Rendez-vous à Udagawachou : Critiques

Udagawachou de Mattete yo

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 30 Juin 2017

Sorti au Japon en 2012 sous le titre Udagawachou de Mattete yo, le one-shot Rendez-vous à Udagawachou est le tout premier titre sorti en France de Hideyoshico, mangaka ayant débuté sa carrière professionnelle en 2010. Auréolée d'un beau succès, cette oeuvre a connu en 2015 une adaptation en film live. Au programme, la thématique du travestissement, mais abordée d'une manière bien plus fine que dans bon nombre de comédies aimant prendre ce prétexte.


Tout commence lorsque Momose, lycéen introverti, croise dans la rue l'un de ses camarades de classe, Yashiro. Jusque-là, rien de spécial. Sauf que Yashiro est habillé en femme et semble attendre quelque chose ou quelqu'un. Qui donc ? Pour quoi faire ? Et, surtout, pourquoi dans cette tenue ? Il se pose d'autant plus de questions que Yashiro est un garçon un peu populaire, ayant d'assez bonnes notes et faisant partie de la bande de potes la plus bruyante de la classe. En tout cas, une chose est sûre : Momose est intrigué. Tellement intrigué qu'il ne cesse plus d'observer Yashiro en classe et dehors, et qu'il pourrait commencer à ressentir une étrange forme d'attirance...


Tout d'abord, signalons l'intelligence exemplaire de la narration de Hideyoshico, qui, sur les premiers chapitres de son oeuvre, alterne sans narration entre le point de vue de Momose et celui de Yashiro. Ainsi, on découvre chacun des deux personnages à travers le regard de l'autre. D'un côté, à travers le regard de Momose, on voit un Yashiro qui a l'air on ne peut plus normal en classe et qui est plutôt bien intégré, tandis qu'à travers Yashiro on observe un Momose à l'apparence sinistre, difficile à cerner et parlant peu. Autant dire que ces deux adolescents n'ont normalement rien pour se rapprocher. Rien, hormis la découverte faite par Momose. Une découverte qui, mine de rien, évoque beaucoup de choses sur le travestissement.


Momose est un personnage qui sous ses allures sinistres véhicule quelque chose de très positif, car en découvrant l'intérêt de Yashiro pour le travestissement il ne pense jamais à la moquerie ou au dégoût. Bien sûr, tout n'est pas si simple, et au départ il a des pensées que n'importe qui pourrait avoir face à ce qui ne semble pas "normal". Il se dit qu'il doit forcément avoir une bonne raison de faire ça, émet dans son esprit quelques hypothèses... mais, et si Yashiro agissait ainsi, tout simplement parce qu'il aime ça ? 


On découvre ensuite la manière dont cet intérêt pour les vêtements féminins est né en Yashiro... mais entre l'intérêt et la capacité à accepter cet intérêt, il y a une barrière. Evidemment, il y a la réaction de honte en étant reconnu, mais aussi la réaction que peuvent avoir les autres, à l'image de la soeur de Momose qui trouve ça "dégoûtant". C'est là que Momose trouve vraiment tout son sens : il n'émet aucune réaction de rejet envers Yashiro, au point que même Yashiro se dit qu'il est bizarre. Mieux, Momose, au fil des pages, semble assumer très facilement et sans gêne le fait qu'il est attiré par lui quand il est dans ses vêtements de fille... Peut-être est-ce ce dont Yashiro avait besoin : quelqu'un l'acceptant tel qu'il est sans rejet, sans dégoût. Et même si leur entourage devait les repousser, on a le sentiment qu'ils se sont très bien trouvés en se découvrant un intérêt commun. L'oeuvre évoque ainsi avec finesse et sans surenchère les tourments et l'acceptation liée à une passion peu commune.


Le style de Hideyoshico fait des merveilles. Son trait assez élancé et aux trames très soignées est capable d'offrir une certaine sensualité à certains passages sur Yashiro en femme. 


Sa mise en scène est très soignée, jouant beaucoup sur la façon dont les deux héros s'observent et agissent. Les regards et les gestes, parfois en non-dits, ont une importance capitale, tout comme les angles de vue choisis et le découpage des cases où la mangaka aime souvent prendre le temps de découper une action geste par geste (comme une tête qui se retourne ou un regard qui change de direction). C'est d'autant plus beau quand certains de ces moments s'accompagnent d'un aspect assez épuré, se focalisant sur l'essentiel. 


Hideyoshico aime aussi proposer un souci du détail en arrière-plan quand il le faut : les posters de Slipknot et de Kiss dans la chambre de Momose (qui donnent tout de suite une idée de ce qu'il aime), un graffiti sur un mur en fond... Difficile, aussi, de ne pas souligner le soin (primordial dans une telle oeuvre) accordé aux vêtements, avec des tenues assez élaborée et souvent bien trouvées.


L'action se déroulant parfois à Udagawachou (un quartier de la zone commerçante situé en face de la gare de Shibuya), la mangaka s'est appliquée à en faire ressortir le cadre et l'impression de passage constant de gens, même si elle avoue s'être plutôt basée sur le cadre devant le parc de Hachiko.


Du côté de l'édition, saluons en premier lieu la traduction soignée de Delphine Desusclade, qui propose un travail fin, collant bien au caractère des deux héros, et sachant particulièrement bien faire ressortir leur difficulté à toujours bien exprimer ce qu'ils ressentent et veulent. La première page en couleur est d'une beauté folle, le papier est de bonne qualité, l'impression est très bonne... Un bel objet, pour une lecture de grande qualité qui permet de poser de grand espoir en Hideyoshico.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs