Entre nos mains Vol.1 - Actualité manga
Entre nos mains Vol.1 - Manga

Entre nos mains Vol.1 : Critiques

かけおちガール

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 08 Mars 2023

D'abord proposé en avant-première numérique, chapitre par chapitre, à partir de novembre 2021, le manga Entre nos mains arrive désormais en version papier aux éditions Akata, avec un premier volume d'un peu plus de 200 pages qui est paru le mois dernier dans notre langue. Prépubliée au Japon de 2018 à 2021, à rythme bimestriel, dans le magazine Hatsu Kiss des éditions Kôdansha sous le titre Kakeochi Girl, cette oeuvre a pour petite particularité, dans son pays d'origine, de totaliser 4 tomes dans sa version numérique et 3 volumes dans sa version papier. Il s'agit de la toute première publication française de Battan, une artiste que l'on a récemment retrouvée en avant-première numérique chez Akata avec l'une de ses dernières séries en date Jalouses, et qui officie professionnellement depuis 2015 en s'étant taillée, en seulement quelques années, une jolie petite réputation, notamment grâce à son style visuel bien reconnaissable qui lui a permis d'exposer dans différentes galeries.

Dans Entre nos mains, on commence par brièvement découvrir la relation amoureuse qu'entretenaient deux adolescentes à l'époque du lycée. on sent les dénommées Makimura et Midori réellement heureuses d'être ensemble, et vivant leur amour innocent avec autant de sincérité que de complicité. Hélas, ce bonheur a soudainement trouvé son terme avec la fin du lycée, sous l'impulsion d'une Midori qui, tout sourire, a simplement dit que deux filles ensemble, ça ne peut pas durer pour toujours.

Depuis cette époque bénie pour les deux filles, dix années se sont écoulées. Maki est désormais étudiante doctorante en ophtalmologie, et tandis qu'on la bassine avec le mariage, elle est toujours restée célibataire en n'ayant jamais pu oublier son unique amour. Maki reste seule, encore et toujours, et ne se confie qu'à Komari, une lycéenne rencontrée sur twitter, elle aussi homosexuelle, avec qui elle échange beaucoup, et qui lui donne étonnamment des conseils. C'est dans ce contexte que, sans prévenir, Midori réapparaît devant elle, en visite au cabinet d'ophtalmologie où Mali est en apprentissage. Les deux femmes se reconnaissent immédiatement, font un bout de route ensemble. Face à son amour impossible à oublier et qui a gardé cette manie de toujours rire avec légèreté, Maki sent vite des souvenirs qui remonte, et c'est encore plus le cas quand Midori lui dit au revoir en l'embrassant. Les retrouvailles semblent idéales, et Maki veut croire à un coup du destin. C'est sans compter sur ce que Midori, la fois suivante, aura à lui avouer...

Cette révélation faite par Midori à Maki se transformera même en double révélation, et l'on va tâcher d'en dire le moins possible dessus pour ne rien spoiler, pour plutôt s'intéresser à ce qu'elle implique pour chacune des deux héroïnes, Maki et Midori se voyant astucieusement décortiquées à tour de rôle dans ce tome via une narration assez introspective sur chacune d'elles. Ce qui permettra notamment de découvrir tout ce que cache Midori derrière ses rires de façade qui lui permettent souvent d'évacuer des choses pourtant graves pour son propre bonheur, comme si elle était incapable de faire face à ses vrais sentiments, elle qui se raccroche ici à un bonheur qui certes tel que le voudrait la société dans sa majorité mais qui est en réalité totalement factice. C'est, d'ailleurs, bel et bien Midori qui marquera le plus les esprits pour l'instant, tant le travail effectué sur elle apparaît touchant et crédible: elle essaie de se conformer au bonheur tel que le conçoit la majorité mais n'est pas heureuse, agit surtout ainsi à cause de ce sentiment tout naturel qu'est la peur de la solitude, ne se sent pas à sa place dans des choses qui sont censées être d'heureux événements... Enfin, aux deux héroïnes, on pourra aussi ajouter la petite introspection faite sur l'autre personnage important de ce tome, Tazune, un homme particulièrement toxique dans sa manière de voir les femmes, de dénigrer Midori, de ne pas la laisser être sur un pied d'égalité avec lui, de ne pas s'impliquer sur certaines choses cruciales, et dont le comportement découle aussi de ses propres expériences passées.

Le travail effectué par Battan sur ses personnages sonne vraiment juste, et peut faire écho à d'autres oeuvres comme certains récit d'Akane Torikai ou Si nous étions adultes... de Takako Shimura, d'autres mangas publiés eux aussi en France par Akata. Et pour accompagner son récit tout en mélancolie et en faux-semblants, l'autrice dévoile un rendu visuel particulièrement séduisant. Bien sûr, il y a son trait tout rond et tout doux dans les designs de ses héroïnes, mais en même temps assez pimpant et pop. Mais il y a aussi plusieurs petites fantaisies amenant un charme à part au récit, à l'image des bulles en forme de coeur pour certaines paroles prononcées par Midori à l'attention de Maki (sans doute pour montrer que c'est avec elle qu'elle est la plus vraie et la plus heureuse dans le fond), des effets étoilés et d'autres jeux de lumière. Sans oublier des moments de mise en scène qui imprègnent nos rétines. D'emblée, une superbe double-page présentant la relation des deux lycéennes, qui marchent ensemble dans la rue, se tiennent la main, s'embrassent, le tout avec une absence de cases qui offre un rythme un peu hors du temps à cette vision. Ou la double-page 124-125 qui cristallise avec force la solitude qui s'empare de Midori, avec ses pas dans le noir et les silhouettes floues et fugaces tout autour.

Battan nous offre, à l'arrivée, un premier volume fort et séduisant, qui brille autant par l'introspection de ses personnages que par son rendu graphique. Alors que Maki et Midori semblent tant vouloir revenir à cette époque bénie du lycée où elles étaient si bien ensemble, pourront-elles retrouver leur relation d'avant malgré la situation actuelle du monde adulte, et enfin saisir le bonheur entre leurs mains ? On l'espère, surtout après avoir assisté aux toutes dernières pages d'une violence terrifiante.

En ce qui concerne l'édition française, c'est du tout bon pour Akata. A l'extérieur, la couverture conçue par Clémence Aresu reste proche de l'originale japonaise tout en s'offrant un logo-titre aussi simple qu'efficace. Et à l'intérieur, on a droit à une bonne qualité de papier et d'impression, à un lettrage très soigné de Tom "spAde" Bertrand, et à une traduction limpide et naturelle signée Blanche Delaborde.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs