© Delcourt

Mais qui étaient-ils ? Et comment survivaient-ils ? Surtout, des images insoutenables commençaient à circuler. Des civils hmongs, des jeunes filles, des enfants massacrés dans des opérations de représailles menées par les autorités dans les villages reculés... Un jour, en début de saison sèche, nous étions finalement entrés au Laos pour nous lancer à leur poursuite, dans le plus grand secret, puis nous enfoncer et disparaître dans la forêt tropicale. Une dizaine de jours à marche forcée, guidés par deux êtres hors du commun, qui ne craignaient que les esprits des eaux et de la forêt : des « blackbirds », des « oiseaux de nuit », deux frères qui prenaient tous les risques pour faire la navette entre la civilisation et les sanctuaires hmongs. Sans doute l’une des expéditions les plus difficiles de ma vie. Désorientés, affamés et épuisés, fuyant tout contact humain comme des proies apeurées pour, toujours plus encore, nous immerger dans l’immense inconnu végétal… Avançant. Pas après pas. Au bout de notre humanité. Les nerfs à vif. Nous l’ignorions encore, mais nous avions commencé à vivre comme vivaient les Hmongs de la zone interdite. Et puis ils nous sont apparus. Ils étaient là, devant nous, ces féroces guérilleros redoutés par le régime laotien, héritiers immémoriaux de lignées de combattants, seigneurs des hautes montagnes et des maquis impénétrables d’Asie… Il y eut cette longue plainte. Une longue plainte déchirante qui semblait émaner de la jungle elle-même… C’était le chant funèbre de cette armée maudite. Les maquisards hmongs nous accueillaient, tout tremblants, à genoux et en pleurs. Désespérés… Seuls et à bout de forces.

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