© Jingetsu Isomi / SHINCHOSHA Publishing Co. Ltd.

le 16 octobre 1793, à Paris… sur la place de la révolution envahie par la foule… la reine marieantoinette était guillotinée. en attendant la mort dans sa cellule glaciale, elle avait tenu de ses doigts tremblants… une pièce en mousseline de soie. un luxueux châle… qu’une femme lui avait remis au péril de sa vie.

La Couturière Fatale

Sommaire

1766. Abbeville, royaume de France. Chapitre 1 La jolie robe

qu’en dites-vous, mademoiselle lara ? j’adore ! bertin … c’est épatant ! merci, vous me flattez. Marie-Jeanne Bertin bertin ! je veux la même coiffure. du calme ! elle doit d’abord me tresser ! teuh teuh ! c’est mon tour !

cette coiffure m’est réservée ! il faut que basile n’ait d’yeux que pour moi ! basile, c’est bien le boulanger ? la semaine dernière, tu avais jeté ton dévolu sur thomas le cordonnier. tu es fille d’officier public… cesse donc de t’afficher avec des sujets de rang inférieur. j’ai un faible pour les artisans ! pitié, bertin ! si tu es mon amie, ne coiffe pas les autres comme moi ! c’est entendu, à condition que vous fréquentiez le même homme pendant un mois. toi aussi, tu t’y mets ?!

salut, bertin. tu fermes déjà ta boutique ? oui. ma tante est grippée. bertin ! merci encore pour le chapeau. de rien ! je referai venir de beaux modèles de paris. c’est elle, la meilleure coiffeuse de la ville ? il paraît qu’elle confectionne aussi des vêtements. il faut le faire, pour une femme.

elle a perdu son père il y a plus de dix ans. c’était un soldat, je crois ... certaine de tenir un pur talent, sa tante n’a pas hésité à quitter son mari pour la prendre sous sa tutelle. quelle mijaurée … sait-elle au moins que d’autres lui ont ouvert la voie ? il n’y a pas si longtemps, les corporations ne comptaient que des hommes. bertin ! bertin ! la meilleure coiffeuse d’abbeville ! avec une pincée de poudre à cheveux, elle transforme comme par magie ! les filles sont conquises ! mais les messieurs grincent des dents !

car elle gagne plus d’argent qu’eux… et leur vole la gloire ! bertin n’a pas le charme de certaines... Elle préfère coiffer que minauder ! quand estce que tu te maries ? avant de se gausser d’une dame… on fait l’effort d’arranger sa tenue. ah ! merci, bertin ! saluez votre mère de ma part !

salut, marie ! je me suis permis une visite impromptue ! je suis là, ma tante. marcel, quel bon vent t’amène ? en apprenant que madame barbier était souffrante, j’ai fait un crochet entre deux livraisons.

voici pour vous, si vous voulez bien accepter ma modeste marchandise ! merci. tu rentres drôlement tôt, aujourd’hui. c’est que je vous savais mal en point… on ne délaisse pas son poste pour si peu. retournesy vite… au lieu de faire du sentiment. je n’ai pas besoin de ta compassion. mais … il faut travailler tant qu’on est jeune ! allez, du vent ! toi aussi, marcel ! 12

je suis désolée. j’ai l’habitude, marie ! depuis le temps qu’on se connaît ! je t’accompagne jusqu’à ta boutique.

si madame barbier est aussi sévère, c’est parce qu’elle croit en toi… et qu’elle se fait du souci … elle sait par expérience combien il est dur d’exercer un métier d’homme. elle pourrait au moins accepter mon aide quand elle est malade. quoi ? tu tiens d’elle… quand tu as repris la boutique, un bougre du quartier n’arrêtait pas de t’importuner.

pourtant, tu ne m’as jamais appelé au secours. … ce sont les ouvrières de la manufacture royale des rames. j’aime abbeville … grâce à l’essor des filatures, les femmes peuvent gagner leur vie.

notre bonheur … Ne dépend plus seulement de nos charmes. … mais tu es charmante, marie. tes flatteries ne m’embelliront pas. Ne dis pas ça ! tiens, je te l’offre ! une rose pour moi, c’est gâché…

Arrête avec ça… Elle te va à merveille. les roses sont coriaces… elles ont des épines et mettent du temps à éclore. mais leur couleur et leur parfum ... en font les fleurs les plus envoûtantes. et toi, marie, tu as tout d’une rose.

tu vois… tu es magnifique. ne renonce pas à ta féminité.

… marcel, je… je t’ai trouvée, bertin ! bonsoir, mademoiselle lara. bonsoir, marcel ! ma mère te remercie pour les fleurs. tu ne vas pas me croire, Bertin ! c’est terrible ! basile est tombé amoureux d’une autre ! comment c’est possible ?!

et donc … marcel, tu peux me laisser … et reprendre ta tournée. d’accord. au revoir, à bientôt ! et donc …

basile m’a lancé… « tu es une princesse qui n’a jamais travaillé. je n’ai pas les moyens … de t’entretenir ! » pourquoi devrais-je travailler ?! je suis la plus belle femme de la ville !

qu’y a-t-il de mal à être simplement jolie ?! toutes les filles veulent devenir des princesses ! pour qui travaille un homme, sinon pour celle qui l’attend au logis ? Si l’épouse lui donne des enfants, elle accomplit largement son rôle ! et moi qui me suis tirée à quatre épingles ! il devrait me rembourser cet argent gaspillé ! enfin bon, c’est un mal pour un bien ... ça m’évitera de sortir avec une lavette ! 22

merci, bertin. ça m’a fait du bien de parler. tu es la seule à qui je peux me confier. j’ai de la chance d’avoir une telle amie ! aaah…

elle m’horripile ! « la plus belle femme de la ville » ? la plus insupportable, oui ! une fille d’officier qui se la coule douce et ne connaît rien de la vie. et ça se prend pour une princesse (quelle blague !). si elle faisait au moins travailler sa cervelle, à défaut du reste...

« qu’y a-t-il de mal à être simplement jolie ? »... c’est à cause des perruches comme toi que les hommes ne nous respectent pas. et tu oses parler d’argent gaspillé devant celle qui t’a coiffée ! franchement, je ne peux plus te voir. si tu n’étais pas une bonne cliente, il y a longtemps que je t’aurais tourné le dos.

c’est plutôt basile qui mériterait des réparations pour t’avoir supportée. 26

au travail.

mais estce la bonne voie pour une femme ?

on a plus de succès en jouant les belles ingénues … au bras d’un homme. je le sais pertinemment. j’en fais même un complexe. un joli minois… une enfance aisée… l’habitude de se faire choyer… c’est tout ce qui me fait défaut. mais à quoi bon envier ce que je n’aurai jamais ? je ne regrette pas d’être entrée de plain-pied dans le monde professionnel. et pourtant… je sens comme un vide en moi.

on me presse de me marier. certains hommes comme basile veulent une épouse qui travaille. et les années passent… alors… non, c’est ridicule ! fini de rêvasser ! au boulot !

il vous plaît, ma tante ? je l’ai nommé … « conversation de femme galante ».

comme d’habitude, les coutures sont parfaites. cette fleur tremblante exprime la candeur féminine ... et les couleurs vives, la pétulance. à paris, c’est le minimum requis. mais ici, c’est largement suffisant pour gagner sa vie. j’ai bien fait de t’enseigner ce métier en plus de la coiffure. maintenant que tu as atteint ce niveau… il est temps pour toi de passer à l’étape suivante.

… oui … c’est justement … ce que je commençais à penser. Un mois plus tard. b e e e r … tin ! bonjour, mademoiselle lara. aujourd’hui, je ne viens pas me faire coiffer… mais t’annoncer une grande nouvelle ! tienstoi bien … ♪ ♪

marcel et moi allons nous marier ! l’autre jour, après t’avoir conté mes malheurs… je me suis cassé le talon en descendant de voiture. marcel, qui passait par là, m’a portée comme une mariée jusqu’à la maison ! ce jour-là, il a fait chavirer mon cœur !

et comme il plaît à mes parents … tout s’est décidé en un éclair. lara est si maladroite … je crains qu’elle ne s’en sorte pas sans moi. alors … j’ai une requête à te soumettre ! pourrais-tu confectionner ma tenue de noces ? Pas vrai ?

marcel m’a dit que tu fabriquais aussi des vêtements. en tant qu’amie commune des fiancés, tu es toute désignée ! bien sûr, tu m’aideras à faire les essayages, et tu me coifferas. merci d’avance, marie. je ne lésinerai pas sur la gratification ! tu te souviens, bertin ? l’autre jour, je t’ai dit… « toutes les filles veulent devenir des princesses ! » eh bien, j’étais sérieuse. c’est mon rêve depuis toujours.

fais-moi une robe de courtisane fatale… ou plutôt de princesse irrésistible, comme dans les contes ! entendu. vous pouvez me faire confiance.

Fermeture temporaire

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merci, bertin. merci du fond du cœur. grâce à toi, je vivrai le plus beau des mariages ! … je vous en prie, c’est trop d’honneur.

bertin ! tiens, c’est pour toi !

ce voile … c’est bien celui que tu m’as confectionné. comme le veut la croyance, il m’a protégée des mauvais esprits pendant la cérémonie. maintenant que je n’en ai plus besoin … c’est toi qu’il protégera !

oui. c’est vrai.

il me sied à merveille.

bonjour, bertin ! madame barbier ? bertin est malade ? elle n’est plus là. hein ? elle a choisi … la prochaine étape de sa vie. 52

où allez- vous, mademoiselle ?

à paris. abbeville était devenue trop petite pour elle. et puis, elle n’était pas prête à convoler. ? 54

je ne regrette pas d’avoir travaillé jeune… mais je ne veux pas ressentir ce vide toute ma vie. dans un lieu bien plus vaste… et plus intense… je ne pourrai pas être une princesse briseuse de cœurs ... alors, moi…

je serai la couturière fatale. Chapitre 1 – Fin

KEIKOKUNO SHITATEYA ROSE BERTIN vol.1 © Jingetsu Isomi 2019 All Rights Reserved French translation rights arranged with SHINCHOSHA Publishing Co., Ltd. through Tuttle-Mori Agency, Inc., Tokyo © Éditions Michel Lafon, 2024, pour l’édition française 118, avenue Achille-Peretti – CS 70024 92521 Neuilly-sur-Seine Cedex www.michel-lafon.com Direction éditorial : Fabrice Buon Responsable éditorial : Yann Raynal Traduction : Virgile Macré Lettrage et maquette : Florent Faguet Fabrication : Christian Toanen et Nikola Savic Imprimé en France Dépôt légal : Mars 2024 ISBN : 978-2-7499-5656-5 LAF : 3457 A

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