Voeu maudit (le) - Actualité manga

Voeu maudit (le) : Critiques

Negai

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 02 Janvier 2017

Critique 2


Après la Maison aux Insectes en 2015, et en attendant La Femme Serpent et la série Je suis Shingo en 2017, le Lézard Noir a confirmé dès 2016 son désir de publier du Kazuo Umezu en France en sortant Le Voeu Maudit, un second recueil issu de la vaste anthologie de ce grand maître de l'horreur nippone.

Au programme de ce recueil d'environ 210 pages, 7 nouvelles qui furent publiées initialement au Japon entre 1975 et 1992 dans des magazines de différents types : shônen, seinen, et même shôjo concernant la plus courte histoire du recueil, "Le Jeûne".

"Le Jeûne" est d'ailleurs peut-être le récit qui se démarque le plus par rapport aux autres nouvelles du recueil, en ceci qu'il offre un bref récit d'humour noir, un brin cynique concernant le culte de l'apparence, via un régime qui va pour ainsi dire très mal tourner. Car concernant les six autres histoires, elles ont toutes un dénominateur commun clair : les peurs liées à l'enfance.
Dans la plupart des histoires, tout part ainsi de petites bévues enfantines : l'obsession de l'enfant pour sa création dans "Le Voeu Maudit", une sorte d'expérience menée en cachette par un groupe d'enfants dans "DEATH MAKE", un excès de curiosité de gamins se rendant là où ils ne devraient pas dans "Le Serpent", la maladresse de la pauvre fillette dans "La Faucille"... Kazuo Umezu joue malicieusement avec ces petites bêtises qui finissent par dégénérer concrètement, comme pourraient souvent l'imaginer des enfants dans leurs cauchemars.

Mais le mangaka ne s'arrête pas uniquement à cet aspect des peurs enfantines, et pousse régulièrement plus loin son concept, essentiellement à travers deux histoires : "Le Vieillard" (sans doute l'histoire que votre serviteur a préférée dans ce recueil), et "Le Cadeau" (la plus bizarre des 7 histoires).
La première, "Le Vieillard", ne se veut pas forcément purement horrifique, et s'applique plutôt à confronter un enfant de 5 ans à un vieillard de 70 ans tombé dans un trou, le tout dans un monde où visiblement dépasser les 20 ans dans sa vie est un miracle. De ce fait, l'enfant affiche une crainte face à ce qu'il n'a jamais vu : une personne âgée, et en plus d'y immiscer certaines choses autour de l'écart de générations, Umezu profite de son concept pour véhiculer à travers le petit garçon l'une des peurs les plus humaines : celle de grandir et de vieillir. En extrapolant, on y voit également une peur de mourir, peur de la mort qui se retrouve d'ailleurs aussi dans "La Faucille".
La deuxième, "Le Cadeau", est la seule histoire du recueil ayant pour personnages principaux de jeunes adultes, avec une fête de Noël qui va dériver de façon étrange et un brin malsaine vers une soirée orgiaque, et c'est devant ce spectacle que va surgir une figure symbolique de l'enfance, le Père-Noël, pour punir des "enfants" dont on ne peut pas dire qu'ils soient très sages...

D'ailleurs, de façon générale, on retrouve dans ce recueil une chose qu'Umezu affectionne et qu'il a notamment beaucoup abordée dans L'Ecole Emportée et Baptism (deux séries sorties en France chez Glénat) : des figures adultes pas toujours belles face aux enfants dont l'innocence est mise à mal. Que ce soit ces jeunes gens dans "Le Cadeau", le serpent prenant forme adulte dans "Le Serpent" pour s'infiltrer auprès de l'enfant, la grand-mère décédée jouant un bien mauvais tour à la fillette dans "La Faucille", ou tout simplement certains adultes n'apportant que très peu d'aide aux gosses, Umezu exploite à nouveau de façon efficace cela.

Ce genre d'anthologie regroupant des nouvelles espacées dans le temps est toujours intéressant pour observer les petites évolutions graphiques d'un auteur. Concrètement, quel que soit le genre et l'époque, le style d'Umezu ne change pas beaucoup : on pourra s'amuser à y chercher quelques petites variations, mais on retrouve constamment ce goût pour les expressions d'effroi très marquées, pour des cases très noires et denses, pour des variations entre angoisses suggérées puis horreur plus sanglante, pour des éléments de mise en scène comme de petits effets de zoom accentuant l'atmosphère, ou pour le soin apporté à certains cadres de vie censés être rassurants pour les enfants (la demeure familiale, l'école), mais devenant ici les théâtres de la peur. On note aussi le goût de l'auteur pour les petites cases bien délimitées (généralement, il y a entre 8 et 12 cases par planche), où seule la dernière histoire "La Faucille" vient bousculer les choses avec ses nombreuses doubles-pages du plus bel effet.

A son tour, La Voeu Maudit se présente comme un très bon recueil. Revoir enfin un éditeur s'intéresser de près à Kazuo Umezu est un bonheur, d'autant que Le Lézard Noir compte bien continuer l'aventure et que côté édition il n'y a rien à redire.


Critique 1


Maître du manga d'horreur et surtout pionnier du genre, Kazuo Umezu est un auteur malheureusement trop méconnu du public français. Après L'Ecole Emportée et Baptism qui ont marqué les esprits, aucune autre oeuvre du maître ne fut adaptée chez nous...jusqu'au nouvel espoir porté par l'éditeur Le Lézard Noir qui annonça en 2014 le retour tant attendu d'Umezu en France ! Ainsi nous avons pu découvrir l'an dernier le très bon La Maison aux Insectes, et aujourd'hui il est l'heure de se pencher sur le dernier titre paru sur nos vertes contrées : Le Voeu Maudit.

Le Voeu Maudit est, à l'instar de La Maison aux Insectes, un recueil de nouvelles publiées à des années différentes. Il est intéressant de voir dans ce genre de recueil l'évolution de l'auteur sur un plan graphique, mais aussi les différentes manières de traiter ses sujets selon l'époque. Kazuo Umezu est quelqu'un qui a tout de même jonglé sur les genres en passant notamment par la comédie romantique, donc son évolution dans le domaine de l'horreur est plutôt remarquable.

Le recueil commence par la nouvelle qui donne son nom à l'ouvrage. Publiée en 1975 et adaptée au grand écran trente ans plus tard, elle nous raconte l'histoire de Hitoshi, un enfant sans ami qui se construit un jour une sorte de poupée au faciès assez répugnant. Surnommé Mokumé, le pantin est installé à son bureau et ne quitte jamais sa place. Cependant un jour Hitoshi sympathise avec une jeune fille et décide de jeter sa marionnette par peur d'effrayer sa nouvelle amie. Mais c'est là que la tragédie commence, et Mokumé semble ne pas vouloir quitter son créateur comme cela...
Cette nouvelle est à replacer à côté d'autres dans ce même recueil, car elles traitent d'un sujet commun : le rejet de l'enfance. Le talent d'Umezu est de nous proposer ici une histoire qui peut avoir plusieurs lectures. Sur la forme, nous avons là une histoire d'horreur où une poupée prend vie et poursuit son créateur qui l'a abandonné. Mais sur le fond, nous avons là la symbolique de l'enfant qui grandit, qui passe à autre chose (la rencontre avec une fille dans ce cas présent) et Mokumé représente son enfance qui le rattrape. On a donc ces idées de la peur de grandir, ou aussi de l'être adulte qui ne peut plus comprendre l'enfant.
Du même acabit, Le Vieillard nous présente une discussion entre un enfant de 5 ans et un vieillard âgé de 70 années  tombé dans un trou et demandant l'aide de l'enfant. Durant cette nouvelle, le jeune garçon refuse d'aider l'homme âgé, car il n'a jamais vu une personne aussi vieille d'autant d'années, affirmant que même son père qui a 20 ans va déjà bientôt mourir. Ici encore, plusieurs types de lecture possibles. Et ce qui se révèle plutôt fabuleux, c'est que chacun peut y avoir sa propre interprétation qui peut être voulue ou non par l'auteur. Par exemple pour ma part, j'ai lu en ce récit la peur que peut avoir l'enfant de grandir, en s'imaginant qu'une fois l'âge adulte atteint, on ne peut plus réaliser ses rêves et que nous serons contraints à faire la même chose tous les jours. C'est pourquoi d'ailleurs l'enfant veut travailler très dur dès ses 5 ans pour ne pas faire le même travail que son père qui doit tuer des anguilles vivantes, chose qui le terrorise. Bref, il est possible que cela ne soit absolument pas la représentation voulue, mais pouvoir interpréter soi-même une histoire donne un vrai gage de qualité aux histoires de Kazuo Umezu !

Ce n'est pas pour rien que ses héros sont souvent des enfants, les peurs liées à l'enfance étant traitées dans la plupart de ses nouvelles. Le Serpent et DEATH MAKE nous présentent toutes deux des enfants qui font en quelque sorte une bêtise qui les rattrape : d'un côté nous avons un serpent qui poursuit le héros, de l'autre un affreux masque qui prend vie et qui ne lâche pas sa cible. Le déroulement et le final de ces récits sont quasiment les mêmes et l'on pourrait penser par là que l'auteur a voulu mettre en avant la peur que l'on a étant enfant lorsque l'on a fait quelque chose de mal et que l'on craint que cela nous rattrape si nous n'avouons pas notre bêtise. A noter que le gore est toujours à l'honneur dans les planches de l'auteur et qu'il s'amuse toujours autant à torturer ses personnages et à peindre des visages dont l'effroi peut se lire sur ceux-ci...quand ils ne sont pas teintés de sang à la place.

Mais Le Voeu Maudit se veut aussi être un recueil très expérimental. Plusieurs histoires sortent assez du lot par leur forme, et on pense tout d'abord à celle intitulée Le Jeûne. Ne faisant que 6 pages, elle nous propose une histoire dont la mise en scène est très fidèle aux travaux habituels de l'auteur, mais avec un final inopiné gorgé d'humour noir qui nous ferait presque rire ! La Faucile propose d'autre part un récit malsain et pessimiste, exposant l'horreur pure et le surnaturel complet, mais avec un final qui donne toute la qualité à l'histoire comme on en a l'habitude.

Enfin, la nouvelle la plus étrange - selon mon point de vue - est Le Cadeau. On commence sur un ton  assez irréel et malsain avec une pauvre femme qui veut séduire son homme en lui proposant son corps pour Noël, mais qui se fait intercepter par ses "amis" qui pousse son amoureux à coucher avec elle devant tout le monde, en l'obligeant à boire des litres et des litres d'alcool, tout ça pour finir sur une orgie des plus baveuses. C'est du propre. Mais le tout se poursuit avec un père Noël sanguinaire qui va faire une boucherie du groupe, jusqu'à que l'héroïne se rende compte que ce n'était qu'un cauchemar...mais pas que. On a donc là surtout un récit sanglant à souhait, mais il est difficile de voir où l'auteur a vraiment voulu nous mener, hormis devant du gore simple et efficace.

En conclusion, Le Voeu Maudit est encore une fois un très bon cru de la part d'un auteur qu'on aimerait voir être publié encore plus souvent. Mêlant différents types d'histoires traitées de manière originale ou pas avec de multiples lectures possibles, le recueil a tout pour plaire aux fans du genre tout comme aux néophytes, mais aussi aux plus jeunes qui aiment l'horreur et aux plus anciens qui ont une grande culture dans le domaine.

On peut remercier encore une fois Le Lézard Noir pour nous permettre de lire davantage d'histoires de ce maître de l'horreur, surtout dans une édition irréprochable qui transpire la passion et la volonté de faire découvrir cet auteur à encore plus de monde ! On apprécie d'autant plus la tranche du livre, gardant la même trame de rayures rouges et blanches comme pour La Maison aux Insectes, et surtout à l'effigie du fameux tee-shirt que porte l'auteur dans la plupart de ses représentations.

Vite, un autre !


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs