17 ans - Une Chronique du Mal Vol.1 - Actualité manga

17 ans - Une Chronique du Mal Vol.1 : Critiques

17 Sai

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 28 Septembre 2020

Les récentes éditions NaBan ont déjà su proposé un catalogue particulièrement intéressant et varié. Nées en présentant le rafraichissant Demande à Modigliani d'Ikue Aizawa, la jeune maison a ensuite enchaîné avec une attendue réédition d'Old Boy. Son dernier titre en date relève presque du pari risqué tant son sujet est aussi délicat que Macabre. Avec 17 ans, troisième série de NaBan, l'éditeur choisit un récit terriblement lourd, basé sur un fait divers des plus sordides.

Achevé en 4 tomes, le titre fut initialement publié entre 2004 et 2005 dans le magazine Manga Action des éditions Futabasha. Celui-ci se base sur le roman de Seiji Fujii, paru en août 2000. L'écrivain est aussi auteur de différentes thèmes autour de la société, mais aussi maître de conférences au Japon. De cet écrit naquit le manga, dessiné par Yôji Kumata que nous découvrons à cette occasion.

Lorsqu'il écrivit le récit initial, Seiji Fujii s'est basé sur un fait divers réel : Le meurtre de Junko Furuta survenu en 1989, au Japon. Celui-ci fut suffisamment violent et horrible pour défrayer la chronique et largement retentir dans le pays entier, voire dans le reste du monde. Pour rappel des faits, le jeune Hiroshi Miyano (18 ans) et plusieurs camarades kidnappèrent Junko Furuta, le 25 novembre 1988. Nous vous épargnerons les détails, mais la victime fut violée à de multiples reprises, séquestrée et impitoyablement torturée jusqu'au 4 janvier 1989, jour où elle décéda des suites de ses graves blessures. Pour plus de détails (si tant est qu'on ait envie d'en savoir plus, l'affaire étant assez sordide pour rebuter les plus curieux), une simple recherche permet de facilement trouver la chronologie des faits et le déroulement du jugement des meurtriers, violeurs et tortionnaires.

La version manga initialement écrite par Seiji Fujii sous forme de roman s'inspire largement de ce fait divers, sans le copier totalement. Aujourd'hui livreur, Hiroki garde un sombre souvenir de son adolescence. Son boulot l'amène à se rendre au « Quartier E », un lieu qu'il aurait préféré de plus côtoyer de nouveau. Il se revoit ainsi lycéen, à l'époque, le simple fait de gagner la protection Miyamoto, un caïd local à l'influence grandissante, a suffit à lui faire prendre la grosse tête et devenir une racaille utilisant son statut pour intimider le moindre passant. Sauf qu'il ne pensait pas que les prochaines actions de Miyamoto allaient prendre une telle ampleur... Lorsque celui-ci décide de kidnapper une adolescente, Sachiko, il est contraint d'être complice d'un crime qui s'aggravera au fil des jours. Faire machine arrière est impossible car trahir Miyamoto reviendrait à signer son arrêt de mort, aussi la culpabilité mêlé à la folie vont gagner peu à peu le jeune homme.
Pendant ce temps, la famille de Sachiko s'inquiète de cette disparition, notamment Miki qui compte prendre l'affaire en main tandis que les autorités ne reconnaissent qu'à demi-mot une réelle disparition...

En connaissant un minimum la réalité derrière cette fiction, on aborde le premier tome de 17 ans avec une certaine inquiétude. Une inquiétude qui ne met pas bien longtemps à se confirmer en angoisse, la lecture devenant rapidement éprouvante au point qu'il en devient difficile de tourner les pages. Ce début d'intrigue aborde alors deux tableaux : Le premier, et le plus développé, est la séquestration de la pauvre Sachiko. Et tandis qu'on assiste, impuissant, à la chute d'une adolescente qui n'est plus que l'ombre d'elle-même au final, les auteurs font le choix de présenter en figure principal un complice de l'affaire, en la personne de Hiroki. Une idée intéressante puisque le récit présente les tourments du jeune homme, et montre la manière dont un gamin un peu insouciant s'enfonce dans le Mal et la cruauté, par pure volonté de se dédouaner d'une quelconque faute. Et en parallèle, c'est le point de vue de la famille que la victime que nous découvrons, notamment celui de Miki qui reconnaît une police plutôt incompétente car peu encline à prendre la disparition au sérieux.

Inutile de préciser de nouveau toute la nature psychologiquement rude de ce premier quart de récit, puisque la triste histoire de Sachiko a de quoi en écœurer plus d'un. Dire que le titre est réservé à un public hautement averti est un euphémisme, et ce même s'il ne montre jamais rien dans le détail. Car parce que 17 ans s'appuie sur un fait divers qui a bien eu lieu, Seiji Fujii et Yôki Kamata ont la pudeur de simplement faire comprendre les événements par la mise en scène, et de ne rien montrer de purement visuel si ce n'est le faciès changeant de Sachiko, comme si la victime perdait déjà sa vie au fil des premières sévices. C'est le choix le plus noble à faire pour un récit de ce genre, aussi le dessinateur fait preuve d'un certain talent pour faire comprendre l'horreur des événements sans être racoleur, et ainsi planter une réelle ambiance pesante. Une narration qui marque aussi l'évolution de Hiroki dont la descente aux enfers est visuellement percutante. Et à ce titre, le scénario de Seiji Fujii est malin. Car sans jamais chercher à justifier ou pardonner les actions de Hiroka, il les montre et les développe de manière à ce que le lecteur rompt le peu d'empathie qu'il pouvait éprouver le personnage au départ. Car au même titre que le protagoniste qui rate l'occasion d'apporter une issue positive aux événements dès le départ, le lecteur perd la potentielle confiance qu'il pouvait avoir envers lui.

Pour le moment, nous regretterons simplement l'équilibre pas toujours bien établi entre le point de vue des tortionnaires et celui de Miki, qui comprend rapidement que sa sœur a disparu. Néanmoins, on imagine bien que la suite mettre davantage l'accent sur cette facette du récit, ce qui sera l'occasion de le renouveler et de ne pas rester sur une succession de séquences moralement éprouvantes. De la même façon, on jugera 17 ans sur sa globalité, plus que sur son premier tome. Enfin, il convient de souligner qu'il faudra passer un accord moral avec le titre pour l'apprécier : Celui-ci s'inspirant grandement d'une tragique affaire qui fut bien réelle et pas si lointaine, le projet pourrait en rebuter certains (même si puiser dans de réels faits divers pour créer des histoires glaçantes est loin d'être une pratique inédite au titre). On se questionnera aussi sur le bilan total de l’œuvre, et observer quelles volontés les auteurs ont voulu transmettre par cette réinterprétation de l'affaire du meurtre de Junko Furuta.

Côté édition, NaBan livre une très bonne copie grâce à un papier de qualité et respectant les pages couleur d'origine. La traduction, signée Guillaume Hesnard, semble de bonne facture ne serait-ce parce qu'elle entretient un climat inquiétant et lourd, tout le long du tome. Au final, nous pourrions faire comme seule remarque l'absence de note qui relate le fait divers d'origine, mais rien ne dit que l'éditeur ne comptait pas aborder ce point dans les tomes suivants. On espère même trouver quelques notes des deux auteurs à l'avenir, tant leur point de vue sur le processus de mise en fiction d'une si dramatique affaire serait intéressant et révélateur de leurs états d'esprit et de leurs volontés artistiques.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs