Elle s'appelait Tomoji - Actualité manga
Elle s'appelait Tomoji - Manga

Elle s'appelait Tomoji : Critiques

Tomoji

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 15 Mars 2016

1925, ère Taishö, dans les contrebas du versant sud du mont Yatsugatake siège le petit village d’Hemi ; la belle Tomji, treize ans, fait promenade dans les vertes contrées foisonnant à perte de vue, les cheveux tressés portés par le doux vent de mai : au loin, le légendaire mont Fuji pointe vers l’azur frais. Il est temps de retourner porter son aide à la boutique familiale ; en chemin, raccompagnant une vache qui s’était égaré de son troupeau de fortune, elle croise un jeune photographe venu d’une de ces villes, pour ainsi dire sans trop y  prêter attention, un certain Fumiaki ; pourtant, ils semblent d’ores et déjà être liés l’un à l’autre.

D’abord, c’est ainsi que nous suivrons la genèse et les étapes de vie de cette Tomoji, depuis le moment de sa naissance, de la relation entretenue avec ses frères et sœur, l’entrée à l’école, l’apprentissage de la cuisine et de la couture, sa contribution précoce à l’entreprise artisanale familiale, la perte des êtres aimés ; elle qui, très jeune, devra affronter des responsabilités d’adultes et se montrer tout aussi responsable que ses aînés.

Puis, s’il est pris le parti, en un unique ouvrage, de rendre hommage à Tomoji Uchida, demoiselle ayant réellement existée et, s’il pourra semblé presque prétentieux de condenser les dix-neuf premières années de celle-ci en un seul tome, tout en étant parfois épris d’un léger sentiment de célérité, l’auteur y parvient avec une certaine fluidité et non sans charme. Un ouvrage marqué par un calme grandiloquent, une légèreté volontaire : un poème sur la simplicité. Tanigushi ne manquera point non plus d’aborder certains thèmes récurrents de l’archipel ou de cette époque, au fil des saisons. Un interlude sur la vie, mais également sur son autre versant, la mort : parce que si, tout autour d’elle, Tomoji perd les êtres chers à ses yeux, elle doit d’autant honorer cette existence reçue tel un don, s’en montrer à une certaine hauteur et rendre hommage à ceux qui sont partis trop vite ; ne jamais oublier.

Et, lorsque la jeune Tomoji s’émerveille de ces arcs-en-ciel qui relient le bas monde et les cieux, l’ouvrage aura, de la façon la plus épurée qui soit dans le genre, raccordé, par interstices, son lecteur à la nature, à la vie et à ses moments qui, décidément, à travers les époques, autrefois autant qu’aujourd’hui, sont, en substance et au-delà de toute superficialité contemporaine, toujours les mêmes. Et, assurément, la mise en scène et le dessin si caractéristique de l’auteur ne manque pas d’en sublimer l’édifice.

L’édition, abstraction faite de ne pas respecter le sens de lecture original nippon – ce qui n’est pas véritablement sérieux, notamment par respect eu égard au travail de l’auteur (on ne change pas le sens de la Joconde pour nos chers touristes et amis japonais), est quasi parfaite : le papier et la couverture sont de la meilleure facture et, surtout, le rendu couleur de la vingtaine de pages couleurs, disséminées çà et là au gré des chapitres, est du plus bel effet : immersif et parfois somptueux dans ses paysages saisissants de beauté et d’une vérité sauvage. L’éditeur eu la juste amabilité, en fin d’ouvrage, sur quatre pages, de retranscrire l’interview accordée par l’auteur en l’année deux-mille-quatorze à Thomas Hantson concernant sa vision de l’œuvre et, notamment, la pudeur naturelle qu’il souhaitât porter à l’ensemble.

Si les adeptes du maître ne manqueront pas, sans nul doute, de se le procurer et s’il ne s’agira point ici de l’œuvre de Jirô Tanigushi nous ayant le plus hautement transcendé, probablement, si vous veniez à la lire un après-midi de dimanche au coin de la cheminée, il se pourrait que vous soyez simplement emporté d’un sentiment d’évasion à travers de verts pâturages et, peut-être, l’espoir enfantin, aux détours d’un sentier, de croiser l’humble silhouette radieuse de Tomoji, arborant son kimono d’époque cousu de ses propres mains, en quête d’un autre de ces arcs-en-ciel.
Il est certains ouvrages dont la lecture pourra sembler nous enrober d’un voile d’une prétention fantomatique, presque anodin, et, après l’avoir refermé aussi simplement qu’il fût ouvert, le temps s’écoulant et le lendemain venant, il nous interroge et nous sensibilise sur certaines valeurs et délicatesses d’autrefois ; à chacun de bien vouloir faire éveil et les retrouver si, malencontreusement, elles avaient pu se perdre en chemin.



Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Alphonse
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs