2001 - Nights stories - Coffret Edition Limitée - Actualité manga
2001 - Nights stories - Coffret Edition Limitée - Manga

2001 - Nights stories - Coffret Edition Limitée : Critiques

2001 Ya Monogatari

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 09 Septembre 2013

« 2001 Night stories » est une saga de science-fiction de 19 histoires courtes conçues par le mangaka Yukinobu Hoshino, publiées entre 1984 et 1986 au Japon. L'auteur reste relativement inconnu en France, puisque seul un de ces titres a été publié en 1996 chez Casterman (« Le trou bleu », dont la commercialisation est aujourd'hui stoppée). Hoshino avait pour but de s'inspirer du film culte de science-fiction « 2001 L'odyssée de l'espace », réalisé par Stanley Kubrick et sorti en 1968. Glénat a ainsi voulu faire redécouvrir ce mangaka en éditant un coffret luxueux.

Avant de voir les qualités intrinsèques de l'oeuvre, il faut au préalable énoncer clairement une chose : la lecture de « 2001 Night stories » n'est conseillée qu'à quatre types de public. Primo, aux fans du film de Kubrick qui trouveront LE complément idéal, collant on ne peut mieux à l'atmosphère de celui-ci. Yukinobu Hoshino, avant d'être mangaka, a forcément dû être un des plus grands adorateurs du réalisateur américain, pour concevoir des histoires aussi proches de l'esprit de « l'Odyssée de l'espace ». Deuxio, aux amoureux de science-fiction, qui ne peuvent décemment pas passer à côté d'une oeuvre aussi brillante par sa richesse thématique : tout y est, comme nous allons le voir. Tertio, aux très gros collectionneurs ne voulant pas se priver d'une oeuvre majeure du seinen manga (et accessoirement, d'un tiré à part). Quarto, à des lecteurs appréciant le seinen ou la science-fiction avec plus de modération, mais qui, se laissant tenter, pourront être très agréablement surpris.
Si vous ne faites pas partie d'une de ces catégories, vous pouvez passer votre chemin. Mais objectivement, faites très attention, car tout un chacun peut faire partie du quatrième groupe cité plus haut sans le savoir ! Pour tous ses lecteurs néanmoins, un impératif s'impose : il apparaît nécessaire pour profiter de ce coffret d'avoir vu le film de Kubrick, sans quoi vous risqueriez de passer à côté de pas mal d'éléments importants et d'être surpris par l'ambiance générale.

Car, comme dit plus haut, « 2001 Night stories » est réellement l'oeuvre pensée et conçue pour compléter le film de Kubrick. Dans une interview pour notre site Manga-news, Stéphane Ferrand de chez Glénat affirmait ne pas avoir eu connaissance du fait si Stanley Kubrick avait pu lire « 2001 Nights stories »... Espérons que cela fut le cas, il n'aurait pu qu'être enthousiaste. « 2001 Night stories » est effectivement une franche réussite. D'une part, par rapport à sa fidélité à l'ambiance du film : un ton très neutre, un rythme posé, qui ne fait que renforcer l'inquiétude ressentie lors des nombreux incidents rencontrés par les équipages. D'autre part, par rapport à sa richesse thématique, qui comblera tout amateur de science-fiction. « 2001 Night stories » est effectivement extrêmement complet. A travers les différents chapitres, pour l'occasion baptisés « nuits », l'oeuvre de Hoshino évoque avec brio tous les thèmes chers au genre de la science-fiction. Dans le premier volume, on trouvera un premier chapitre empruntant au darwinisme (et donc proche du premier segment du film de Kubrick), un second mentionnant une géopolitique fictive mais réaliste (où l'auteur en profite pour évoquer ses idées, persuadé que le prochain conflit mondial éclaterait au Moyen-Orient, et les blocs américains et soviétiques n'ayant pas disparu), les suivants évoquant tour-à-tour exploration géologique, exploitation minière spatiale, les nombreux accidents, les rapports entre le personnel spatial, les relations complexes avec ceux restés sur Terre, la volonté de trouver des planètes habitables et de fonder une nouvelle civilisation, la conciliation entre exploration de l'espace et religion (l'auteur faisant un petit détour bien senti par le Vatican). Dans le second tome, l'exploration des planètes tient une plus grande place, avec découverte de la faune locale pas franchement accueillante. La colonisation de l'espace est également davantage développée, ce qui permet une nouvelle fois à Hoshino d'évoquer une géopolitique très particulière. Enfin, les rapports entre les Hommes sont décrits en profondeur. L'auteur a le don pour imposer un ton dramatique. Au final, rarement la science-fiction n'a été aussi bien représentée, c'est assez impressionnant ! Beaucoup d'autres éléments propres au genre font également des apparitions très remarquées, tels que la cryogénie permettant de placer des corps en situation de stase jusqu'à atteinte de la destination. Le langage scientifique et technique est bel et bien présent, offrant une grande crédibilité, mais n'est jamais lourdingue.

De plus, les questions métaphysiques se posent en nombre avec beaucoup de finesse, le manga se permettant d'être bien moins pompeux et complexe sur ce point que l'oeuvre de Kubrick ! « Night stories » peut même se targuer de poser des questions simplement effleurées dans « L'odyssée de l'espace » (exemple : dans un univers sans vie, que chercher ?). Chaque lecteur se trouvera des affinités, des chapitres qui lui plairont plus que d'autres, l'oeuvre jouissant d'une homogénéité remarquable en terme de qualité. Notons que le fait de ne pas suivre les mêmes personnages entre les différentes « nuits » n'est pas un problème, le mangaka étant parvenu à les rendre tous intéressants en quelques pages. Le chapitre 7 de seulement 25 pages est à ce titre tout à fait excellent, sachant qu'il trouve en plus une convergence avec d'autres présents dans le second volume.

Côté dessins, on a affaire à des décors éblouissants, très fouillés et détaillés. Certains pourront leur reprocher leur froideur et d'être nettement dominés par un noir profond (on se situe dans l'espace...), mais le mangaka s'ouvre malgré tout à de nombreux horizons, notamment dans le second volume avec d'une part l'exploration des planètes (de superbes décors naturels faisant alors leur apparition), d'autre part la multiplication des protagonistes du fait de la colonisation. Quant au chara-design, il a des faux airs de Katsuhiro Otomo (l'auteur de « Akira »), avec des visages semblant parfois un peu taillés au cordeau, mais toujours très réalistes et réussis. A ceux qui craindraient une oeuvre graphiquement désuète à cause de son âge, les premières pages rassurent tout de suite, et les suivantes ne feront que confirmer ! Autant être franc, certaines planches font partie de ce qui m'a été donné de voir de plus beau en seinen manga. Oui, tout simplement. Quant aux pages couleurs, elles ont un petit côté rétro vraiment plaisant, rappelant comment l'esthétique des années 70-80 percevait le futur.

Comme dit plus haut, « 2001 Night stories » ne saurait être vraiment apprécié sans avoir vu « 2001 L'odyssée de l'espace », le film de Kubrick. Car évidemment, les références à 2001 sont légions : un personnage se prénommant Dave, l'esthétique des décors intérieurs des stations spatiales (écrans, ordinateurs), le fait que les personnages évoquent de nombreuses fois le vaisseau Discovery... Cependant, s'agissant d'une référence justement, et pas n'importe laquelle, un choix de traduction a été opéré dans plusieurs chapitres... un choix qui, au mieux laisse planer le doute, au pire, est une preuve terrifiante d'amateurisme. Et hélas, il semblerait que la solution la plus plausible soit la seconde, malgré tout le respect que j'ai pour Glénat (voir la traduction de Team Medical Dragon, toujours impeccable, alors même que la série se vendait mal). En effet, tout amateur du film de Kubrick se souviendra de l'ordinateur central qui pète littéralement un plomb contre les occupants du vaisseau Discovery One : le génial et terrifiant CARL 500 (dit « HAL 9000 » en VO). Et bien figurez-vous que nous avons droit à du « Karc 9000 »... Et comme dit précédemment, étant donné la symétrie des histoires courtes avec l'oeuvre de Kubrick (puisque, sans trop vous en dire, dans le chapitre cinq, l'ordinateur Karc pète lui aussi son petit câble face à l'équipage, un événement nettement moins amené que dans le film de Kubrick d'ailleurs, mais c'est un autre problème), on est fortement tenté de penser que le traducteur et le correcteur (s'il ne s'agit pas de la même personne, et s'il y en a eu un) n'a tout simplement pas vu le chef d'oeuvre du cinéaste américain, parce que sinon, autant vous dire qu'il n'aurait pas commis cette erreur. Et ce qui pourrait être considéré comme un simple détail ruinant un peu la crédibilité de l'oeuvre (et de Glénat) n'en est pas un, parce l'ordinateur CARL 500 est passé à la postérité auprès de deux communautés, cinéphile et scientifique, du fait de la rigueur absolue des conseillers techniques sur le film pour en faire une entité réaliste. Comment dit-on déjà ? EPIC FAIL.

Malheureusement, la traduction un peu foireuse n'est pas le seul point négatif de l'édition Glénat. Le coffret était pourtant présenté à l'époque de sa sortie comme un beau cadeau de Noël, et en a été un dans l'absolu, grâce aux histoires de Hoshino, très enthousiasmantes, et plus encore. Mais comment ne pas se montrer déçu face à cette édition ?
Il y a d'abord ce qui est, objectivement, un gros défaut : les coquilles. N'allez pas croire que votre serviteur est un gendarme zélé de l'orthographe. D'une part, il m'apparaît juste normal d'exiger, pour le prix demandé, une édition digne de ce nom. D'autre part, j'ai été moi-même très étonné de trouver ces coquilles dans ce coffret de luxe là où la plupart de mes grosses collections Glénat en sont globalement dépourvues. J'ai donc la conscience tranquille et il n'est pas dans mon intérêt de dénoncer le travail de l'éditeur. Exemples, s'agissant du seul premier volume. Page 32 : « mais bhalien sûr ». Une coquille qui va jusqu'à rendre la situation se passant sous nos yeux assez incompréhensible, alors qu'il s'agit d'un des moments forts du chapitre. Page 45 : « fère » (au lieu de « frère »). Page 111 : « effryant ». Page 112 (et là, ça fait mal) : « combinaison spaciale » ! Rajoutons à cela quelques bizarreries au niveau des dialogues entre les personnages (des confusions dans le nombre d'années passées à un endroit donné, rendant la situation là encore assez peu logique), et vous serez convaincus que cette édition n'est pas si luxueuse que Glénat a voulu le faire croire. Heureusement, l'ensemble reste beaucoup plus sérieux durant les 200 pages restantes et sur l'ensemble du second volume. Étonnant que tous ces ratés se concentrent sur les débuts du premier tome.
Il y a ensuite ce qui peut paraître comme des défauts pour certains lecteurs, mais pas pour d'autres : le choix de couvertures souples plutôt que rigides ne facilite pas la lecture (des rigides m'auraient paru plus adaptées), ou encore la présence de nombreuses pages noires satinées très salissantes entre les chapitres (vous savez, ce fameux papier noir, très classe au demeurant, qui garde les empreintes digitales des mains, même des fraîchement lavées).
Il y a aussi la question du prix. On le rappelle, ce coffret a été tiré en édition limitée à 2001 exemplaires numérotés de 1 à 2001 (et 50 de plus à destination du mangaka), et ne le sera plus par la suite. Glénat a donc joué sur l'aspect supra-collector à la sortie, l'ensemble étant proposé pour 99€. Pour ce prix, vous avez droit à deux volumes géants (environ 340 pages pour le premier, et encore plus pour le second), avec de nombreuses pages couleurs, quelques croquis, un certificat d'authenticité, une courte biographie de l'auteur ainsi que celle d'un ingénieur qui s'est intéressé à son travail et a participé à la création de cette édition. Vous aurez droit également à un tiré à part unique réalisé par le mangaka lui-même (oui, Hoshino a dû réaliser 2001 illustrations inédites !). Les volumes sont rangés dans un coffret cartonné bien solide et d'un sacré poids. Un bel objet donc ? Oui, bien que très austère. Il aurait été appréciable que la tranche du coffret comprenne, tout simplement, l'inscription du titre. Pour ceux qui souhaitent ranger ce coffret normalement (verticalement en bibliothèque), vous vous retrouverez donc avec une tranche de plusieurs centimètres totalement noire et neutre. Qui plus est, pour un prix aussi élevé, on aurait apprécié quelques bonus en plus... Au final, on se retrouve avec un objet au prix un peu élevé par rapport au contenu (ou au contenu un peu faible par rapport au prix, au choix), que l'on aurait davantage vu tourner autour de 75€, en particulier lorsqu'on voit le coffret « Au bord de l'eau » sorti aux éditions Fei à la même époque, plus beau, plus rempli, moins cher.
Enfin, les fans les plus absolus qui connaissaient déjà l'oeuvre en version originale crieront au scandale face à l'absence de chapitres bonus publiés au Japon, qui resteront donc inédits.

En résumé, si cette édition dite luxueuse n'en est pas vraiment une, les qualités intrinsèques de l'oeuvre de Hoshino ne font aucun doute, ce coffret se posant très clairement comme un indispensable du seinen si vous êtes un tant soit peu attiré par la science-fiction. Et, sans vouloir insister, tous ceux qui ont adoré le film de Kubrick seront aux anges.

Il apparaît cependant opportun de sanctionner Glénat pour son édition, aussi limite que limitée, en ôtant de la note finale un gros point. La volonté de bien faire en nous proposant une oeuvre majeure était bien là, mais il serait vraiment temps de faire attention à certains détails, afin de proposer une édition à la hauteur des annonces et des attentes. A suivre sur l'anthologie Moto Hagio qui sortira à la fin de l'année.


Rogue


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs