Ere des cristaux (l') Vol.1 - Actualité manga
Ere des cristaux (l') Vol.1 - Manga

Ere des cristaux (l') Vol.1 : Critiques

Hôseki no Kuni

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 12 Avril 2017

Critique 3

Vous n’avez jamais eu ouïe dire de « L’Ere des Cristaux » ? Et bien, jusque là, rassurez-vous, rien d’anormal. Vous en avez entendu certains aboyer : « L’Ere des Cristaux c’est nul, je n’ai rien compris » ? Jusqu’ici, pareillement, tout demeure cohérent. Le style du dessin et le brin de synopsis ne vous attirent point davantage que cela ? Encore, cela reste de l’ordre du compréhensible.

C’est lors d’une lecture nocturne, laquelle se révéla par ailleurs étonnement propice à l’atmosphère, que votre humble serviteur découvrit l’œuvre objet du présent papier. Et, sans doute, après une lecture de première moitié d’ouvrage relativement poussive, qui put laisser perplexe voire dubitatif, le fameux cristal se mit non à briller mais à obtenir une indicible résonance. Parce que, oui, Mesdemoiselles, Messieurs et autres, il en faut du temps pour se laisser submerger par l’atypisme prononcé de cette prestation. Une production à des kilomètres des habituels fastfoods consommés à satiété et qui inondent un peu tous les strapontins du monde manga.

Mais avant d’évoquer cette matière un peu davantage en détail, « L’Ere des Cristaux » de quoi ça cause ? Dans un avenir trop éloigné pour qu’il ne puisse être appréhendé, les humains ont disparu de la surface du globe. Les terres n’ont jamais été aussi vertes. Dans cette nature qui semblera en relative harmonie, vit vingt-huit gemmes-humanoïdes aux corps immortels : des êtres de cristal. A la réalité, et au-delà des parures de ce monde idyllique, leur peuple est en proie à une séculaire menace. Ils semblent mener une guerre sans fin. Tous les quelques jours, les séléniens, ces belliqueux qui s’en viennent du ciel, frappent sans crier gare ; eux qui, pour des raisons jusqu’alors inconnues, se nourrissent du précieux cristal.

Dit de la sorte, et tel qu’il résulte autant de la quatrième de couverture du volume, ce bref résumé ne donnera peut-être pas vraiment envie d’en savoir davantage. Et pourtant, quelle méprise ! Loin de pouvoir se rendre compte de ce que l’œuvre dévoilera par la suite ! Quand et de quelle manière le monde se mit à basculer ? Quel lien existe-t-il entre les humains, les êtres de cristal et les séléniens ? De quels secrets se garde le maître des êtres de cristal ? Quels besoins animent les séléniens ?

Beaucoup de questionnements, lesquels trouveront quelques réponses à travers la quête du personnage principal prénommé Phos : il est l’être de cristal le plus jeune mais aussi le plus faible ; pour ainsi dire, inutile et sans intérêt immédiat dans ce monde de guerre. Chaque être de cristal a pourtant un rôle assigné dans cette microsociété. Mais que faire de Phos qui se brise à la moindre occasion ? Artisan, guérisseur, sentinelle, combattant ? Maître Vajra a pris sa décision, il sera missionné afin d’étudier l’histoire naturelle de leur civilisation : mise au placard ou réel intérêt de la tâche dévolue ?

Devenu une sorte de gratte-papiers, Phos ne rêve pourtant que d’aller se battre aux côtés des plus grands guerriers de son peuple. Des guerriers tels que Bort, un personnage à la puissance démesurée qui sera introduit dès ce premier tome. D’ailleurs, c’est au compte-gouttes que les personnages seront présentés. Parmi ceux-là, un sera apparu davantage que les autres… Cinabre : sombre guerrier errant la nuit en solitaire, à l’affut de la moindre perturbation, prêt à faire face.  Il vit à l’écart des siens, esseulé… lui dont le corps sécrète, dans une quantité illimitée, de façon naturelle et sans cesse, un virulent poison. Faisant de sa personne un être que l’on ne peut toucher, presque dangereux à approcher.

A mesure que les pages défilent et que l’originale palette de protagonistes se dévoile, la profondeur du titre se met à nue, le récit surprend. Notamment avec cette étonnante séquence de mollusque qui n’était point attendue : un moment particulièrement intense et lors duquel toute la gravité de la situation submerge. Derrière ses allures proprement sobres, « L’Ere des Cristaux » ne s’affranchit en rien de confronter tant ses protagonistes que ses lecteurs aux moments les plus difficiles, les plus craints.

La prestation se veut portée par un dessin fin et racé, sobre et évocateur, maîtrisé et unique. Avec l’élégance la plus impérieuse, la légèreté du trait retranscrit la profondeur des faits au meilleur qu’il n’aurait pu être possible. Au commencement, il est fort probable que le lecteur soit sceptique au style graphique avant que celui-ci ne lui apparaisse bientôt comme  indispensable, inéluctable. Aussi, quelques planches lors des dernières doubles pages sont à tomber à la renverse tant leur esthétisme poussé laissera pantois.

Certaines choses pourraient être reprochées, comme à quelques endroits la juste répartition des textes dans les cases – laquelle nuira à de rares occasions à la fluidité de la narration – ou encore la quête scientifique dévolue à Phos et présentée d’une manière trop naïve, mais tout cela s’estompera pour disparaître au bout de la centaine de pages. Encore, la personnalité très adolescente, voire vulgaire et disgracieuse, de Phos pourra molester un brin.

Avec quelques autres, « L’Ere des cristaux » se veut quelque chose d’audacieux dans le catalogue de l’éditeur. Qu’en est-il donc de l’édition ?  Hum… autant le dire tout de suite, c’est loin d’être folichon même si cela est plutôt agréable, mais sans plus. Papier moyen. Encrage correct. Lettrage bon. Traduction très bien. Quelques pages couleur. Numéro de page en bas de feuille. La couverture possède un effet de surbrillance en cohérence avec le parti minéral de l’œuvre. Concrètement, il aurait amplement été mérité davantage.

Afin de saisir au mieux toute la portée de cette fable, il conviendra de commencer la lecture sans a priori aucun, sans rien attendre de particulier. Laissez-vous emporter en confiance ; ne serait-ce que parce que le deuxième tome est encore meilleur et que le troisième s’annonce davantage insolent. Entre lignes épurées et alcôves singulières, le prologue de « L’Ere des Cristaux » se présente d’ores-et-déjà comme la chose qui requière l’intérêt le plus haut. Délicat.


Critique 2


Par moment, dans votre vie de lecteur de manga, il peut vous arriver de tomber sur une série en librairie, dont vous n'avez pas beaucoup entendu parler, dont l'auteur vous est inconnu, mais qui vous attire l’œil. L'ère des cristaux fait partie de ces mangas qui se révèlent étonnamment stylisés et originaux, mais dont on parle trop peu.

Le principal intérêt du manga, dès le tome 1, repose en deux points : d'une part, l'univers créé par l'autrice est totalement original, jamais vu. Le fait que l'univers de la série repose sur une Terre dépouillée de son humanité, uniquement verte, avec seulement quelques êtres vivants, et devant faire face à des menaces ponctuelles, nous offre un dépaysement total et inédit. Les 28 héros de la race des « gemmes » ont tous un caractère bien spécifique (en tout cas, pour ceux qui nous sont présentés dans ce premier volume), et promettent de parfaitement s'intégrer à cet univers. Ceci est d'autant plus vrai qu'ils seront visiblement amenés à affronter régulièrement des ennemis, les séléniens. Faire face à une menace permet à l'autrice d'amener une portée dramatique à son manga, et comme les personnages, à plus forte raison le héros Phos, sont dotés d'une grande sensibilité (notamment dans leurs liens sociaux), ceci sera d'autant plus efficace. En effet, ce qui frappe immédiatement dans L'ère des cristaux, c'est que chaque personnage a un rôle important pour la communauté, et que le héros est très complexé vis-à-vis de cela car il est faible et maladroit. En plus d'une œuvre esthétique, le manga explore la thématique de la place dans un groupe, à travers une micro-société.

D'autre part, cet univers est fantaisiste, tant dans son fonctionnement que son aspect visuel. Les personnages étant composés de cristaux, la mangaka n'hésite pas à beaucoup jouer avec les trames pour donner un effet scintillant aux planches. À cela on ajoute un formidable jeu le découpage des actions, la composition des planches, et le noir et blanc, et nous obtenons un manga complètement esthétique.

En bref, tout ces qualités sont présentes et très claires dans ce tome 1. Pour son contenu intrinsèque, on peut d'ores et déjà s'attacher au personnage de Phos, en quête d'une utilité malgré son manque d'aptitude au combat. On peut aussi apprécier le début de sentiment qu'il ressent pour Cinabre. Malgré des caractéristiques différentes et une meilleure aptitude au combat, ce dernier est affublé d'une sorte de malédiction qui l'oblige à se mettre à l'écart. Phos se retrouve certainement en lui, et est touché par sa condition. En quelques pages à peine, à travers un excellent découpage, tout ceci captive le lecteur.

Dès ce premier tome donc, L'ère des cristaux s'avère être un manga plein de promesses, stylisé, ambitieux et pourtant fluide. C'est un manga original, qui se montre puissant à tous les aspects. Si vous aimez l'heroic fantasy, les mangas élaborés dans leur découpage, ou même si vous êtes plutôt amateurs de mangas alternatifs, L'ère des cristaux est un manga pour vous. Pour les autres, nous vous conseillons tout simplement de tenter l'aventure aussi, car ce tome 1 nous montre un manga plein de promesses et de qualité.

Bien que la papier de Glénat soit fin, la prise en main du manga est agréable. L'effet brillant sur la jaquette est réussi et la traduction fait son office.


Critique 1

Démarrée au Japon en octobre 2012, L'ère des cristaux est la première série longue de Haruko Ichikawa, une jeune auteure de 35 ans ayant entamé sa carrière en 2006. Après avoir développé sur des récits courts un style graphique assez unique, elle connaît la consécration avec cette série qui fut classée 10ème au Kono Manga ga Sugoi 2014 et fut nominée dans pour le Prix Manga Taisho de 2015. Et pour cause : l'auteur y présente un univers tout à fait à part.

Cet univers, il nous plonge à une époque qui n'est pas clairement déterminée, mais que l'on pourrait assimiler à un très lointain futur. L'humanité a disparu, et de ses cendres sont nées une nouvelle forme d'évolution : les Gemmes, des êtres vivants minéraux qui vivent en toute petite communauté. Ils ne sont que 28, et se sont partagés les tâches : artisans, sentinelles, combattants, médecins... chacun a une ou deux spécialités permettant une complémentarité. Et du fait de leur nature minérale, ils se nourrissent de lumière, et ne peuvent mourir. Même s'ils sont brisés en morceaux, ils se régénèrent. Quant à savoir ce qu'ils font là... ils l'ignorent en bonne partie, mais savent qu'ils doivent constamment combattre les Séléniens, peuple lunaire souhaitant faire d'eux leurs parures.

Phos est l'un de ces êtres minéraux, mais il est considéré comme le plus faible de tous. Fait de cristal, sa dureté n'est que de 3,5, et le moindre impact ou poids sur son corps est susceptible de le briser. De ce fait, il ne peut participer à aucune activité de la vie communautaire. Il est inutile, et certains de ses compagnons le lui font bien comprendre. Jusqu'au jour où le Maître Vajra trouve une tâche à lui confier : écrire une histoire naturelle de leur peuple. Quand les autres combattent ou aident la communauté à prospérer, lui se fait l'observateur de ses pairs et du monde environnant... Et c'est à ses côtés que nous découvrons peu à peu ce petit monde, au gré de chapitres s'apparentant essentiellement à de la tranche de vie. Au gré des observations de Phos, nous prenons connaissance du fonctionnement de la communauté, et de ses habitants. Certaines figures se détachent un peu plus comme Cinabre, Bort ou Diam, et celles-ci laissent déjà entrevoir des tourments et interrogations des personnages sur leur propre nature. Pourquoi ne peuvent-ils pas mourir, même s'ils le désiraient ? Pourquoi le pauvre Cinabre, de nature un peu différente des autres, est-il voué à ne vivre que la nuit tandis que tous ses congénères sont plus faibles quand le jour n'est plus là ? Pourquoi Diam, bien qu'elle apprécie beaucoup Bort, ressent-elle parfois une certaine jalousie à son égard ? Mine de rien, la condition de ces êtres s'immisce doucement au fil des pages, et certains aspects de cette condition ont quelque chose de très humain.

Humains, pourtant, ils ne sont pas (ou ne sont plus ?). De par leurs facultés, bien sûr, mais aussi de par leur physique. Ceux-ci ont globalement silhouette humaine, mais sont beaucoup plus fins, beaucoup plus élancés, et leur chevelure fait parfois écho à l'être minéral dont ils sont inspirés. Car l'auteure, évidemment, puise une partie de son inspiration dans des minéraux existant vraiment, et pousse la chose assez loin en reprenant certaines de leurs caractéristiques : la fragilité du cristal, la dureté des différentes sortes de diamant...

Et du fait des corps très fins et élancés de ces êtres, la mangaka peut se permettre de laisser s'exprimer sa créativité artistique. Celle-ci ne s'arrête d'ailleurs pas au physique de ses héros. Ichikawa s'adonne régulièrement à un gros travail de mise en scène, notamment quand il s'agit de faire ressortir les visages de ses personnages sur des cases à la fois longues et rapprochées, ou de mettre en avant un aspect assez hors du temps et solitaire via des fonds régulièrement absents, simplement dominés de blanc ou d'aplats de noir. L'ensemble se veut très artistique, y compris lors des quelques attaques des Séléniens qui privilégient totalement l'esthétisme sur le dynamisme, ainsi lors de ces passages les formes indescriptibles s'enchaînent dans d'immenses jeux sur l'encrage, et on en prend plein les yeux... à défaut de comprendre quoi que ce soit à ces scènes de combat souvent difficiles à lire.
Et c'est bien là le principal élément qui pourrait rebuter à la lecture : à force de privilégier constamment l'esthétisme (tout aussi beau soit-il à de nombreux moments), l'auteure en oublie souvent la lisibilité de l'action et la fluidité dans la narration.

Mais dans tous les cas, L'ère des cristaux s'annonce comme une expérience unique en son genre. Visuellement, Haruko Ichikawa délivre un travail très stylisé et esthétique, auquel tout le monde n'accrochera pas, mais qui vaut clairement le coup qu'on y jette un oeil. Quant au récit, hybride, il mêle de façon assez fascinante SF, tranche de vie, psychologie des personnages, action autour des combats contre les Séléniens... mais ne fait pour l'instant que balbutier son éventuel scénario (va-t-on se centrer sur le parcours de Phos ? Sur les combats contre les Séléniens ? Sur la découverte des origines de ce monde ? Sur tout ça à la fois ? Impossible de le dire pour l'instant).
A Essayer !

Côté édition, on est dans les standards actuels de Glénat : un papier un peu trop fin, mais souple, pour une qualité d'impression ni excellente ni mauvaise. La traduction tient la route, et il faut saluer l'effort fait sur la couverture, dotée d'effets brillants tels des cristaux.

Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

16 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Raimaru

18 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs