8 Le début du commencement Si seulement ses yeux pouvaient l’être aussi… Je n’aime pas ses yeux. Ils n’ont presque aucune couleur. Ils sont gris cendre ? Bleu acier ? Si je les voyais un peu plus bleu clair, peut-être que je les apprécierais. — Ah, non, princesse ! Arrêtez de trépigner ainsi ! Son mot préféré, c’est « non ». Honnêtement, je ne l’aime pas. Je fais la moue et j’obéis en silence. Si le capitaine Rob ne m’avait pas caressé la tête, je lui aurais marché dessus ! Si je veux le taper, c’est l’occasion rêvée. Depuis tout à l’heure, Gideon l’Épineux est couché par terre, l’oreille collée au sol et les yeux fermés. ’est-ce qu’il fiche ? Alors que je l’observe, il rouvre les yeux. Ah, il regarde vers moi, pensé-je. Vraiment, je n’aime pas ses yeux gris. Et sans doute qu’il ne m’aime pas non plus. Voilà, il a aussitôt détourné le regard. Il se relève lentement et époussee la terre sur ses vêtements. Ça sent fort. Enfin, c’est logique. Contrairement aux jardins du château, ici la terre est tout humide. C’est une odeur lourde, avec une combinaison de plusieurs autres éléments. Celle de l’eau boueuse, de l’herbe… elle floe et vient me chatouiller le fond du nez. C’est une senteur que je ne connais pas. On est au beau milieu d’une plaine, et c’est la première fois de ma vie que je m’éloigne autant du château. — C’est le moment, Rob. C’est là que nos chemins se séparent, affirme Gideon. — Pour quelle raison ? lui demande Robert. Ah, lui aussi s’en va. Comme les autres chevaliers. Les environs sont tout plats et il n’y a rien aux alentours. Parfois, on aperçoit les branches d’un arbre complètement sec. En dehors de ça, il n’y a que de l’herbe flétrie, de la terre et des cailloux. Je suis sûre qu’on nous voit de loin. Il faut dire qu’on ressort comme le nez au milieu de la figure. Deux adultes, deux gros chevaux, et puis moi.
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