Interview - Kazé Manga

C'est juste avant Japan Expo que nous avons eu la chance de rencontrer Raphaël Pennes, directeur éditorial des éditions Kazé Manga, qui a accepté avec le sourire de répondre à nos questions, revenant ainsi sur les orientations de Kazé Manga depuis 2010, sur les objectifs de l'éditeur, et sur sa vision du marché. Compte-rendu.



Manga-News: Shueisha a déclaré il y a peu que Kazé Manga aura désormais la priorité sur son catalogue. Concrètement, qu'est-ce que ça va changer pour Kazé Manga ?
Raphaël Pennes : Ca va changer pas mal de choses, bien sûr. Depuis notre rachat, nous avons travaillé de manière quotidienne avec Shueisha en cherchant à créer avec eux un lien très fort, allant au-delà de notre partenariat. Nous avons également voulu leur prouver que nous étions capables de créer des éditions aussi bonnes que celles de leurs partenaires historiques.
Au départ, nous avons commencé avec des catalogues et magazines moins célèbres de Shueisha, comme celui du magazine Jump Square où l'on trouve par exemple Embalming, ou encore Blue Exorcist qui, à l'époque, n'était pas encore très connu. Par la suite, nous avons eu accès au Shônen Jump via des titres d'auteurs encore inconnus en France, tels Beelzebub ou Toriko. Et après deux ans de « probation », nous voici à ce niveau, Shueisha ayant décidé de nous donner dorénavant la première option sur tous les titres de leur catalogue.
A présent, nous pourrons donc demander en priorité n'importe quel titre de n'importe quel auteur chez Shueisha. Dans l'immédiat, il n'y a pas un « territoire vierge » dans lequel nous pouvons aller piocher tout un tas de titres, mais on peut imaginer qu'un auteur très connu commence une nouvelle série qui pourra alors finir dans notre catalogue. Ca va nous permettre plus de liberté dans nos choix, ce qui sera forcément positif pour Kazé Manga.



On imagine que cela va aider Kazé Manga à atteindre son objectif, à savoir devenir le troisième éditeur du marché dans les cinq prochaines années...
Oui, et les éditions Shueisha font tout pour aller dans ce sens. Comme vous vous en doutez, ils n'ont pas investi le marché français dans le but de rester un éditeur mineur. Je pense que ça va nous aider à devenir un éditeur majeur, mais pour rester objectif, ça dépendra également des nouvelles créations au Japon : actuellement, nous sommes toujours en attente d'un succès aussi fort que Naruto ou One Piece, et durant cette attente il faut continuer de vivoter en recherchant les éventuels succès. Cette attente d'un nouveau blockbuster, c'est un peu l'attente de tous les éditeurs japonais actuellement. Actuellement nous éditons déjà des titres qui rencontrent le succès au Japon, mais ce ne sont pas des succès aussi forts que One Piece ou Naruto.


En contrepartie, cette relation désormais totalement privilégiée avec Shueisha va-t-elle handicaper Kazé Manga pour l'achat de licences d'autres éditeurs japonais ?
Oui, c'est une évidence, et ça a déjà commencé depuis quelques mois. Désormais, nous avons accès beaucoup plus difficilement aux gros titres des éditeurs japonais concurrents de nos maisons-mères. Et puis il existe déjà d'autres partenariats franco-japonais très forts, comme Pika avec Kôdansha ou Ki-oon et Kurokawa avec Square Enix.
Cela se comprend : les éditeurs japonais concurrents de nos maisons-mères n'ont pas forcément envie de confier leurs titres à la filiale française de leur concurrent, car il y a toujours le risque que nous nous occupions moins bien de leurs titres que de ceux de nos maisons-mères.
Parfois, nous arrivons encore à avoir des titres, car il est plus logique de les voir dans notre catalogue. C'est le cas de Tiger & Bunny : nous avons pu obtenir le manga, car Kazé a déjà l'anime.
A côté, il y a des titres que nous avons essayé d'obtenir sans succès, comme Resident Evil – Marhawa Desire, pourtant publié au Japon par Akita Shoten, dont nous étions peut-être jusque là le plus gros représentant en France en nombre de titres, mais dont nous n'avions pas des grands succès comme Saint Seiya - The Lost Canvas.
Si l'on souhaite obtenir des gros titres d'autres éditeurs, le fait d'appartenir à Shueisha peut donc être  handicapant, et je pense qu'en toute logique, ça ne s'arrangera pas.



On peut voir que le marché du manga se réorganise petit à petit, qu'il arrive à maturité ou à saturation selon les points de vue. Au jour d'aujourd'hui, quel est votre état des lieux ? Comment voyez-vous l'avenir proche du marché ?
Déjà, je ne pense pas que l'on puisse envisager le marché comme quelque chose de figé. C'est quelque chose de très fluctuant, qui bouge sans cesse selon beaucoup de facteurs. Parmi ces facteurs, je reviens sur le fait qu'il n'y ait pas eu de véritable nouveau gros hit au Japon depuis quelques années, et cet état de fait se répercute directement sur le marché français qui, comme le japonais, connaît un net recul. Il suffit de voir qu'au Japon il y a eu un recul du marché ces dernières années pour en voir les conséquences aujourd'hui en France. Nous avons les mêmes problématiques de renouvellement qu'au Japon : si une série-phare se termine, il faut lui trouver un remplaçant.
Le marché pourrait continuer de se recentrer sur les quelques gros hits comme Bleach, One Piece ou Naruto, au détriment des autres séries qui auront une moyenne de vente décroissante. Ce qui sera déterminant, ce sera l'inventivité des éditeurs, et leur capacité à trouver des solutions pour dynamiser le marché. Aujourd'hui, on peut voir que des éditeurs historiques comme Glénat ou Kana sont plutôt dans cette problématique : comment se renouveler ? Comment trouver les moyens d'installer des séries à fort potentiel sur un marché difficile ? C'est moins le cas pour les éditions Pika, grâce à leur lien avec Kôdansha et, récemment, à leur lien avec Disney qui est pour moi un coup de maître. Et à côté de ces éditeurs historiquement importants, on voit finalement la dynamique arriver via les petits éditeurs, qui savent intelligemment marketer leurs produits et installer des auteurs peu connus sur le marché.
Bref, je pense que ces prochaines années nous allons continuer d'avoir les mêmes problématiques qu'au Japon. Sans oublier qu'il faut prendre en compte la mutation du public : une nouvelle ère semble s'ouvrir petit à petit, et sortir aujourd'hui une série d'un auteur qui avait du succès il y a 15 ans n'est pas une garantie de succès. Les envies des nouveaux lecteurs ne sont pas forcément celles d'il y a 15 ans, et des éditeurs comme Ki-oon ont su en profiter intelligemment pour émerger.


Conséquence de la saturation du marché, certains éditeurs, comme Akata, ont choisi de ralentir le rythme de parution de leurs séries, de sortir moins de volumes par mois. Quelle est la position de Kazé Manga sur ce point ?
Déjà, il faut prendre en compte une grosse différence entre un éditeur comme Akata et Kazé Manga. Akata est soutenu par Delcourt, éditeur de BD, tandis que derrière Kazé Manga il n'y a rien d'autre: nous ne faisons que du manga, nous ne vivons que de ça, donc nous ne pouvons pas envisager de baisser notre nombre de sorties, bien au contraire.
Je ne suis pas certain que les éditeurs ne vivant que du manga soient ceux qui ont baissé leur nombre de publications, et je pense que ce choix est lié à un facteur très simple : beaucoup d'éditeur de BD sont venus sur le marché du manga, par opportunité ou pour répondre à une demande du public. Aujourd'hui le marché est bien plus difficile, donc les premiers à réduire un peu leur rythme sont ces éditeurs.
Après, il y a d'autres cas comme Pika, qui a aussi légèrement baissé sa production et a même arrêté des séries non rentables dernièrement, alors qu'il s'agit d'un éditeur de manga exclusivement. Mais derrière, il y a un grand groupe, Hachette, la recherche de rentabilité qui va avec, et donc une volonté de se concentrer surtout sur des séries porteuses comme Fairy Tail, les mangas estampillés Disney... Et maintenant qu'ils se consolident à leur bonne place au niveau des ventes, ils vont sûrement chercher à progresser encore. Leur cas est donc différent, et après une baisse leur ayant permis de se recentrer sur des séries vendeuses, je ne serais pas étonné de voir leur production augmenter un peu en 2013.
Quant aux autres, ils sont tout de même en lente mais perpétuelle augmentation. C'est par exemple le cas de Ki-oon, qui lance désormais quasiment un nouveau titre par mois.
Et dans le futur, je ne pense pas que ça va baisser considérablement, tout comme je ne pense pas que ça augmentera de manière drastique. Ca dépendra des éditeurs, mais pour l'heure, nous ne sommes pas dans une baisse significative du marché.
Après, savoir si le marché est saturé ou non est une question qui sera vue de manière différente selon les éditeurs, et je pense surtout que chacun essaie avant tout de maintenir sa part de marché. Et quoi qu'il en soit, le marché se trie avant tout selon les envies du lecteur, et le challenge est de donner envie à celui-ci de consommer nos produits plus que ceux d'un autre.



Vous parlez de Pika qui a choisi comme solution de stopper la parution de certaines séries. Est-ce une solution qui a déjà été envisagée par Kazé Manga ?
Je me suis toujours battu pour que ça n'arrive pas, mais au bout d'un moment il faut être raisonnable. Si on vend un livre à même pas 500 exemplaires, ce n'est pas cohérent de l'éditer. Je ne dis pas ça de manière déshumanisée, car c'est sûr que ça décevrait les 500 personnes qui lisent la série, mais le problème est que 500 personnes, ce n'est pas suffisant pour justifier le maintien d'une série.
C'est un véritable problème, que nous ne vivons pas sur beaucoup de titres, mais que l'on vit quand même difficilement sur certains, et il n'est donc pas impossible qu'à l'avenir certains de ces titres difficiles soient ralentis de manière drastique, voire stoppés. Personnellement, les deux solutions me semblent mauvaise, mais à choisir, je préfère l'arrêt net de la série, parce que je trouverais plus hypocrite qu'autre chose de sortir un tome de la série par an ou tous les deux ans. Et puis de toute façon, pour une série longue qui ne marche pas du tout, on sait très bien qu'il faudra la stopper un jour ou l'autre, parce que si l'on est parti dans ces conditions pour dix ans de publication...


La politique de volumes double ou triple tentée par Kana ou plus récemment par Panini ne pourrait-elle pas apporter une solution ?
A première vue, ça n'a pas marché chez les éditeurs qui ont testé les volumes double. Ce n'est pas plus rentable : la traduction reste celle de deux livres, l'impression coûte elle aussi quasiment le prix de deux livres (il y a juste une partie en moins pour la couverture)... le coût reste donc à peu près le même, et ce n'est pas parce qu'on fait des tomes double qu'on en vendra deux fois plus.
Bref, au bout d'un moment, malgré toute la bonne volonté d'un éditeur, au bout d'un moment il peut ne plus y avoir de solution; il y a quelques années, l'arrêt de Karakuri Circus chez Akata m'a semblé très logique, et il n'est pas exclu que certaines séries de notre catalogue subissent malheureusement le même sort dans un avenir proche.
Une série longue qui a 500 lecteurs est simplement impossible à maintenir, et malheureusement, pour un titre comme Moonlight Act, on parle de moins de 500 lecteurs... Quant on est à quelques tomes de la fin de la série, on n'arrêtera jamais, car ce serait vraiment se moquer des lecteurs, et c'est bien dans ce cadre que nous irons au bout de séries comme Freesia ou Shi Ki, qui n'ont pas forcément trouvé un public suffisamment important. Dans le cas de Moonlight Act, encore en cours au Japon avec une vingtaine de tomes, la situation est beaucoup plus délicate.



Il y a quelques mois, le gouvernement annonçait une hausse de la TVA qui a enclenché une augmentation du prix du livre. Le nouveau gouvernement envisageant de rebaisser cette TVA,  pourrait-il y avoir une conséquence sur les prix ?
C'est une grosse équation qu'il faudra réfléchir, mais pour être franc, lors de la précédente hausse de la TVA, la première réaction des lecteurs a été de trouver que les éditeurs abusaient. Ce n'est pas si simple : on n'avait pas le choix, déjà parce qu'il y a eu beaucoup de pressions de la part des distributeurs par rapport à cette mesure, mais aussi parce que les libraires souffrent, que beaucoup de librairies ferment, que c'est un secteur de l'économie qui est relativement abîmé. Dès lors, réduire leur part ne serait-ce que d'1% n'est pas souhaité, que ce soit par les libraires eux-mêmes, par le syndicat du livre ou par la distribution. Et dans la foulée, ça a permis à certains éditeurs dont les prix étaient encore assez bas de s'aligner pour pouvoir souffler un peu plus économiquement parlant. Dans notre cas, nous étions encore assez bas, puisque nous étions à 6,50€, comme Kurokawa par exemple, alors que la majorité du marché était presque à 7€.
Et maintenant, serait-il judicieux de revenir en arrière ? Personne ne le sait. Il y a eu les annonces un peu « coup de poing » du gouvernement, mais pour l'instant il n'y a eu aucune communication, que ce soit du syndicat du livre, de la distribution ou des associations de libraires. On ne sait pas quand ni comment ça va se faire, et pour l'heure on est encore en train de digérer l'augmentation de la TVA, car on facture les nouveautés à 7%, mais les retours sont encore crédités à 5,5% donc ça fait des transactions financières extrêmement compliquées au niveau de la distribution, et les libraires n'ont pas encore forcément amorti les prix dans tous les domaines.
Quoi qu'il en soit, personnellement je pense que les prix resteront comme ça. Les différents acteurs, de l'éditeur au libraire, auront un peu plus de marge (et ils en ont besoin), et puis au niveau des ressources changer de nouveau tous les prix aurait un coût, notamment au niveau de l'étiquetage. Peut-être que les nouveaux livres auront un prix plus bas, mais les ouvrages qui ont connu l'augmentation resteront sans doute comme ça.


Il y a quelque temps, Kazé Manga s'est placé comme un opposant actif au scantrad, puis les choses semblent s'être un peu tassées. Quelle est l'actualité de ce côté-là ?
Actif, je ne sais pas, mais en tout cas, on a d'abord tenté de créer un dialogue avec les sites contrevenants, en envoyant des mails relativement formels. On n'a pas eu besoin de mener beaucoup d'actions juridiques, car de mémoire un seul site a reçu un recommandé. Donc on ne peut pas dire que l'on ait été très actifs, mais plutôt prévenants. On a surtout souhaiter informer.
La réalité, c'est que je trouve ça bien d'avoir dans nos livres un message remerciant le lecteur d'avoir acheté le livre, et ce message continuera d'être présent dans nos prochains ouvrages.
Après, le problème vient plus du fait que les gens faisant la démarche de s'informer sont peu nombreux et ne connaissent pas l'illégalité du scantrad. Tout le monde s'en fiche un peu, mais quoi qu'il en soit, nous continuerons d'avoir cette démarche d'information, même si la progression des gens est relativement lente.
Ce qu'il faut, c'est trouver des méthodologies permettant de faire comprendre le respect de nos droits, et s'il y a des gens qui exagèrent trop on verra comment réagir. Mais le problème, c'est que les sites les plus embêtants sont également les mieux organisés pour éviter les problèmes juridiques.
Quoi qu'il en soit, dans plus de 50% des cas, l'envoi d'un simple mail suffit pour faire retirer les contenus illégaux. Également, notre démarche sera peut-être amenée à évoluer si nous en arrivions à nous lancer plus profondément dans l'édition digitale, où, là, ça poserait plus de problèmes.



Puisque l'on parle de l'édition digitale, Pika a proposé cette année une partie de son catalogue en édition numérique. Du côté de Kazé Manga, quelle est la politique sur le numérique pour l'instant ?
Nous n'avons pas été les moins actifs puisque nous avons été dans les premiers à nous y mettre, en sortant par exemple Gate 7 dans ce format, mais nous préférons y aller de manière plus douce car nous nous rendons compte que le marché n'est pas encore tout à fait prêt, que le parc de tablettes n'est pas encore bien installé auprès de nos lecteurs. Puis il y a des problématiques contractuelles avec les ayant-droit japonais, et des problématiques de prix (ceux-ci étant trop hauts par rapport aux attentes du public). Mais ils 'agit évidemment de quelque chose qui va se développer de manière plus significative chez nous. Par exemple, notre filiale américaine a lancé le Shônen Jump Alpha sur le net, et ce n'est qu'une question de temps avant qu'on ne fasse la même chose.


Ces derniers mois, vous avez proposé de nombreuses éditions collector, sur Dengeki Daisy, Happy Marriage, Hatsukoi Limited, Mademoiselle se marie, et récemment sur Ikigami avec une figurine vendue avec le dernier tome. Ce choix a-t-il été payant ? Est-ce le genre d'initiative destinée à être renouvelée ?
Le succès a été fulgurant pour Dengeki Daisy et Happy Marriage, qui sont des séries déjà bien installées. Nous avions fait 2000 exemplaires, nous avons eu très peu de retours. Ca a été un peu plus difficile pour des séries lancées avec ces éditions collector, comme Hatsukoi Limited ou Mademoiselle se marie. Les ventes ont été correctes pour Mademoiselle se marie, mais ça a moins fonctionné pour Hatsukoi Limited. Le produit n'intéressait peut-être pas spécialement le public visé, à savoir les garçons.
Quant au collector d'Ikigami, il est issus d'une autre démarche : les autres collectors avec les cartes postales sont des créations 100% françaises et n'ont pas d'équivalent au Japon. Pour Ikigami, une telle édition collector est également sortie au Japon. Nous avons demandé aux Japonais de produire 2000 figurines de plus pour nous, nous avons fait la boîte en même temps qu'eux avec notre design, et les éditions japonaise et française ont donc été produites dans les mêmes conditions. Ici, il s'agissait surtout de finir en beauté la publication de la série en faisant plaisir aux lecteurs.

Si des opportunités du type de celle d'Ikigami se reproduisent au Japon, nous essaieront de les saisir. Et nous allons continuer de développer des petits produits pour la France, de préférence sur la fin d'année, et pour des séries qui marchent : dans l'immédiat, nous envisageons des petites éditions collector pour Blue Exorcist, de nouveau pour Happy Marriage qui va se terminer... Ca fait toujours plaisir aux fans.



Comme plusieurs éditeurs, vous vous placez sur le créneau du manga jeunesse, tout récemment encore avec Chopperman et Rock Lee. Pouvez-vous présenter ces deux titres ?
Ayant travaillé en tant que libraire à l'époque où le manga commençait à percer en France, nous sommes un peu dans la même dynamique qu'à l'époque : amener des lecteurs ne connaissant pas encore l'univers du manga à s'y intéresser.
Aujourd'hui, une partie du public a vieilli, et on s'en rend bien compte lors de Japan Expo : d'un côté il y a les anciens ou ceux sur le point de l'être, et de l'autre côté il y a un nouveau public de jeunes. Ces derniers n'ont pas vécu le départ ou l'entre-deux du manga, ils ne connaissent pas nécessairement les auteurs et les éditeurs et s'en fichent, il s'intéressent avant tout au contenu. Ils peuvent avoir adoré une série et ne pas s'intéresser le moins du monde à la série suivante du même auteur.
Je me suis dit que certaines séries orientées pour les 10/12 ans (ou moins) et passant à la télévision pourraient trouver un écho en manga auprès de ce même public. Si on arrive à faire rentrer ces jeunes dans le circuit du manga avec une série qu'ils connaissent à la télé, on peut les habituer à lire du manga, puis les suivre au fil des ans en sortant des œuvres destinées à chaque fois à leur âge. C'est un peu le même système qu'au Japon.
Dès que j'ai vu les nouveaux Beyblade arriver en France, je me suis rué sur le manga. Et aujourd'hui, c'est un carton, notre meilleure vente de l'année dernière. Nous avons donc évidemment envie de continuer dans cette voie en développant la collection Kids. Nous avons regardé ce que font nos maisons-mères, nous avons vu que Shueisha a lancé une version enfantine du Shônen Jump où paraissent Chopperman et Rock Lee, et nous les avons pris. Chopperman est une adaptation pour enfants de One piece, dessinée par le frère de l'auteur de Shaman King. Quant à Rock Lee, il s'agit d'une série plutôt humoristique qui a été adaptée en anime au Japon. Et d'autres séries arriveront plus tard.


Comment se profile la fin 2012 - début 2013 chez Kazé Manga ?
2012 a été une année assez particulière pour Kazé Manga. Nous n'avons pas été ultra productifs en grosses séries depuis le début de l'année, avons sorti des séries à moyen potentiel ou des titres d'auteurs déjà présents dans le catalogue, comme Cyber Blue ou le Chemin des Fleurs. Nous n'avons pas connu d'énorme lancement, hormis Kuroko's Basket parce que c'est une série qu'on adore.
Sur le deuxième semestre, on est dans une autre dynamique, on va s'appuyer sur des licences ou des auteurs connus. C'est dans ce cadre qu'a débarqué en ce mois de septembre Level E, série de Yoshihiro Togashi. Nous avons ensuite les titres issus de licences connues mais orientées pour les plus petits, comme Chopperman et Rock Lee, ou issues de licences dont nous avons l'anime, comme Tiger & Bunny.
2012 est une année importante car ça fait deux ans que Kazé Manga a été lancé. On a été très productifs en 2010 sur des séries intermédiaires, un peu plus productifs en 2011 sur des séries-phares de nos maisons-mères comme Beelzebub ou Toriko, et on a encore du travail à faire sur ces séries pour les installer à un niveau plus important. Dans cette optique, début 2012 on n'a pas voulu s'éparpiller sur de trop nombreux lancements. Et à présent, nous allons commencer à réinstaller d'autres séries fortes pour fin 2012 et 2013.
Ca ne nous empêchera pas de proposer d'autres titres un peu plus originaux, comme le Coeur de Thomas de Moto Hagio, très grande dame du shôjo injustement inédite chez nous. Cette oeuvre sera publiée dans le même format que Très Cher Frère à son époque, en un joli one-shot de 350/400 pages. C'est l'un des livres qui a été déterminant dans la naissance du boy's love au Japon, et comme nous sommes très productifs en boy's love via Asuka nous trouvions intéressant de le publier. Toujours dans cette politique d'auteur, nous sortons en ce mois de septembre Kyo-ichi, one-shot horrifique de près de 400 pages de l'auteur d'Ikigami. Le lecteur y trouvera aussi le pilote d'Ikigami, beaucoup plus violent que la série.
Nous aurons également quelques adaptations de jeux vidéo, avec Sengoku Basara et Devil May Cry 3.
       
   
 
 
Du côté de Kazé Allemagne, comment s'est passé le démarrage ?
Le démarrage est plutôt bon. Ils ont bénéficié de grosses licences de nos maisons-mères, notamment de Blue Exorcist qui a fait un démarrage fulgurant, Nura qui se porte plutôt bien, ou Akuma to Love Song qui trouve aussi son public. Seul Toriko semble moins marcher : la série connaît le même problème qu'en France, elle est assez particulière et est donc un peu difficile à installer.


Remerciements à Raphaël Pennes pour cet entretien.

MAJ du 23 octobre 2012 par Raphael Pennes:

Bonsoir, un petit message pour signaler que cette ITW a été réalisé en juillet et que nous sommes presque en novembre, les choses ont évolués positivement. Shogakukan et Kazé ont trouvé un compromis pour que Moonlight Act, bien que ralenti, soit maintenu par respect pour l'auteur et les lecteurs français. Aussi, le tome 8 sort en novembre (nous l'avons reçu ce matin) et le suivant en février prochain. Aucun autre titre n'a été stoppé, et les séries dites difficile arrivent à leur terme sous peu (Shiki 1 tome), Kurenai (3 tomes)... donc aucun arrêt n'a été décidé rassurez-vous ! On a bien sur des points à améliorer, comme tout un chacun, et soyez assurés que nous mettons tout en œuvre pour assurer le meilleur travail possible pour vous satisfaire. Bonne continuation !