© 1971 by The Hoshi Library / SHINCHOSHA Publishing Co.,Tokyo

HÉ HO, SORS DE LÀ ! U ne fois la fureur du typhon passée, un bleu éclatant colora enfin le ciel. On déplora d’innombrables dégâts dans ce village situé à quelques en- cablures de la mégalopole. Et plus particulièrement un petit sanctuaire shintoïste au pied de la montagne, à l’extrémité de la bourgade. Il avait été emporté par un éboulement de terrain. Le matin suivant, lorsque les villageois apprirent la nou- velle, certains se rassemblèrent pour constater les ravages. L’un d’entre eux de- manda : « Il était vieux ce sanctuaire ? - Je n’en sais rien, mais une chose est sûre, il ne datait pas d’hier ! répondirent les autres. - Bon, il va falloir le retaper rapidement… » Pendant qu’ils discutaient, d’autres hommes les rejoignirent. « Oui, il y a vraiment tout à reconstruire, là... - Il était dressé là à l’origine, non ? - Non, je crois plutôt qu’il était par là-bas, mais je n’en suis plus très sûr... » Au même moment, une voix puissante les interpella : « Hé, venez-voir ! C’est quoi ce trou ? » Tous se regroupèrent autour d’un trou large d’un mètre environ. Certains tentèrent d’observer l’intérieur, mais la cavité était si sombre qu’au- cun ne parvint à distinguer quoi que ce soit. Elle était si profonde qu’elle semblait filer droit jusqu’au centre de la Terre. L’un demanda : « Vous croyez que c’est un terrier de renard ? » Le plus jeune de tous les villageois présents cria alors en direction des pro- fondeurs : « Hé ho, sors de là ! » Il n’y eut aucun écho. Ensuite, il s’empara d’un caillou qu’il s’apprêta à lancer. Et bien qu’un ancien le prévint par ces mots : « Arrête donc ! Qui sait si le ciel ne nous punira pas pour cela ! », le jeune homme projeta le caillou de toutes ses forces à l’intérieur. Mais là encore, aucun son. Les villageois coupèrent alors des arbustes et, à l’aide de cordes, dressèrent une clôture autour de cette découverte. Puis ils rentrèrent au village. « Qu’est-ce que ça peut-bien être ?, questionna l’un d’eux. - À mon avis, on ferait mieux de reconstruire le petit sanctuaire au-dessus de ce trou, comme autrefois. » Sans qu’aucune décision ne fut prise, la journée se passa. Bientôt, la nouvelle se répandit et on ne tarda pas à voir apparaître des journalistes, suivis à quelques jours près de scientifiques autoproclamés. Ces derniers s’approchèrent du trou d’une démarche qui semblait dire : « Laissez-nous passer, pour nous, rien n’est inconnu ! ». Ensuite, on vit défiler des curieux, des badauds, ainsi que de nombreux profi- teurs aux yeux grands comme leurs portefeuilles. On dut bientôt poster des gen- darmes près du parking afin d’éviter que l’un des nombreux touristes ne tombe dans la fosse. L’un des journalistes introduisit une longue corde à l'extrémité de laquelle il avait ac- croché un poids. La corde semblait se prolonger sans cesse. Tellementmême qu’on arri- va bientôt au bout. Se faisant une raison, il tenta alors de la remonter, mais elle ne bou- gea pas d’un pouce. Deux ou trois villageois lui prêtèrent main forte mais rien n’y fit, la corde se rompit et le poids sombra irrémédiablement dans les profondeurs de la Terre. Un autre journaliste, qui observait la scène avec un appareil photo à la main, défit en silence le harnais qu’il avait enfilé quelques minutes plus tôt...

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