, tout commence lorsque Lily, une petite fille à la santé fragile et élevée comme une petite princesse, reçoit un ambitieux cadeau de Noël de la part de sa scientifique et inventrice de mère: un robot de son invention, à l'apparence de jeune femme, et qui est voué à passer du temps avec la fillette à sa place, car elle est trop prise par son travail. Adorable, douce et gentille, Lily a vite fait de s'attacher à celle qu'elle va baptiser Shelly et qu'elle va rapidement considérer comme une véritable grande soeur.

Les choses pourraient s'arrêter là. Ce robot pourrait ne rester bel et bien qu'une machine sans âme ni pensées personnelles. Mais bientôt, pour rendre Shelly encore plus apte à accompagner Lily, sa mère intègre au robot quelque chose de plus: un coeur, qui devrait lui permettre d'assimiler au mieux des connaissances et de servir toujours plus correctement Lily. Cependant, avec ce coeur, Shelly va également être amenée à évoluer à sa manière, comme si elle était humaine, sans pour autant en être réellement une. Elle commence alors à se questionner sur sa condition d'"outil", sur son corps mécanique et non humain, le fait qu'elle n'a pas d'anniversaire ou qu'elle ne connaît pas de changement physique... Et au fil des années, tandis que Lily grandit, fait des rencontres, tombe amoureuse et bien d'autres choses encore, nombre d'émotions humaines naissent en Shelly. Des émotions positives comme la compréhension de la notion d'amitié, de celle de famille, ou de celle de bonheur à voir les gens qu'on aime être heureux. Mais aussi des émotions plus négatives comme la tristesse, la jalousie, la crainte d'être différente... au risque, un jour, ce provoquer certains drames.

Cette fois-ci, Wu Yushi aborde donc le sujet vaste et très actuel de l'intelligence artificielle et de jusqu'où elle peut aller dans son rapprochement avec l'humain, à travers un récit qu'elle a imaginée à partir de sa précédente oeuvre "Au revoir! Pinocchio" (inédite en France à l'heure où ces lignes sont écrites). En seulement un peu moins de 200 pages, les réflexions restent classiques et u peu survolées quand on est habitué à ce genre de thématique, néanmoins Wu Yushi démontre une manière particulièrement forte en émotions pour aborder tout ça, grâce à deux points en particulier. Tout d'abord, la manière dont son sujet autour de l'I.A., de ses possibilités, de ses limites et de ses dangers permet avant tout de mettre en évidences les différentes facettes des émotions propres à l'être humain, des émotions que tout le monde connaît et qui peuvent être là autant pour le meilleur que pour le pire. Ensuite, la faculté qu'a l'autrice à nous faire changer de regard sur chacune de ses deux héroïnes selon leurs émotions et réactions, justement. Tour à tour, Lily et Shelly pourront nous apparaître adorables, attachantes et touchantes, ou au contraire inquiétantes, égoïstes et détestables. Tout simplement parce que toutes les deux, l'humaine et le robot rêvant de devenir humaine, connaissent ces différentes sortes d'émotions qui font de nous ce que nous sommes. Enfin, on peut assurément dire que l'autrice, malgré quelques raccourcis de découpages, porte soigneusement son histoire avec ses dessins où la douceur apparente cache souvent une part plus tourmentée grâce à l'aspect assez introspectif de la narration.

A l'arrivée, il a beau avoir quelques petits manques de développements et quelques limites de narration visuelles, ce one-shot se révèle très touchant, en poussant facilement le lectorat à s'émouvoir de la situation de ces personnages et à s'interroger sur l'I.A., sur l'humain et surtout sur les aléas des émotions humaines et des désirs humains.

Qui plus est, Chattochatto nous livre tout ça dans une qualité éditoriale très honnête: la traduction de Daphné Huang est assez claire malgré certaines tournures de phrases un peu lourdes, le papier est épais et agréable à manipuler malgré une légère transparence, l'impression est honnête, le lettrage est assez propre, la première page en couleurs sur papier glacé est appréciable, et la maquette de couverture assurée par Bruno Durand de NO HIT Studio est très jolie. On appréciera également les quelques pages bonus, dans lesquelles Wu Yushi nous laisse apprécier quelques dessins préparatoires commentés pour les designs de ses principaux personnages.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction