Crystal sky of yesterday Vol.1 - Actualité manga

Crystal sky of yesterday Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 09 Octobre 2014

Hormis du côté des éditions Fei et de quelques autres éditeurs qui s'y essaient de temps à autre, le manhua ou bande dessinée chinoise est devenu une denrée rare dans notre pays, encore plus depuis la disparition de l'éditeur Xiao Pan début 2012. Aussi, on ne pouvait qu'être optimiste lorsque les éditions Kotoji ont annoncé en été 2014 se lancer dans l'aventure de la BD chinoise via la création du label Asian District, qui, comme son nom l'indique, se consacrera aux oeuvres graphiques asiatiques. La collection est lancée en grande pompe en ce mois d'octobre 2014 avec la sortie du tome 1 de Crystal Sky of Yesterday, véritable best-seller en Chine dont l'auteur, et la venue en France de son auteur Pocket Chocolate, un artiste dont nous avions déjà pu apprécier, il y a quelques années chez Xiao Pan, es très jolis Butterfly on the Air et Le Mont du Sud.


Crystal Sky of Yesterday reprend d'ailleurs un peu le même concept que Le Mont du Sud : suite à un événement dans sa vie, un homme en plein doute dans sa vie de jeune adulte est amené à se replonger dans les souvenirs de son adolescence, pour un résultat encore plus profond, car en partie autobiographique.


Ce garçon se nomme Tu Xiaoyi, et se replonge dans les souvenirs de son année de terminale dans la Chine des années 1990. Adolescent aux notes médiocres, subissant de plein fouet les pressions d'un professeur trop strict ne voyant la réussite que dans la poursuite des études à l'université, il s'offre, comme beaucoup, des plaisirs réconfortants dans les jeux vidéo, dans son rêve de devenir auteur de manga, dans ses délires avec son meilleur ami "Peanut", et dans le premier amour qu'il vit secrètement pour la belle Yao Zhetian. Mais quand arrive dans sa classe Qi Jingxuan, terminale redoublant n'hésitant pas à se rebeller contre la hiérarchie, il sent que son petit univers est sur le point de changer... quitte à se briser.


Sur une base assez simple, Pocket Chocolate propose une merveille de narration. En offrant des textes quasi exclusivement issus des pensées de son héros, l'auteur dévoile un récit d'une justesse qui va droit au coeur, sans doute parce qu'il est issu en partie de sa propre jeunesse. Tu Xiaoyi, c'est en grande partie l'artiste lui-même, qui exorcise à travers son personnage ce qu'il a vécu à cette époque : les pressions d'un système éducatif chinois trop strict et ne laissant pas de place aux rêves personnels, l'incertitude face à l'avenir et à l'entrée dans le monde adulte, les bons moments, engueulades et chamailleries avec les potes, l'observation minutieuse de son amour secret dont il a repéré tous les petits tics dont la façon qu'elle a de remettre délicatement ses cheveux derrière son oreille. Et ce qui découle souvent de tout ça : les bons souvenirs, mais aussi les déceptions, les petits regrets difficiles à oublier.


C'est dans une ambiance de tranche de vie nostalgique, mélancolique, douce-amère, que l'on découvre une petite palette de personnages attachants. En plus de Tu Xiaoyi, on découvre en "Peanut" le genre de bon pote que l'on apprécie forcément, et qui, bien que dans la même situation scolaire que notre héros, contrebalance les tourments de ce dernier par une relative insouciance, et côté plus détaché des choses. Figure du séduisant rebelle, n'ayant pas peur de la hiérarchie et sur lequel coulent certaines rumeurs pas toujours agréables, Qi Jingxuan est un peu une figure de garçon fascinant, car libre, ou, en tout cas, aspirant à la liberté, mais il cache néanmoins une sensibilité et une souffrance qu'il préfère garder pour lui. Et puis il y a Yao Zhetian, seule fille de la série, jolie, douée en danse, amicale... Le genre de demoiselle dont on tombe forcément amoureux, mais qui cache aussi des souffrances personnelles surtout liées à ses rêves qui se brisent face aux pressions parentales et aux attentes qu'on place en elle.


Chacun a ses tourments, ses problèmes qui ne se dévoilent souvent qu'entre les lignes, mais que l'on comprend tout de suite. Pocket Chocolate croque des jeunesses un peu paumées, et brasse en seulement une grosse centaine de pages un certain nombre de thèmes forts : l'arrivée difficile vers la vie adulte, l'importance des rêves, les pressions de l'éducation ou de l'entourage, les relations, l'amour brisé...


L'oeuvre est très sensible, joue sur des émotions très vraies, se base sur des choses que beaucoup ont sans doute déjà vécues, et c'est sûrement pour ça qu'elle touche si facilement. Elle peut en plus compter sur les talents de dessinateur de Pocket Chocolate, qui offre un style un peu plus épuré que sur ses précédentes oeuvres, mais totalement maîtrisé. L’auteur avoue revenir très souvent sur ses planches, a d'ailleurs beaucoup retravaillé son oeuvre entre la prépublication et la parution en tome relié, et cela se ressent très bien à travers un rendu visuel proche de la perfection. Le récit est limpide et ne s'égare jamais, les visages véhiculent les émotions avec beaucoup de nuances et de finesse, les décors basés sur la ville d'enfance de l'auteur (Lanxi, qui est donc aussi le lieu où se déroule le manhua) sont saisissants, la colorisation par ordinateur atteint des sommets de richesse et contribue totalement aux ambiances douces-amères où pointent les envies d'évasion, et certaines scènes parfaitement découpées risquent de vous faire vibrer de mélancolie.


Belle, vraie et touchante, Crystal Sky of yesterday est une oeuvre qui tire le meilleur de son propos, simple et humain. La série fait partie de celle qui touchent directement le coeur, sans avoir besoin d'user de trop gros artifices, et le tout est servi dans une édition impeccable, un grand format au papier de haute qualité et dont la blancheur fait très bien ressortir le travail sur les couleurs. La traduction est elle aussi très claire.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs