Bonne nuit Punpun! Vol.8 - Actualité manga
Bonne nuit Punpun! Vol.8 - Manga

Bonne nuit Punpun! Vol.8 : Critiques

Oyasumi Punpun

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 30 Mars 2016


Alors qu’il médite le petit monde du haut de ses dix-huit ans et que cela en est fini du lycée et des études, la nuit n’aura jamais était aussi noire dans la tête de Punpun Onodera. Il prit son envol d’indépendance : appartement studio à lui tout seul et essai d’un petit job. Cependant, les souvenirs de toutes parts viennent se heurter dans un esprit submergé de résonnances mémorielles. Le jeune Onodera ne sait plus qui il n’est, ni même où il se trouve : quel est donc cet étrange univers insolite ? Et, l’autre soir, justement, il rencontra cette fille, Sachi Nanjô : enseignante à ses heures professionnelles et artiste peintre pour le reste ; d’ailleurs, Punpun, il fréquenta la sœur de celle-ci, il y a un certain temps déjà. Sachi Nanjö, lueur étincelante parmi l’abîme dans laquelle Punpun boit la tasse. Elle tend la main dans sa direction ; à lui désormais de déployer la sienne : à travers la redécouverte de soi, des sentiments enfouis, de la fatigue artistique et d’une complicité naturelle.

Du concret vers l’absolu : contraste conceptuel entre la profonde culture traditionnelle et l’abstraction géométrique lointaine

Premièrement, depuis la fin du précédent livre, la silhouette atypique et bien connue de Punpun se voit substituée par une forme géométrique de type triangle, tantôt plane et parfois volumétrique. Cette abstraction sera retrouvée à certains endroits précis du récit, soit dans les dialogues eux-mêmes – notamment à travers la réflexion du professeur de mathématique – soit de façon imagée jusque dans le cadre du champ lexical étoilé récurrent d’ores et déjà observé dans la série, l’exemple le plus grandiloquent sera, à ce titre, la double page illustrant un ciel de nuit – comme il en a été tant livrés jusqu’alors – dont les étoiles seront reliées l’une à l’autre par des lignes lumineuses formant, de facto, un enchevêtrement de triangles d’astres. Ces figures, de style triangulaire et répétées, qui s’en viennent canaliser les moments-clés, agissent, notamment, et à l’égard du lecteur, à l’instar de vases-communicant réguliers de résonnance émotionnelle.
Secondement, l’auteur alterne ces éléments abstraits et, parfois, les associe aux émotions primaires de l’être humain ainsi qu’à des références traditionnelles. Les bases animales et concrètes, que constitueront notamment le fait de se nourrir et la sexualité, seront très présentes ici. De façon similaire, il est fait renvoi à une culture davantage éloignée de l’époque contemporaine : Punpun prend, à certains endroits, l’apparence d’un samouraï en armure d’autrefois. De ces contrastes, entre abstraction triangulaire susdite et concret-primaire, jusqu'à l’ancestralité, exhale une continuité des interrogations et des problématiques de l’être en dépit de ses évolutions – culturelles, scientifique et autres – à travers le temps, afin d’en accroître la portée universelle du ressenti et de l’œuvre.

De la libération du triangle-prison : contemplation fantomatique d’un amour d’enfance égaré & réapprentissage du sentiment passionnel sur relation artistique.

Depuis le fond du sceau jusqu’à la résurrection progressive de l’âme, le lecteur marche dans l’ombre déboussolée de Punpun. Il ne cesse de songer à celle qu’il aime depuis son plus jeune âge, alors qu’il n’était qu’écolier ; ils s’aimaient tellement : à tel point que, parfois, il en tombait même dans les pommes, en pleine rue. Cela fait longtemps qu’il ne l’a plus vue ; du moins physiquement, car, dans ses méninges en torture, il n’y a pas davantage : rien d’autre qu’elle. Il pleure, il veut quitter ce monde qui semble ne point avoir une once de chose à offrir ; jour et nuit, sous la pluie, il ère dans les rues de la mégapole. En quête d’une silhouette, une dernière lueur d’Aïko ; toujours rien. Le néant en son cœur et en cette terre. Il rentre aux bercails, vide. Néanmoins, il y a cette grande et mince brune, Sachi Nanjo, pleine de charme, de gentillesse et de simplicité. Elle l’avait rencontré par le plus grand des hasards au Punpun et, décidément, depuis lors, elle n’est point décidée à le relâcher dans sa nature sauvage. D’ailleurs, si elle dessine et qu’il lui arrive d’exposer ses productions, elle a toujours rêvé de devenir mangaka. Et, justement, Punpun se révèle être un atout : lui qui serait un scénariste tout désigné à raison d’une pâte émotionnelle en laquelle elle retrouve son inspiration perdue. Une nouvelle relation humaine vient de naître : les larmes chaudes, le bonheur qui exulte et l’art qui fait socle : une lumière des espérances s’en vient remplir les lendemains. Et si, depuis quelque temps, Punpun est illustré par l’auteur tel un triangle – condamné à l’enfermement dans cette pyramide – il arpente désormais le chemin qui mène à s’en extraire, vers une libération, un élan de vie.

Mise en exergue  du paroxysme de la pression sociale nipponne : dénonciation brute & conséquences barbares

Au Japon, la première cause de mortalité chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans c’est… le suicide. Notamment à raison du classement éducatif duquel dépend la situation professionnelle et le rang social. Un enfant n’ayant pas honoré le jeu de la compétition exacerbée, en sus d’être personnellement mis, et tel un chien, aux bancs de cette société inique, est également, et souvent, la cause de l’effondrement de sa propre famille tout entière qui s’était investie corps et âme afin d’assurer au mieux cette ascension sans queue ni tête. Tout cela pour dire que, et si Inio Asano l’avait d’ores et déjà habilement soulevé lors de précédents ouvrages, cette absurdité éducative est remise en scène ici, elle s’exprime par le réel ; l’auteur en traite deux aspects psychologiques opposés à travers un duo de personnages : Punpun pour le désintéressement universitaire et son ami Yukinoshin pour ce qui s’apparente à une relative réussite. Si Yukinoshin fait ses classes universitaires, il n’y accordera pourtant aucun intérêt d’épanouissement personnel, mais seulement une satisfaction-fantasme de l’argent et d’une éventuelle réussite professionnelle qu’il assimile au social, tout en confessant un relatif sentiment d’aliénation face à modèle universitaire archaïque et irrationnel. Et, lorsque Punpun fait une dépression continue alors qu’il vient à peine d’atteindre sa majorité, une de ces autres connaissances d’autrefois semble vivre désormais radicalement dans la rue, ayant raté la course folle aux classements scolaires à raison d’une blessure sportive.

Il y aurait tant d’autres choses à dire…

Mais ces choses-là ne seraient toujours point davantage que des mots : de piètres psalmodiassions à l’aune d’un monument du gekiga. S’il était dit qu’il s’agit ici du meilleur pavé de « Bonne Nuit Punpun » depuis son commencement, cela serait manifestement être désagréable à l’égard de l’auteur, ainsi que de son œuvre ; disons modestement qu’elle paraîtra hautement transcendante : le livre se referme, mais le lecteur s’ouvre davantage : après cela, il n’est plus le même ; les couleurs du monde semblent différentes, ravivées, renaissantes.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Alphonse
18.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs