Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 26 Juin 2015
Découvert en France pour son poste de dessinateur sur Mes petits plats faciles by Hana qui fut l'un des premiers titres des éditions Komikku, Etsuko Mizusawa nous revient en France avec une autre oeuvre toujours prépubliée au Japon dans le magazine Motto! d'Akita Shoten, et où cette fois-ci il est également scénariste.
Ici, l'artiste troque le Japon contemporain et gastronomique de Mes petits plats faciles contre un univers légèrement futuriste... mais plutôt éloigné de l'image que l'on a habituellement du futur !
En effet, ici, nous avons bien des robots, mais ils sont différents des clichés habituels sur ces machines en ceci qu'ils arborent des looks animaliers, ont une conscience propre, accompagnent pleinement les humains dans les tâches quotidiennes, et se divisent en trois grandes catégories programmées sur demande de leur "maître". Les "optimaux" sont le top du top, les plus chers et les plus efficaces au travail. Les "bouillons", eux, sont dans une gamme de prix plus raisonnable, mais sont forcément un peu moins aboutis. Quant aux "bons à rien"... leur nom parle de lui-même.
Pourtant, à côté de cette déferlante de robots animant désormais la vie de chacun, d'autres choses sont autrement plus surprenantes, à commencer par la lenteur des ordinateurs, sur lesquels il faut facilement plusieurs dizaines de minutes pour faire une simple recherche, à tel point que la Poste Pingouin et son courrier papier plus classique est désormais beaucoup plus efficaces grâce à sa rapidité pour distribuer les lettres.
Ainsi, c'est finalement un univers un peu à part, en partie futuriste et pourtant un peu rétro, que nous offre l'auteur au fil de petits détails fort plaisants et animant le récit. Et c'est dans cet univers que l'on découvre une héroïne elle-même un peu à mi-chemin entre futur et passé : Yako, une mangaka plutôt traditionnelle dans sa façon de dessiner sur papier et d'apporter toujours ses planches chez son éditeur (Raton, où la rédaction, en guise de marque de fabrique, doit porter une que de raton... Mignon et rigolo), mais ayant pour assistant Poko, un chat-robot en mode "brouillon". Et malgré tout, c'est souvent vers le passé que se tourne le regarde de la jeune femme, qui se met à collectionner de façon relâchée les stylos "Yukko", des stylos sortis il y a plusieurs années, devenus plutôt rare et ayant pour particularité d'être les témoins des souvenirs de leur créateur, Yukko...
Sur 140 pages, Mizusawa nous offre 9 chapitres qui n'ont d'autres buts que de nous faire suivre de petites tranches de vie du duo : aller porter ses planches, jouer en salles d'arcade, faire des courses, se reposer... Rien que du quotidien à la base classique et plutôt apaisant, mais où viennent petit à petit pointer divers éléments enrichissant l'univers : la recherche des stylos Yukko en guise de petit fil rouge revenant plus ou moins fortement à chaque chapitre, la découverte de personnages secondaires hauts en couleur comme Olive et ses nombreux robots (ce qui est aussi l'occasion de voir une façon de faire du manga différente de celle de Yako), des petits informations disséminées ça et là (le fait que les robots "optimaux" n'ont pas le droit de jouer en salles d'arcade, car ils gagneraient à tous les coups, par exemple)... Mine de rien, l'auteur croque un petit monde aussi original que cohérent et plus riche qu'il n'y paraît.
Il n'en faut pas plus pour que l'on prenne plaisir à suivre notre duo de héros et à mieux cerner leur relation, petit à petit. Et c'est un lien très joli que l'on cerne chez Yako et Poko.
Son robot n'a beau être qu'un "brouillon", Yako, bien que peu expressive dans ce qu'elle ressent, montre plus d'une fois un certain attachement envers Poko. Quand Poko regrette de n'être qu'un "bouillon", elle est là pour le rassurer. Quand il fait des erreurs de tramage sur les planches, elle l'accompagne dans l'erreur. Et la raison pour laquelle elle a choisi un robot en forme de chat trouve une certaine logique.
Quant à Poko, il paraît difficile de ne pas craquer devant son caractère plutôt candide, naïf, se posant souvent de petites questions simples sur ce qui l'entoure, observant les choses avec curiosité, adorant les jeux d'arcade et espérant y décrocher des jouets en guise de lot... Plus qu'un robot, on a souvent l'impression de voir un enfant, ce qui se confirme encore dans sa volonté permanente de dénicher des stylos "Yukko" pour une Yako qui est, finalement, un peu comme une mère pour lui.
On découvre donc une relation naturellement bienveillante et positive, qui se comprend sans que l'auteur ait besoin de forcer le ton. Et il faut avouer que cette impression est encore renforcée par le dessin tout rond et mignon des personnages, par les décors en apparence simples et pourtant bien fournis, et par un découpage aux cases épaisses, simple, mais efficace et doté de quelques jolis angles de vue (notamment les vues en plongée accentuant la richesse d'un décor ou le design chibi des personnages).
Si l'on aime la tranche de vie, on se laisse donc facilement emporter par celle de Yako et Poko, récit trouvant un étonnant et plaisant équilibre entre un monde "rétro-futuriste" plus riche qu'il n'y paraît, deux héros attachants et une ambiance nostalgique et positive du plus bel effet.
Débutée au Japon en 2012, la série ne compte pour l'instant qu'un seul tome paru au Japon en 2014, et possède donc un rythme de parution très lent. Chaque chapitre étant indépendant, sachez que ce n'est en rien gênant.