Red Angels - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 03 Juillet 2017

La prostitution, voilà un sujet sensible dans nos sociétés actuelles. C'est pourtant celui-ci que le dessinateur Seven et l'écrivain et journaliste Li Yaosha ont décidé de traiter avec leur one-shot, Red Angels, paru chez Urban China l'automne dernier. Ce one-shot est l'adaptation d'un roman de non-fiction de Li Yaosha, grand succès dans son pays d'origine.


Nous voici plonger dans la Chine des années 90, où, au travers du regard d'un propriétaire d'immeubles hébergeant notamment des prostitués, on relate l'histoire de trois d'entre elles, qui connaîtront chacune une destinée bien différente, selon leurs choix de vies.


L'histoire démarre tout de suite sur des chapeaux de roues, et nous plonge dans cette réalité crue, sans concession. Les couleurs sont sombres, oppressantes, le noir et le rouge sont omniprésents. On nous présente alors, dans cette Chine en plein essor, dont cette histoire révèle une partie de l'envers du décor,  les trois personnages que nous allons suivre  : "la première est mariée à un homme qui la bat, et tapine pour l'aider à rembourser ses dettes de jeu. La seconde, âgée d'une quarantaine d'années, a quitté l'usine et fait le trottoir pour payer des études à ses filles. La troisième, jeune campagnarde un peu naïve, essaye de trouver un homme bon qui la sortira de la rue pour l'épouser."  Ces trois personnages, que nous observerons avec le regard extérieur de ce propriétaire, ne cesseront de nous laisser perplexes, de nous toucher, de nous attendrir. Chacune suivra son chemin, non sans mal, traversant les violences, la maltraitance, la drogue et les maladies sexuellement transmissibles, comme le VIH, dont on commence à parler à cette époque où l'on démarre les campagnes de préventions au sujet des MST... Le récit est découpé en quatre parties, chacune commençant par un petit extrait du roman de Li Yaosha et également des croquis splendides au bic de Seven.


Ce dernier a un style qui n'est pas sans rappeler celui du film d'animation "Amer Béton" avec ses personnages aux membres filiformes et très articulés et ses faciès si particuliers avec de petits yeux en amandes. Un style un peu en décalage des codes graphiques du manga traditionnel qui pourrait déstabiliser au premier abord, mais qui est diablement efficace. Les expressions notamment sont particulièrement réussies, les personnages passant de la candeur au désespoir en quelques cases. L'ambiance colorée est sombre, les ciels sont très souvent ceux du crépuscule ou de la nuit, des ciels chargés de nuage au sein de cette ville aux bâtisses grises, ternes et vieillissante. Mais le découpage s'accélère dans les scènes de violence, dont on ressent toute la brutalité et la souffrance dans le dessin, toujours accentué par cette omniprésence de rouge qui nous oppresse. Ce n'est que dans les dernières pages que le dessinateur nous offre une bouffée d'air frais, avec le retour de couleurs douces et chaleureuses et des décors révélant des bâtiments rénovés aux enseignes bariolés, signe que le temps a amené un certain apaisement. Ce n'est pas pour rien que ce one-shot se termine sur un ciel gorgé de nuages sombres et menaçants que l'on retrouvait plus tôt, transpercé ici par des rayons de soleil puissants : malgré les difficultés, aussi atroces soient-elles, que la vie nous réserve, l'espoir peut toujours poindre et vaincre la morosité de la vie et le désespoir.


Ce oneshot est  un reportage bouleversant que nous offrent Li Yaosha et Seven sur leur pays, à cette époque plus troublée que jamais par un essor fulgurant. Amenée par des dessins diablement efficaces et une histoire qui nous tient perpétuellement en haleine, on en ressort bouleversé : cette lecture est une petite perle à ne pas rater !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
kayukichan
18 20
Note de la rédaction