Interview de Kenshirô Sakamoto (Buster Keel!, Fairy Tail: Happy no Daibôken)

Parmi les mangakas présents au dernier FIBD d’Angoulême, il y avait Kenshirô Sakamoto, auteur que l’on a découvert en France il y a quelques années aux éditions Kana avec le shônen d’aventure Buster Keel!. Nous avons pu rencontrer l’artiste, pour évoquer avec lui sa série-phare, ses influences, ou encore son travail actuel sur Happy no Daibôken, un spin-off de Fairy Tail centré sur le personnage de Happy.
  
  

Au tout départ, qu'est-ce qui a forgé en vous un désir de devenir mangaka ? Des œuvres ou auteurs en particulier ont-ils marqué ce choix dès votre enfance ?

Kenshirô Sakamoto : A l’origine, j’aimais déjà beaucoup dessiner quand j’étais tout petit, et tout naturellement j’en suis venu à me demander comment je pourrais en faire mon travail. Je me suis alors dit que se diriger vers le manga serait sûrement la bonne solution.


Quel parcours avez-vous alors suivi pour devenir mangaka ?

J’ai commencé, quand j’étais au collège-lycée, par reproduire des planches de mangas déjà existants afin de m’améliorer au dessins. Puis après avoir terminé le lycée, j’ai intégré la Human Academy, une école de manga au Japon, afin de bien intégrer les techniques spécifiques au manga, à sa structure, etc. Après être sorti diplômé de cette école, j’ai participé à un concours dans un magazine, que j’ai gagné assez rapidement. A la suite de ce concours, avant de pouvoir travailler sur mes propres séries, j’ai travaillé comme assistant sur plusieurs mangas d’auteurs différents. Je n’ai jamais été assistant régulier pour un auteur, je faisais une journée ou deux à droite à gauche et ai donc participé à divers projets. Entre autres, j’ai pu travailler comme assistant de Hiro Mashima, mais juste deux jours.
  
  

En France on vous connaît surtout pour Buster Keel. Comment avez-vous imaginé l'univers de cette série, avec ses chasses aux monstres, le caractère de son héros Keel, le fait que ses condisciples l'apprécient peu, qu'ils soit lui-même secrètement un monstre dragon-singe ?

Je suis assez friand, depuis tout petit, de jeux vidéo de type RPG, et j’avais vraiment envie d’utiliser des éléments de ces jeux-là pour les intégrer dans mes mangas. Les monstres, l’aventures, les quêtes en équipe…


Du coup, avez-vous exemples de RPG qui vous ont influencé pour le design, l’histoire…

Il s’agit des classiques, comme Dragon Quest et Final Fantasy.
  
  

Le personnage de Lavie est assez original : c'est une icône du rock qui combat les monstres en jouant des morceaux qui amplifient les capacités de Mippy, son monstre de compagnie. Comment vous est venue cette idée ?

A l’origine, le personnage de Lavie n’avait pas de guitare. Au départ je l’avais créée avec un bâton de mage typique des RPG. Mais je trouvais que ce n’était pas suffisant, que ça manquait d’un petit quelque chose. Or, à cette époque, et toujours maintenant d’ailleurs, j’écoutais beaucoup Avril Lavigne, et je me suis alors dit que ce serait une bonne idée d’affubler Lavie d’une guitare. Je me suis même un petit peu inspiré de l’apparence d’Avril Lavigne pour le character design de mon personnage.


Du coup, pour le character design des autres personnages, vous est-il arrivé de vous inspirer d’autres personnalités ?

A part Lavie, il n’y a pas d’autre personnage spécifiquement inspiré d’une personnalité réelle. En revanche, comme j’aime beaucoup la musique rock de manière générale, je donne toujours à mes personnages quelques éléments de ce genre musical dans leur design. Par exemple, je me suis inspiré des colliers de Sid Vicious des Sex Pistols.
  
  

Comment avez-vous imaginé et travaillé le design des monstres, hormis en piochant vos influences dans les RPG ?

L’influence principale est Akira Toriyama, notamment son travail sur Dragon Quest où il a conçu des créatures extrêmement originales.


Votre style sur Buster Keel faisait déjà penser à celui d'un grand nom, Hiro Mashima, dont vous avez donc été brièvement l’assistant. Et depuis l'année dernière vous dessinez au Japon un spin-off de Fairy Tail, Fairy Tail: Happy no Daiboken... Que représente pour vous Hiro Mashima ?

J’ai d’abord beaucoup aimé le premier manga de Hiro Mashima, Rave, qui est une œuvre très importante pour moi. Puis lorsque j’ai commencé à travailler avec mon éditeur, il s’est avéré qu’en effet mon style naturel de dessin correspondait un peu au même type d’univers que les siens. Il y avait des petits points communs, si bien que mon éditeur m’a dit de continuer dans cette voie-là, que je pouvais trouver mon style dans le même genre d’univers. Ca a été une vraie influence. Ensuite, ce n’est vraiment que mon point de vue, mais pour moi Hiro Mashima c’est comme si c’était mon maître.
  
  

D'ailleurs, pouvez-vous nous parler un peu de Fairy Tail: Happy no Daiboken ? Comment êtes-vous arrivé sur ce projet ?

Le projet de faire un spin-off de Fairy Tail était déjà sur la table, et deux grands éléments parmi d’autres ont décidé mon éditeur à me le confier : tout d’abord, comme déjà dit, mon style est cohérent avec l’univers de Fairy Tail, et ensuite il y a eu le fait que j’avais déjà travaillé avec Hiro Mashima, même si ce n’était que le temps de deux journées.


Qu'espérez-vous apporter à la saga Fairy Tail avec ce spin-off ?

Hiro Mashima m’a dit que j’étais vraiment libre de faire ce que je voulais, que c’était à moi de le créer. J’ai donc évidemment gardé le personnage central de Happy, et mon but est de vraiment le mettre en avant le plus possible, en essayant de le rendre attrayant et cool. Et tout ce qui se construit autour de Happy, c’est vraiment ma propre invention, mon univers, mes créations.
  
  

Quel rôle Hiro Mashima a-t-il dessus ?

Hormis pour Happy dont il est le créateur d’origine, c’est moi qui crée les autres personnages, l’histoire et tout ce qui se déroule. Hiro Mashima se contente de valider chaque chapitre en y jetant un œil, puis ça part en production.


Vous est-il déjà arrivé que Hiro Mashima vous reprenne sur certaines choses ?

Il n’a jamais refusé d’idées de scénario ou quoi que ce soit d’autre, mais ça peut lui arrive de me donner un détail ou une indication en plus. Par exemple, des choses du style « ça serait bien que ce personnage-là soit comme ça afin d’être mieux », « tu pourrais faire ça à ce moment de l’histoire pour qu’elle soit encore plus attrayante »… Mais il n’y a jamais eu de refus sur quelque chose en particulier.
  
  

Au fil de votre carrière, vous vous êtes surtout spécialisé dans le shônen d'aventure orienté fantasy. D'où vient votre goût pour ce type de récit, en plus des influences RPG ?

Les mondes de fantasy, ça permet d’être assez libre. Si on place un manga dans un contexte réaliste contemporain on a forcément des limites, que ce soit sur le plan culturel, au niveau des décors et autres visuels… Alors qu’en fantasy, on peut créer ce dont on a envie sans réelle limite. Pour moi c’est très intéressant.


Aimeriez-vous, un jour, vous essayer à d'autres types d'histoire ou de genre ?

Là, pour l’instant je suis vraiment concentré sur Happy no Daibôken, et n’ai vraiment pas le temps de penser à ce que je ferai plus tard.


Interview réalisée par Koiwai et Takato. Remerciements à Kenshirô Sakamoto, à l’interprète Olivier Voglimacci d’Human Academy Europe, et à Stéphanie Nunez des éditions Kana pour la mise en place de cette rencontre.