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Le test du jeu video:

Publié le Mercredi, 04 Mai 2011

En 1997, le concept de RPG est bien connu des joueurs nippons, tend à trouver un souffle aux Etats-Unis et reste mineur en Europe. Les initiés se rabattent souvent sur l'import pour pouvoir assouvir leur soif du genre. Peu de RPG ont vu le jour en Europe (Shining Force sur Megadrive, Breath of fire II sur SNES)... Sur un pari risqué, Square se décide à implanter le genre chez nous grâce au septième épisode de sa célèbre saga. S'il constitue une étape dans l'Histoire du jeu vidéo, c'est aussi et surtout par son contenu que Final Fantasy VII s'impose comme un monument du médium.

Début du jeu. Une cinématique d'introduction, grâce un travelling proche de ce qui se fait au cinéma, nous présente la ville où l'on commencera l'aventure : Midgar. Cette cinématique est à l'époque une révolution technique. Quelques autres dans le même genre apparaîtront à des moments-clefs du jeu. Contrairement à celles des futurs épisodes (FFVIII et FFIX, qui se situent au-delà du révolutionnaire pour leur époque sur cet aspect), ces fameuses cinématiques ont vieilli mais conservent un charme certain. Le joueur prend le contrôle d'un personnage dénommé Clad (Cloud en VO), sortant d'un train, se trouvant face à un gigantesque réacteur et accompagné d'un groupe armé nommé Avalanche. Le chef du groupe, Barret, dirige les opérations. Le but ? Détruire le réacteur. Voilà comment le joueur se retrouve plongé, dans les premières minutes du jeu, dans un univers qu'il ne connaît pas, sans indications sur le personnage de Clad ou sur la situation. Un des principes de Final Fantasy VII est là : l'immersion. Les bases scénaristiques se mettront rapidement en place. Avalanche se révèle être un groupe écologiste, prétendant que les réacteurs épuisent les ressources de la planète, notamment sa propre énergie, le Mako. Avalanche s'oppose à la Shinra, une conglomérat qui contrôle les activités politiques, économiques et militaires sur toute la planète, lobby monstrueux. Final Fantasy VII s'inscrit volontairement dans un élan écologiste observé à la fin des années 1990 dans les sous-cultures japonaises (Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki par exemple, la même année). Il s'agira dans le jeu de sauver la planète elle-même en combattant la Shinra qui puise dans l'énergie sans se soucier des conséquences dévastatrices.

Final Fantasy VII présente beaucoup de points communs avec le précédent volet. Il reprend d'abord un ton pessimiste. Il met ensuite en avant un univers profondément ancré dans la sous-culture cyber-punk, là où Final Fantasy VI était lui profondément tourné vers le steam-punk (sachant que les deux genres diffèrent sur bien des points). Final Fantasy VI et Final Fantasy VII sont aussi les deux opus de la saga à être les plus osés dans le déroulement du scénario. Ainsi, comme son prédécesseur, ce septième Final Fantasy a bouleversé les joueurs du monde entier avec des scènes cultes. L'une d'entre elles est absolument renversante, et revient dans chaque discours de fan dès qu'on lui parle du jeu. Jamais des développeurs n'avaient osé proposer cela dans un jeu vidéo, et beaucoup ont reproduit le même schéma sans succès. Cette fameuse scène, totalement imprévisible, est extrêmement puissante en ce qu'elle comporte à la fois des conséquences sur la suite du scénario mais aussi sur le gameplay. Hormis cette scène inoubliable, les retournements de situation sont légions. Le scénario est captivant, et en partie basé sur la découverte du passé du héros, avec une narration captivante. Les flash-back seront ainsi nombreux, et Final Fantasy VII réclame un investissement important du joueur pour tout saisir, car l'histoire foisonne en détails. Des indices sur les véritables enjeux et la personnalité du héros principal sont distillés tout au long du jeu, et on ne connaîtra tous les tenants et aboutissants de cette histoire qu'avant le combat contre le boss de fin. Et de boss de fin, parlons-en. Celui-ci a souvent été reconnu, dans les divers classements élaborés à partir de sondages réalisés auprès des joueurs, comme le meilleur personnage appartenant au côté obscur de la force jamais créé. Son nom ? Sephiroth ! Rencontré au cours de l'aventure, ayant un rôle-clef dans le passé de Clad et le futur de la planète, Sephiroth est un personnage insensible et profondément dangereux. Il confère en grande partie à Final Fantasy VII son ambiance funeste déjà relevée précédemment.

La psychologie des personnages est tout aussi travaillée. Clad Strife, énigmatique, dont on ne sait s'il est amnésique ou mythomane, ne révèlera sa véritable identité qu'en cours de jeu après bien des retournements. Aeris Gainsborough est une jeune marchande de fleurs vivant dans les taudis de Midgar, poursuivie par la Shinra. Tifa Lockheart est tenancière d'un bar dans Midgar, amie d'enfance de Clad. Barret Wallace est le chef rustre d'Avalanche. Red XIII a l'apparence d'un tigre rouge : doué de parole, il a été capturé par la Shinra pour servir de sujet d'expériences. Cait Sith est un chat loufoque, diseur de bonne aventure, contrôlant un énorme mog en peluche. Cid Highwind est un pilote d'aéronef qui rêve d'être le premier homme à partir dans l'espace. A noter que deux personnages devront être « recrutés » en cours de jeu, selon des méthodes bien particulières. On pourra ainsi finir le jeu sans avoir rencontré ces personnages, ce qui a un impact sur le scénario (un nombre important de dialogues propres à ces personnages ne seront pas déclenchés) et sur le gameplay (tenir tout le jeu avec une équipe de sept personnages est plus complexe que profiter de deux membres supplémentaires). Ainsi, Vincent Valentine est un ex-membre de l'unité spéciale de la force armée de la Shinra, les Turks, ressuscité et cobaye pour les recherches. Yuffie Kisaragi est une jeune ninja originaire du village reculé d'Utaï, voleuse espiègle. Ce qui choque, dans le bon sens du terme, ce sont aussi les relations très développées entre ces personnages. Chacun d'eux peut discuter avec un autre pendant de longues minutes. L'impression de faire partie d'un groupe n'a jamais été aussi prégnante dans un RPG. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'au cours de l'aventure, lors de l'intrigue principale ou dans des quêtes annexes, on s'attarde sur l'histoire propre à chacun des personnages.

Artistiquement parlant, Final Fantasy VII est grandiose. Le level-design ingénieux donne au joueur un sentiment d'immensité dans les donjons et sur la carte du monde (la Cité des Anciens, les plaines enneigées du Nord). Les architectures et les décors sont extrêmement variées : cela va de Midgar, métropole polluée, à la cité d'Utaï typée asiatique, en passant par le Village Condor et le Canyon Cosmos, où vivent des populations marginalisées, ainsi qu'une cité à l'ambiance unique (le parc d'attractions Gold Saucer, une idée des développeurs de Square absolument FAN-TAS-TIQUE).

S'agissant du système de combat, le joueur peut diriger trois personnages présélectionnés. Les combats se déroulent au tour par tour, selon le système dit de « l'Active Time Battle » (une jauge se remplit, lorsqu'elle est pleine, le personnage peut effectuer une action). Le système de compétences est basé sur les matérias. Ces matérias ont d'ailleurs un rôle capital dans le scénario (elles représentent chacune une partie de l'énergie de la planète, que la Shinra veut se procurer). Les matérias sont utilisables en étant jointes aux armes et armures. Elles permettent aux personnages d'avoir recours à des magies, à diverses habiletés et à des invocations (qui sont l'occasion d'observer une débauche visuelle grâce à des séquences qui durent parfois plus d'une minute). Lorsque le personnage a subi un nombre important de dégâts, il entre dans un état de furie dénommé « Limite » renforçant ses capacités au combat et offrant de nouvelles possibilités.

Final Fantasy VII est l'épisode le moins linéaire de la saga (si l'on omet le douzième épisode). Le sentiment de liberté est bien présent et la découverte est offerte très peu de temps après le début du jeu. Les mini-jeux sont nombreux (le fameux parc d'attractions Gold Saucer n'y est pas étranger), de même que les quêtes annexes : débloquer le Chocobo d'or, suivre les pérégrinations des différents personnages, retourner dans certains lieux pour voir les choses sous un autre angle, battre les boss cachés beaucoup plus puissants que celui de fin. Obtenir toutes les materias, augmenter leur niveau, et faire du levelling pour les personnages permet à Final Fantasy VII d'offrir une durée de vie conséquente.

L'oeuvre de Square ne présente en elle-même aucun défaut objectif. On a bien quelques maux à détruire certains boss, on peut pester contre l'absence de points de sauvegarde à certains endroits, on peut regretter la présence de seulement trois personnages jouables lors des combats, ou encore que deux d'entre eux n'entrent pas directement dans l'équipe (sachant que sans solution de jeu, les méthodes pour les recruter sont presque cruelles par leur complexité)... Mais le jeu se révèle encore très old school, bien dans son époque, en matière de difficulté, proposant un challenge relevé. Seul réel point noir, qui ne vient pas du jeu lui-même mais de la localisation. La traduction française ne rend clairement pas hommage au titre, avec des défauts techniques en pagaille (lettrage défaillant, textes dépassant des cases de dialogue) et un vocabulaire peu approprié, parfois niais et enfantin alors même que la version anglaise se montre plus en phase avec l'ambiance générale, à savoir noire et grave. Malgré cela, la version française conserve l'intense richesse de la narration et parvient à maintenir le ton voulu par les développeurs, et c'est bien là le principal.



Graphismes : Final Fantasy VII est le premier Final Fantasy à utiliser des graphismes en 3D (personnages en Super-deformed et décors en 2D précalculée). Cette 2D précalculée a vieilli mais la qualité artistique est toujours impressionnante, grâce à des décors détaillés et extrêmement variés. Grâce à cette diversité graphique, on a réellement l'impression d'être plongé dans un monde à part entière, Final Fantasy VII jouissant ainsi d'une atmosphère unique.

Bande-son : Nobuo Uematsu montre une nouvelle fois qu'il est un compositeur de génie. Chaque personnage, chaque ville, et des situations particulières, ont leur propre musique. Les musiques illustrent ce que l'on voit à l'écran, allant du tragique à l'épique, en passant par le festif ou le reposant. Parmi les musiques présentes, certaines sont restées cultes : A One-Winged Angel (la musique du grand méchant Sephiroth, avec des choeurs chantant en latin), le Gold Saucer, le Canyon Cosmos, le village d'Utaï... Certains bruitages restent très old school, conférant un charme à l'ensemble.

Durée de vie : La durée de vie de ce volet dépasse amplement celle des précédents, en proposant une intrigue principale conséquente (30 heures minimum), mais aussi des dizaines de quêtes annexes très longues. Le sentiment de liberté couplé à la richesse de l'univers (dialogues, environnements), ainsi que le gameplay exemplaire qui encourage le levelling, sont autant d'atouts majeurs.

Jouabilité : Les déplacements dans les décors en 2D précalculée sont devenus rébarbatifs (blocage dans des éléments...). Les menus ne sont pas particulièrement agréables à l'oeil mais demeurent efficaces. Le système des matérias est considéré comme l'un des meilleurs du genre. On compte les types d'objets, armes et armures par centaines.

Scénario : Ce septième opus de la saga Final Fantasy est, sans aucun doute possible, l'un des jeux vidéos les plus travaillés et les plus poussés en matière de scénario et de narration, le parti-pris cinématographique ayant choqué à l'époque (jamais l'on avait vu tant de richesse sur des aspects habituellement propres au cinéma et à la littérature).



Extrêmement complet et prenant, Final Fantasy VII ne présente aucun défaut intrinsèque. La richesse de l'univers a donné des idées à Square qui a produit bon nombre de produits dérivés depuis (Crisis Core sur PSP faisant office de préquelle, Advent Children, Last Order et Dirge of Cerberus de « continuation »). Le jeu a su conserver, des années après et malgré les enjeux commerciaux, tout son charme et sa maîtrise parfaite, ce qui n'était pas évident. Final Fantasy VII représente donc à la fois le summum de son genre, inégalé (et inégalable ?) pour beaucoup de joueurs mais aussi une oeuvre majeure du média jeu vidéo. Près de 15 ans après, après tant de jeux passés derrière lui, on se dit, rétrospectivement, au regard d'une production actuelle bien terne dans le genre, et puisque les maigres défauts du soft ne sauraient être considérés autrement que comme de purs aléas très subjectifs, que la note ultime est méritée.


Note de la rédaction
Note des lecteurs