Japan Expo 2008 - Rencontre avec RENO

C'est dans le petit espace privé du stand Pika, alors que se tenait un concert de J-pop pas très loin, qu'eut lieu mon entretien avec Reno Lemaire, précurseur du "manga à la française" avec sa série Dreamland, parue aux éditions Pika.

Manga-news: En premier lieu, peux-tu nous parler de ton parcours? Comment es-tu devenu dessinateur et pourquoi?


Reno Lemaire: Je dessine depuis que je suis tout petit. A l'âge de sept ans, je savais déjà que je voulais exercer le métier de dessinateur de bandes-dessinées. Ecolier, j'aimais croquer un personnage sur une simple feuille de papier et lui inventer des amis, un passé, un futur: j'étais le gars de la classe qui dessinait bien, comme beaucoup d'autres... J'ai suivi un cursus "normal", qui n'est pas en rapport avec le métier que j'exerce aujourd'hui. C'est après l'obtention de mon Baccalauréat STT que j'ai atterri à la Fac d'Histoire de l'art (j'avais été à l'époque refusé dans toutes les écoles d'arts plastiques que j'avais démarchées). Là un professeur m'a conseillé de monter un premier projet professionnel pour le présenter aux éditeurs... Mais ce fut un échec. Quelques temps plus tard, j'ai retenté l'aventure en envoyant un mail à certaines maisons d'édition pour leur faire découvrir un synopsis de Dreamland. C'est l'offre de Pika qui fut la plus intéressante, c'est donc avec eux que je travaille aujourd'hui...


Aujourd'hui, beaucoup parlent de Global manga pour définir le travail des auteurs français qui s'inspirent du manga. En tant que précurseur du genre, que penses-tu de ce terme et quels sont selon toi les atouts du Global manga?


N'aimant pas trop les étiquettes, je ne me sens pas plus que ça associé au courant du Global Manga. Je me considère avant tout comme un auteur, un conteur. Je trouve ce courant tout à fait légitime, étant donné que la plupart des auteurs français de Global manga ont entre 20 et 30 ans et sont donc issus de la génération du Club Dorothée. J'espère que ce courant ne se développera pas trop vite, car j'ai peur qu'il se transforme en une sorte "d'effet de mode". Il ne faut pas que les jeunes dessinateurs souhaitent réaliser un manga "histoire de faire du manga": tout projet doit être réfléchi et de qualité.
L'atout intéressant du global manga pour les auteurs français est sans aucun doute le format. En effet faire du global manga permet de dessiner une histoire sur 200 pages, ce qui donne une liberté narrative extraordinaire!

Quelles sont tes principales influences pour Dreamland?

Le manga qui m'influence le plus est la série One Piece, dans laquelle Oda opère un savant mélange d'action et d'humour déjanté. Globalement, je m'inspire de presque tout: bandes dessinées franco-belges, comics et manga bien sûr! Pour la gestion de mes personnages, j'ai également des références issues de certaines séries TV: les Simpsons, South Park, Friends...

Quelle contrainte scénaristique t'imposes-tu en priorité lorsque tu réalises un volume de Dreamland?

Mon but premier, c'est de surprendre constamment mon lecteur. Ce dernier ne doit surtout pas avoir une idée ce qu'il va se passer au prochain volume. J'aime également créer des cliffhanger à chaque fin de tome, histoire de rendre l'attente entre chaque volume insoutenable! (rires)



On peut classer Dreamland dans la catégorie shonen. Quels sont les codes de ce style que tu apprécies plus particulièrement?

Pour l'instant, on peut effectivement assimiler Dreamland à du shonen. Mais je peux néanmoins vous dire qu'une fois la série terminée, il sera difficile de classer ma série dans tel ou tel genre!
Sinon, pour répondre à ta question, mon code du shonen préféré reste celui du looser, peu sûr de lui, qui apprend à se surpasser et surmonter ses peurs. On peut classer Terrance (personnage de Dreamland, ndlr) dans cette catégorie.

Ta précédente réponse me laisse suggérer que tu as déjà imaginé le scénario de Dreamland de A à Z... Sur combien de tomes comptes-tu étaler ta série?

Effectivement, je sais comment Dreamland va se conclure. Mais pour le cheminement, je fonctionne en partie à l'improvisation. J'ai bien évidemment imaginé les grands axes scénaristiques de ma série, mais j'aime à faire évoluer mon histoire selon mes inspirations du moment. Travailler de cette manière me donne de la motivation à l'ouvrage, et me permet surtout de ne pas éprouver de lassitude...
J'ai imaginé un univers très large pour Dreamland, donc j'espère dépasser au moins les dix volumes, sans atteindre non plus les 60 volumes! A part ça je n'ai pas une idée précise sur ce sujet... Tout dépend de mon envie, de ma motivation, mais aussi des différents projets qui me seront proposés par la suite.


Quand allons-nous pouvoir découvrir le prochain volume de Dreamland?

Il faut savoir que depuis quelques temps, j'ai monté un studio. Nous sommes donc trois personnes aujourd'hui à travailler sur Dreamland. Nous ne pourrons jamais atteindre la rapidité de parution de la plupart des séries nippones bien-sûr... Notre but est de trouver un rythme de parution régulier. On espère ainsi réaliser un volume de Dreamland en quatre mois. Le volume 6 sera probablement fini fin septembre, et sortira en volume relié deux à trois mois plus tard par Pika, soit en Novembre ou en Décembre.

Merci beaucoup pour cette interview!


Entretien réalisé par shinob.