Cesare Vol.1 - Actualité manga
Cesare Vol.1 - Manga

Cesare Vol.1 : Critiques

Cesare - Hakai no sôzôsha

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 21 Mars 2013

Critique 1


Les Borgia. Depuis toujours, il existe une certaine fascination pour cette famille historique à la réputation sulfureuse, arrivée d'Espagne dans une Italie troublée de la pré-Renaissance, s'imposant petit à petit dans les sphères du pouvoir en imposant deux de ses membres au poste de Pape. Les adaptations en tout genre ont vu le jour, que ce soit en roman chez Alexandre Dumas, au théâtre chez Victor Hugo, en BD chez Jodorowsky et Manara, ou même à la télévision dans des séries TV bien connues.
Parmi eux, l'un des noms les plus connus, sujet à nombre de fantasmes, reste celui de Cesare Borgia (1475-1507), rejeton non-assumé du futur pape Alexandre VI (alias Rodrigo Borgia, Pape de 1492 à 1503), reconnu comme l'une des figures les plus fascinantes de l'histoire. A la fois ange et démon, connu pour sa grande culture, sa prestance, son éloquence, son intelligence, des qualités qui l'ont amené à approcher les sphères du pouvoir avec des ambitions révolutionnaires louables (en gros, réunifier une Europe divisée et pourrie, ni plus ni moins). Mais aussi pourvu de nombreuses rumeurs bien moins glorieuses : dans une famille descendue pour ses luttes de pouvoir, ses morts et sa débauche, Cesare est décrit par ses détracteurs comme un manipulateur, ne reculant devant rien pour arriver à ses fins, pas même à tuer son frère et à violer sa propre soeur, entre autres. Un homme tout en contrastes, donc, qui a suscité bien des interrogations au fil des siècles, y compris une première fois en manga avec Cantarella, shôjo fantastique de You Higuri partiellement paru en France aux éditions Asuka.

C'est en 2006 que débarque au Japon le manga qui nous intéresse ici, oeuvre d'une mangaka reconnue, forte de ses 30 ans de carrière. Quand Fuyumi Soryo, auteure de l'excellent shôjo Mars et du non moins superbe thriller psychologique ES - Eternal Sabbath, décide de se lancer dans Cesare, elle se fixe de répondre à une question claire : "Comment un homme réputé priser l'amusement et préférer la chasse à l'étude, capable de violer sa soeur et d'assassiner son frère, pouvait-il en même temps être respecté de ses hommes et aimé du peuple ?". Pour répondre au mieux à cela, Soryo choisit d'offrir un récit historique rigoureusement documenté, et se fait assister pour cela par Motoaki Hara, professeur d'université renommé et spécialiste de la littérature et de l'histoire de l'Italie, dont il maîtrise parfaitement la langue et où il a étudié en profondeur l'époque de la Renaissance. Oeuvre richement documentée et extrêmement rigoureuse au point de paraître très lentement et de façon relâchée au Japon (entre 2006 et mars 2013, seuls 10 tomes sont sortis), Cesare débarque enfin en langue française aux éditions Ki-oon.

Après un excellent préambule expliquant de façon claire et concise le contexte de l'Europe des siècles précédents et le partage de pouvoir entre les dirigeants politiques et l'Eglise, l'histoire commence par l'arrivée à l'Université de Pise d'un jeune homme du nom d'Angelo da Canossa. Roturier très studieux mais naïf, ne connaissant aucunement les spécificités de la vie mondaine, il s'y attire rapidement les foudres des siens, notamment de Giovanni de Medicis, fils de son précepteur Lorenzo, et personne hautement influente à l'Université. Enchaînant les bévues avec une naïveté confondante, ce héros fictif peut d'abord irriter tant il paraît naïf, mais il permet surtout à la mangaka d'instaurer clairement tout ce qu'il faut savoir sur le contexte de l'époque. Ainsi ce premier volume se consacre-t-il particulièrement à expliquer le fonctionnement de l'Université de Pise, son système de cercles d'étudiants, et les luttes de pouvoir qui sévissent entre trois grandes factions, luttes destinées à se répercuter jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir religieux... Et de fil en aiguille, chaque personnage historique important se voit mis en place clairement, les rôles étant clairement présentés, du jeune et hautain Giovanni à l'inquiétant dominicain Savonarole, en passant par Rodrigo Borgia, futur Pape Alexandre VI et père de Cesare, n'hésitant pas à utiliser son fils caché comme un vulgaire pion sur un échiquier destiné à le faire arriver au pouvoir.

Au beau milieu de tout ceci arrive donc la fameux Cesare Borgia, que l'on découvre petit à petit tandis qu'il se rapproche de plus en plus d'Angel, voyant en notre héros un possible futur révolutionnaire. Et l'on prend plaisir à déjà entrevoir les différents facettes du personnage, préférant aller se promener à cheval plutôt qu'étudié bien qu'il ait pourtant une culture irréprochable, défendant avec éloquence Angelo... mais n'ayant que peu d'estime pour un père qui cherche à l'utiliser, et n'hésitant pas à laisser agir de façon menaçante s'il le faut son fidèle bras droit, Michelotto da Corella.

Tout est donc bien mis en place dans ce premier volume captivant, d'une précision graphique rare quand il le faut (les fonds sont omniprésents, les costumes bien travaillés, et il y a de quoi rester admiratifs devant les détails extérieurs et intérieurs de la ville de Pise, retranscrite fidèlement dans son architecture) et pourvu d'une narration posée et très claire, où tout coule de source (même les discours théologiques, c'est dire !) et où l'on ressent à chaque page l'énorme travail de documentation (dont vous retrouverez le détail complet en fin de volume... Plus d'une cinquantaine de références de différentes nationalités allant des biographies de Cesare à celles d'autres personnages historiques en passant par des documents de recherche architecturale et historique, l'outil majeur restant la biographie de Cesare Borgia par Gustavo Sacerdote, reconnue comme étant la plus fidèle et précise de toutes).

D'une densité et d'une rigueur historique encore jamais vues dans un manga publié en France, Cesare se paie pourtant le luxe de ne pas oublier d'être divertissant. On peut toujours chipoter (les petites scènes d'action, rendues assez basiquement, ne sont pas ce que la mangaka fait de mieux ici), mais l'équilibre est parfait, le contexte est passionnant, chaque personnage bien mis en place, et gageons que Cesare Borgia, déjà assez fascinant, n'a pas fini de nous intriguer.

L'édition de Ki-oon est impeccable : couverture magnifique dotée en plus d'un effet granuleux luxueux, biographies des deux auteurs fournies, pas de fautes de frappe ou d'orthographe... Du côté de la traduction, on retrouve Sébastien Ludmann, dont on a déjà pu apprécier l'excellence du travail sur Moonlight Act, Broken Blade ou encore Otaku Girls, et qui nous offre ici un version française aux petits oignons, extrêmement limpide malgré la densité du sujet.


Koiwai




critique 2


Ki-oon continue de nous surprendre en nous proposant des licences pas forcément attendues et surtout toujours plus originales.
Depuis quelques temps les mangas historiques ont le vent en poupe, et surfant sur la vague d’intérêt porté aux grandes familles de l’histoire, en particulier les Borgia, Fuyumi Soryo, l’auteur de ES, nous revient avec un récit historique centré la personne de Cesare Borgia ! Et ce titre ne pouvait pas mieux tomber qu’en période de nomination d’un nouveau pape ! Si ce dernier prône la pauvreté de l’église, il en était tout autrement à l’époque qui nous intéresse dans le titre !

Sur la couverture de ce premier tome on trouve un autocollant mentionnant que le titre est « recommandé par la chaîne Historia »…wahou ! C’est le genre d’accroche qui risque plus de faire fuir les lecteurs de mangas qu’autre chose, en particulier les plus jeunes. Mais sortons de ces préjugés dépassés, l’histoire n’est pas qu’une matière poussiéreuse, elle peut s’avérer absolument passionnante, à condition de mettre dans le champ des projecteurs des évènements bien particuliers.
Ici donc on va s’intéresser à la vie de Cesare Borgia, fils de Rodrigo Borgia, qui deviendra le pape Alexandre VI !

La chose la plus surprenante, véritable parti pris de la part de l’auteur, est de nous présenter Cesare, ainsi que son univers par le filtre du regard d’un jeune étudiant qui va intégrer l’université de Pise, la remarquable cité Italienne !
On suit donc le jeune Angelo, sorti tout droit de sa campagne, à la découverte d’une grande ville et de ses us et coutumes, notamment vis à vis de la bourgeoisie.
Protégé par le riche et célèbre Lorenzo De Medicis, Angelo intègre donc la prestigieuse université de Pise où il va découvrir la hiérarchie et les intrigues. Il apprendra que les étudiants se regroupent en cercle où ils ne se mélangent pas, lui même appartenant au cercle des Florentins, dont le leader est le fils de son protecteur. Mais très vite il rencontrera le leader du cercle des Espagnols, Cesare Borgia, et très vite ce dernier va exercer une véritable fascination sur notre jeune naïf !

Dans un premier temps on découvre avec notre narrateur, une ville à la hiérarchie complexe, où mêmes les quartiers de la ville obéissent à des règles complexes et sont sous l’influence de telle ou telle famille. Car effectivement rien n’est simple à Pise, les différentes familles rivalisent d’ingéniosité pour asseoir leur position. Les jeux de pouvoirs sont d’autant plus importants qu’au delà du pouvoir civile il y a le pouvoir ecclésiastique, pour lequel le père de Cesare convoite la place du Saint Père lui même. On découvre donc les différents clans qui règnent sur la ville et sur l’Italie, les alliances et les animosités allant avec…tout ceci s’avère un peu complexe pour un premier tome. La mise en bouche est assez sèche tout de même, le lecteur qui n’est pas forcément familiarisé avec cette époque pourrait être vite perdu. Et pourtant c’est loin d’être brouillon, au contraire tout est expliqué, distillé clairement, grâce à une longue introduction, des notes en fin de tome…mais la masse d’informations a ingérer en un seul tome s’avère assez conséquente.
Heureusement tout n’est pas qu’intrigue, on suit la découverte des règles de bienséance par ce pauvre Angelo en même temps que les différentes péripéties qu’il traverse. Et très rapidement il devient attachant, de par sa naïveté mais aussi parce qu’on peut facilement s’identifier à lui, en effet qui ne serait pas perdu au milieu de toutes ces contraintes et intrigues parfois très éloigné de la logique. Il sert également l’auteur car il permet de justifier toutes les explications qu’entraîne sa méconnaissance, le lecteur en profitant en même temps que lui.

Là où l’auteur fait fort c’est en rendant le personnage de Cesare absolument fascinant, il dégage comme une aura et apparaît par conséquent comme un odieux tentateur.
C’est d’autant plus amusant qu’il apparaît à mille lieux du personnage qu’on a pu découvrir dans la série « Borgia » (série que je ne saurai que trop vous conseiller, et qui en plus facilitera votre compréhension de ce titre). Alors que dans la série il est représenté comme instable, sournois, lâche et malsain, ici dans ce titre il revêt un tout autre visage. Il est sage, prévenant, protecteur…une sorte d’ange à qui on pourrait confier sa vie.
La vérité se trouve peut être entre les deux, mais ce n’est pas bien important !
Ce qui est important c’est que le titre s’annonce aussi fascinant que son personnage titre !

Le dessin, fin et léger, colle parfaitement à cette ambiance de renaissance italienne et s’avère lui aussi très séduisant une fois le premier contact passé. La narration est intelligente et évite de nous perdre d’avantage, ce qui est en soi une excellent chose.

Concernant la qualité de l’édition de Ki-oon, ils ont ici effectué un travail remarquable sur les couvertures, rappelant des peintures d’époques, extrêmement agréable au toucher…une œuvre d’art ! A cela s’ajoute la qualité habituelle de l’éditeur.

Un titre intrigant qui nous promet de belles surprises en nous plongeant au centre des intrigues de la papauté ! A découvrir absolument, qu’on regarde Historia ou pas !


erkael


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Erkael

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs