Etranger de la plage (l') - Actualité manga

Etranger de la plage (l') : Critiques

Umibe no Étranger

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 30 Mars 2017

Sur une petite île isolée d'Okinawa, Shun Hashimoto, jeune homme gay, vit en colocation avec Eri, elle aussi homosexuelle, et tente de joindre les deux bouts en vivant de son travail d'écrivain. D'un naturel plutôt solitaire, il semble cacher en lui une certaine douleur... que le jeune Mio pourrait peut-être combler un peu. Croisé sur la plage, ce lycéen mélancolique passe son temps à regarder l'océan qui s'étend face à lui, et a naturellement suscité l'attention de Shun. Les deux jeunes gens ont appris à se connaître, se sont côtoyés de près et rapprochés, jusqu'à ce que Mio soit poussé à quitter l'île, non sans faire la promesse à Shun de lui écrire régulièrement. Trois ans et une seule lettre plus tard, Shun continue de penser à Mio, jusqu'à avoir la surprise de le voir re-débarquer sur l'île et lui avouer directement qu'il l'aime ! Le bonheur est-il tout trouvé pour Shun ? pas si sûr, car pour certaines raisons, l'écrivain à toutes les peines du monde à se lancer dans une relation amoureuse...

De son nom original Umibe no Etranger, publié au Japon en 2013-2014, L'Etranger de la Plage est la toute première série de Kii Kanna, une mangaka qui, depuis, a offert à ce récit une suite directe (L'Etranger du Zéphyr, aussi publié aux éditions Boy's Love), et s'est également fait remarquer pour l'excellente Qualia under the snow (sorti en France chez Taifu Comics).

Dans une petite contrée insulaire d'Okinawa, la mangaka nous offre un récit où tout est d'abord question d'ambiance. Et pour cela, le style graphique est impeccable. Kii Kanna possède un trait qui apporte beaucoup de douceur et de tendresse à ses personnages, ceux-ci étant particulièrement réussis, même si leur dégaine colle assez peu à de jeunes adultes (ils ressemblent franchement à des adolescents). Toutefois, c'est peut-être à travers son décor que l'artiste exprime le mieux son ambiance. Elle fait très attention à ses cadres intérieurs riches de nombreux détails, et plus encore à ses paysages extérieurs : montagne, océan, temps... la nature est assez présente, et la mise en scène parvient bien souvent à la sublimer en insistant sur certains éléments en particulier comme des feuilles, des branches, un banc ou l'horizon s'étendant derrière l'océan... Il en résulte une atmosphère parfois intime et souvent paradisiaque, nous invitant sans mal à des milliers de kilomètres de chez nous. Sitôt happé par l'atmosphère de cette petite île, on n'en ressort plus avant d'arriver au bout du volume.

Pourtant, en dehors de ce cadre, c'est une histoire empreinte d'une pointe de mélancolique et de douleur que Kii Kanna nous offre, ses deux personnages ayant recelant quelques souffrances, surtout Shun. Bien qu'ouvertement gay, pourquoi évite-t-il soigneusement  d'entamer une relation amoureuse ? Que craint-il ? Quelles douleurs passées l'ont conditionné ? Nous découvrirons alors un jeune homme témoignant d'une certaine réalité : s'il laisse peu de place à ses sentiments, c'est par peur de gêner son entourage. Ne pas se brouiller avec ses amis ou rassurer ses parents sont autant d'éléments qui font qu'il se mentait autrefois à lui-même quant à son homosexualité, ce qui l'a amené à involontairement blesser certaines personnes. Kanna évoque ainsi la difficulté d'être soi-même et de s'assumer face aux pressions extérieures ou que l'on peut se mettre soi-même. Face à lui, Mio est alors un garçon bénéfique, car quelque part il est son contraire : pas exclusivement gay, il ne fait aucune différence entre homme et femme. Il est tombé amoureux de Shun, c'est ainsi, et il l'assume en toute liberté. Peut-être sera-t-il celui qui poussera enfin Shun à sortir de sa solitude et à affronter à nouveau ses douleurs passées ?
Autour de ce duo se profilent essentiellement deux autres personnages, deux demoiselles. Ayant un lien très étroit avec Shun et son passé, la belle Sakurako est un personnage très bénéfique, loin de se présenter bêtement comme une rivale amoureuse, et poussant elle aussi Shun à se confronter à ses tourments pour son propre bien. En revanche, on regrette qu'Eri, personnage qui s'annonçait intéressante au départ, devienne par la suite très secondaire.

En attendant de lire la suite directe, L'Etranger du Zéphyr, L'Etranger de la Plage nous immerge très facilement grâce à son cadre et son atmosphère très travaillés, à sa douceur, à ses personnages chez qui se mêlent tendresse, mélancolie, spontanéité, gêne et maladresse. Pour une première série, Kii Kanna épate déjà.

L'édition française est très agréable à prendre en mains avec un papier assez épais et conservant une certaine souplesse, une impression correcte et une traduction d'Aline Kukor qui colle bien à l'ambiance.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs