Halcyon Lunch Vol.1 - Actualité manga

Halcyon Lunch Vol.1 : Critiques

Halcyon Lunch

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 11 Mai 2016

Adashino Gen, autoentrepreneur quadra, a royalement foiré sa vie et a vu son entreprise lui échapper. Aujourd'hui, il vit comme un clochard, contraint de pécher sa maigre pitance dans une rivière vaseuse dont rien de très goûtu ne sort.
Que les choses soient goûtues ou non, la jeune Hyos, elle, s'en fout un peu : elle se contente de bouffer tout ce qui lui passe sous la main, et surtout ce qui n'est pas comestible par un artifice invraisemblable à base de baguettes, et voila.
Au bord de la rivière, la rencontre de Gen avec cette étrange demoiselle au physique d'adolescente va être plutôt marquante, puis qu'il en faut pas longtemps à celle-ci pour bouffer la charrette de notre héros, puis pour boulotter des gus venus lui chercher des noises. Ah oui, autre particularité de Hyos : en s'enfonçant joyeusement les doigts au fond de la gorge de façon... euh... "Classe ?", elle peut régurgiter ce qu'elle a mangé ces dernières heures pêle-mêle, ce qui donne naissance à des créatures invraisemblables...
Normalement, une telle situation a de quoi troubler un petit peu. Gen, lui, y voit plutôt un moyen de se relancer dans la vie ! En compagnie de cette fillette bizarre, il va repartir en quête d'une vie professionnelle et, surtout, de sous, avec ce que ça implique de rencontres plus ou moins positives et d'événements hasardeux.

On connaît le Hiroaki Samura sérieux et sombre, celui qui nous a servi la formidable fresque L'habitant de l'infini et le non moins réussi Snegurocka. Mais on ne connaissait pas encore le Samura comique. C'est ce que Casterman nous propose avec cet Halcyon Lunch, diptyque dont les premières idées ont germé dès la fin des années 1990 pour finalement voir le jour en magazine au Japon entre 2008 et 2011. Et quel genre de comique est donc ce cher Samura ? Hé bien, il est extrêmement varié dans le registre de l'absurde, du décalé et de l'ultra référencé, et presque pince-sans-rire de par le ton généralement neutre des gags. Chose que la préface à base de "pignouf" laisse déjà deviner.

Qu'on se le dise, il faut donc aimer l'humour de ce type pour apprécier Halcyon Lunch, chose qui peut être rendue difficile au tout début par la rapidité de l'introduction et par des premiers pas qui nous plongent tout de suite dans une ambiance unique qu'il faut réussir à saisir. Et dès qu'on est dedans, il faut bien dire que c'est généralement un bonheur qui prête constamment à sourire, tant le mangaka va au bout de son trip en enchaînant un peu tout et surtout n'importe quoi. Ne vous étonnez donc pas, par exemple, que Hyos avale tout ce qui passe à sa portée de façon complètement inexpressive, qu'un homme se fasse bouffer un peu bêtement par un bébé-frigo géant, ou qu'une demoiselle observe tranquillement une scène de copulation pas piquée des hannetons. Car tel est l'univers de Halcyon Lunch, où Samura exploite à fond son idée de base.
A cela, il faut ajouter un nombre mirobolant de références et de clins d'oeil. On peut en dénicher plusieurs à quasiment chaque page, si bien que s'amuser à toutes les découvrir devient vite une sorte de jeu. Et le tout s'avère très varié, allant du manga Jojo's Bizarre Adventure à Blade Runner, en passant par le jeu Onechanbara, Edouard Balladur, ou le Coup du Parapluie avec Pierre Richard. Si si.
Il est d'ailleurs bon de noter qu'au vu de l'aspect ultra-méga-référencé de l'ouvrage, de l'omniprésence de jeux de mots et clins d'oeil à la culture populaire nippone parfois sans doute incompréhensibles s'ils avaient été laissés tels quels, la traduction française a choisi d'adapter au mieux les choses, de travailler les jeux de mots à fond. Et pour les références intraduisibles, il y a en fin de volume un glossaire fort utile. Par ailleurs, l'oeuvre est tellement riche en clins d'oeil que la traduction française avoue ne peut-être pas avoir tout remarqué. Ce n'est aucunement dérangeant, car cela n'empêche aucunement de saisir l'essence comique des choses. On peut même dire que ce n'est pas plus mal, car cela pousse encore un peu plus le lecteur à dénicher les références qu'il connaît et qui n'auraient pas été évoquées. Dès qu'on se prend au jeu, c'est jouissif. Et dans tous les cas, une chose est sûre à la lecture : les traducteurs se sont éclatés, ont cherché à faire au mieux, et le pied qu'ils semblent avoir pris est fichtrement communicatif, d'autant qu'il ne dénature jamais l'oeuvre.

Bien sûr, dans tout ça, il y a une histoire, pour l'instant limitée et servant surtout l'humour. Mais on apprend bien, par exemple, ce qu'est exactement Hyos, tandis que la palette de personnages s'agrandit vite de quelques autres figures assez géniales.

Enfin, il y a les dessins. Chose assez formidable, Samura reste fidèle à son style développé sur L'habitant de l'infini : trait fin et dense, décors présents quand il le faut et offrant quelques très jolis paysages, personnages bien fouillés et restant réaliste... Un style sérieux, qui crée un merveilleux décalage avec l'absurdité du propos et des situations, encore plus quand l'auteur se lâche sur les designs complètement improbables des "créatures mixées" que Hyos régurgite ! Toutes les qualités visuelles de cet auteur sur un manga pareil, ça fait son effet, là aussi déstabilisant sur le coup, mais résolument unique.

Halcyon Lunch demandera donc peut-être un petit temps d'adaptation. Pour apprécier cette fantaisie de Hiroaki Samura, il faut clairement aimer ce type d'humour, y être sensible et accepter de se plonger entièrement dedans. Dès lors, l'avalanche de gags absurdes et décalés et de références en tous genres devient un bonheur.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs