Fleur venue d'ailleurs (une) - Light Novel Vol.1 : Critiques

Shoukoku no kôshaku reijô wa tekkoku nite kakusei suru

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 27 Novembre 2025

Le light novel a beau peiner encore à s'implanter durablement sur le marché français, en encaissant certains coups durs depuis quelque temps (le quasi silence radio des éditions Ofelbe, la fin de parcours des éditions LaNovel, la limitation des activités de JNC Nina...), certains éditeurs font heureusement de la résistance, à l'image des éditions Vega qui ont lancé trois séries de romans ces derniers mois, et surtout des éditions Mahô qui poursuivent doucement mais sûrement leur aventure dans ce milieu. Ainsi, en septembre dernier, c'est un court light novel en deux volumes que l'éditeur a publié, et celui-ci a facilement su nous intriguer et même nous charmer après lecture.

De son nom original "Oguni no Koushaku Reijou wa Tekikoku nite Kakusei suru" (littéralement "La fille du marquis d'un petit pays se réveille dans un pays ennemi", ce qui correspond bêtement au pitch de base, comme souvent il n'y a aucune imagination dans les titres nippons de light novels), "Une fleur venue d'ailleurs" a vu le jour pendant l'année 2022 au Japon pour le compte de l'éditeur Shufu to Seikatsusha. Son écriture est l'oeuvre de Syuu, artiste prolifique dans les récits de fantasy depuis quelques années, tandis que les illustrations ont été conçues par Fujigasaki. Auréolée d'une jolie petite réputation, cette série de romans connaît aussi depuis 2024 une adaptation manga qui a été confiée à Mahoro Nishino et qui vient tout juste d'être elle aussi lancée en France par... les éditions Mahô, bien sûr.

Cette histoire prend place dans un monde fictif qui semble inspiré de l'Europe d'il y a quelques siècles, et démarre au sein du petit royaume insulaire de Saint-Rouant. Dans un monde où une guerre fait rage depuis un bon moment entre l'Empire santoréen et la Fédération, le petit royaume a choisi depuis longtemps d'apporter son soutien à l'état impérial, mais risque désormais de le payer cher puisque le conflit a été remporté par la Fédération dirigée par Cecilio, un souverain sur qui courent les pires rumeurs. A priori, tout ceci n'a pas de quoi concerne notre héroïne, Bertine: fille du Marquis de Juin qui n'est autre que l'actuel Ministre et qui est reconnu pour ses nombreux talents, cette jeune femme noble de 24 ans s'apprête à vivre un mariage normalement heureux avec Andrew, celui à qui elle a été promise. Et pourtant, tout vole en éclats pour elle quand elle apprend soudainement, par la bouche de son père qui n'a rien pu faire pour empêcher cela, qu'elle va devoir rompre ses fiançailles actuelles pour se rendre à la Fédération où elle doit être offerte en réparation à Cecilio. Face à la soudaineté de cette annonce, à l'injustice qu'elle représente et à l'incapacité de son prétendu fiancé de venir lui faire face, Bertine se résigne à son sort, ne serait-ce que pour ne pas nuire à son père qui a tant fait pour elle, et pour ne pas entacher le souvenir de sa défunte mère. C'est donc avec pour seule compagne sa fidèle servante Dorothée qu'elle se rend jusqu'au royaume ennemi où, d'emblée, son changement de cadre de vie se fait sentir: son normalement futur époux Cecilio n'a en réalité aucunement l'intention de se marier avec elle, il est même absent quand la jeune femme arrive, et celle-ci se voit traitée très froidement par ses serviteurs... Quel avenir attend donc exactement Bertine dans ce pays a priori hostile ?

Vous vous attendez déjà au coup classique de la pauvre jeune noble sans défense qui se retrouve entre les mains d'un odieux monarque, avec ce qui peut s'ensuivre ? Eh bien, vous faites totalement fausse route, et c'est peut-être en cela que le récit capte tout notre intérêt dès ses premières dizaines de pages, tant on va être à mille lieues de ce type de développement cliché. Sans trop en dire afin de ne pas gâcher les surprises, sachez simplement que les vérités autour de Cecilio, de la Fédération et de l'Empire seront bien différentes de ce que l'on pourrait croire au départ... et, surtout, que Bertine n'a absolument rien d'une noble fille à papa comme les autres. Oh, bien sûr, sa noblesse se ressentira souvent, mais pas forcément de façon négative, loin de là. Et surtout la jeune femme, loin d'avoir été embourgeoisée dans un certain confort dont elle ne pourrait plus se passer, se révélera vite être en réalité à la fois une intelligente femme d'affaires et une personne très soucieuse de son prochain, en sachant récompenser les personnes qui le méritent et aider à combattre certaines injustices.

Pour ce faire, c'est assez simple: Bertine, toujours accompagnée de sa fidèle et indispensable Dorothée qui veille sur elle depuis qu'elle est enfant, va se mettre en tête de trouver sa place dans un pays dont elle va découvrir peu à peu les valeurs, les richesses humaines (plus que pécuniaires, en opposition à l'Empire et surtout à Saint-Rouant qui placent l'argent avant tout) et la culture au point d'en tomber amoureuse et de ne plus vouloir le quitter... tout en restant parfaitement indépendante puisque, loin de devenir une épouse de Cecilio, elle va prendre rapidement une tout autre place. Une grande partie du charme de ce premier volume vient alors de la force de caractère de cette femme, de son indépendance, de son esprit intelligent et avisé sur beaucoup de choses (elle a reçu une éducation stricte qui lui ont permis d'acquérir beaucoup de connaissances, et ça se voit), et de son souci d'ouverture d'esprit, de découverte et de compréhension de l'autre qui vont naturellement lui permettre de nouer des liens forts avec nombre d'habitants, y compris les personnes les plus démunies, ainsi que celles qui semblent au départ les plus réfractaires.

Certes, on n'évite pas quelques ficelles un peu faciles (comme par hasard, la dénommée Bianca est la fille d'un homme avec qui notre héroïne devra faire affaire, le monde est petit), mais on les oublie bien vite face au plaisir entraînant qu'il y a à voir Bertine avancer sans trembler et changer petit à petit le monde autour d'elle... tout en sachant qu'elle pourrait le changer encore plus qu'elle ne le croit, au vu des enjeux plus amples qui se dessinent autour d'elle. Le remariage de son père après la mort de sa mère, le statut de ministre de celui-ci, l'alliance avec l'Empire, et tout simplement le contexte flou dans lequel notre héroïne a été expédiée à la fédération, sont effectivement autant de choses qui cachent aussi de plus vastes machinations et autres ambitions qui à coup sûr, auront toute notre attention au fil du deuxième et déjà dernier tome.

Enfin, du côté de l'édition française, la copie est très satisfaisante de la part de Mahô. Derrière une jolie couverture fidèle à l'originale japonaise et dotée d'un fin logo-titre bien pensé et rehaussé d'un vernis sélectif, on a droit à un beau format, à un papier agréable à manipuler, à une traduction très soignée et toujours claire de la part de Lola Vendries, et bien sûr à la conservation des illustrations, y compris celle en couleurs et sur papier glacé qui inaugure l'ouvrage.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction