Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 21 Mai 2024
Alors que le douloureux sacrifice de Daimon est encore frais, Luca n'a pas d'autre choix que de se plier aux exigences de Kujô: l'infâme contre-maîtresse du navire a effectivement trouvé le moyen de l'écraser encore plus, en le contraignant à devenir sa chose à vie. L'impitoyable jeune femme l'a ainsi désigné pour devenir appât lors des prochaines séances de pêches. Notre héros s'en sortira-t-il indemne face aux animaux monstrueux ?
Avec ce troisième tome, cette réinterprétation trèèèèèèèès libre et futuriste du roman prolétaire de Takiji Kobayashi se poursuit en restant dans la droite lignée des précédents volumes, c'est-à-dire sans la moindre finesse et en jouant à fond la carte de l'excès. Ainsi, même si le parfum de colère et de révolte de l'oeuvre d'origine reste bien présent, pour le reste Shigemitsu Harada et Shinjirô se permettent énormément de choses, à commencer par un côté bourrin et excessif que les planches du dessinateur ont au moins le mérite de bien rendre, tant on sent qu'il s'amuse bien à imaginer des gros muscles improbables, des corps/visages tuméfiés à l'excès, et surtout des grosses bébêtes qui existent à notre époque mais qui, dans ce futur dystopique, ont un peu beaucoup muté pour devenir des grosses et dangereuses brutasses. Au vu de son passif avec des séries comme Taboo Tattoo (éditions Doki-Doki) et Nosferatu (éditions Soleil), on sait que Shinjirô est bien dans son élément avec ce style de récit qui penche vers la série B voire le nanar.
Si l'on aime le genre, ça reste assez divertissant, d'autant plus qu'il y a aussi ce qu'il faut de rebondissements: des combats violents bien sûr, mais aussi la place que prend le nouveau venu Heikichi, les manigances de Yûri pour emmener Luca là où il veut, l'opposition entre le communisme et le capitalisme donnant lieu ici à une guerre de plus en plus ouverte... sans oublier la haine d'un Luca toujours aussi déterminé à trouver le bon moment pour dégommer Kujô et venger Shû et les autres hommes morts à cause de ses caprices. Seulement, notre héros parviendra-t-il à ses fins face à cette folle furieuse inhumaine, représentation à elle seule de quasiment toutes les tares du capitalisme ?
Au final, il y a de quoi rester assez accroché à la lecture, à condition d'accepter les différentes limites du récit: le roman d'origine reste joyeusement maltraité par les auteurs même si l'essence de base est bien là, l'enchaînement un peu à l'arrache de certains événements donne parfois une impression de fouillis, et les grands messages autour du capitalisme, du communisme et de l'exploitation de l'homme par l'homme sont si rushés qu'ils manquent un peu de force.