© 1971 by The Hoshi Library / SHINCHOSHA Publishing Co.,Tokyo
que trois ou quatre lignes à déchiffrer, mais l’écrivain ne semblait toujours pas vouloir apporter de conclusion à son récit. Sur le coup, j’ai surtout douté de mon niveau de ja- ponais, me persuadant que j’avais forcément loupé un détail important au début ou au milieu du texte. Mais puisqu’il ne me restait plus qu’une poignée de lignes à étudier, j’ai poursuivi mon travail jusqu’au point final. Et là, je me suis pris une énorme claque. Il y avait bel et bien une chute à cette étrange histoire. Mais elle arrivait de façon tellement soudaine et inattendue que je n’y étais pas préparé. Tout faisait enfin sens à l’ultime ligne ! Et quelle conclusion incroyable ! « Mais c’est génial ! », me suis-je alors exclamé le soir venu, pendant le dîner avec ma famille d’accueil. Tout sourire, mon père japonais m’a alors expliqué : « Tu viens de comprendre pourquoi les textes de Shinichi HOSHI étaient tellement appréciés des Japonais. Ce qui fait la véritable spécificité de cet auteur, c’est qu’il parvient toujours à nous surprendre à la toute dernière phrase, voire au tout dernier mot ! Il a écrit plus de mille histoires et il n’y en a pas deux qui se ressemblent. C’est un tour de force ! Son imagination était sans limites... » Déjà conquis, je passais les journées suivantes à déchiffrer d’autres histoires. J’eus ra- pidement la confirmation que Shinichi HOSHI, né en 1926, était un auteur culte dans le pays. Tous mes camarades de classe nippons l’avaient lu et il n’était pas rare qu’en me voyant étudier sa prose, ils me donnent aussi leurs conseils de lecture : « Après celle-là, tu devrais lire cette histoire, c’est ma préférée ! La fin m’a laissé sur les fesses ! ». L’incroyable ingéniosité de cet auteur et son inégalable sens de la chute lui ont apporté la reconnaissance de tout un peuple. Certaines de ses histoires courtes les plus réussies figurent aujourd’hui dans les manuels scolaires. J’ai ainsi rapidement appris que Shinichi HOSHI avait initié le genre « short-short » (micronouvelle) au Japon. Le short-short est à la littérature ce que le haiku est à la poésie : un genre d’une concision extraordinaire. Ses thèmes de prédilection étaient la science-fic- tion et l’humour. Ses récits ont interpellé des millions de Japonais par leurs thématiques avant-gardistes, et leur clairvoyance qui étonnent aujourd’hui encore. J’en suis convaincu, les amateurs de BlackMirror oude LaQuatrièmeDimension ne devraient pas bouder leur plaisir avec Shinichi HOSHI. Extrêmement prolifique, c’était un formidable raconteur d’histoires. Avec plus de mille micronouvelles à son actif, il a longtemps détenu le record mondial du nombre de textes littéraires publiés dans la presse. Régulièrement compilés, PRÉFACEDE L’ÉDITEUR Florent Gorges « Prenez un zeste d’humour, une poignée de BlackMirror , une pincée de La Quatrième Dimension , et mélangez le tout dans un haiku. Vous obtiendrez ainsi une histoire de Shinichi HOSHI... » J ’ai découvert Shinichi (Shin’ichi) HOSHI en 1997, lors de mon tout premier sé- jour au Japon. J’étais encore lycéen, et je fréquentais un établissement nippon dans le cadre d’un long programme linguistique et interculturel. Durant cette année scolaire complète, j’ai également eu le bonheur de résider en immersion totale au sein d’une fa- mille japonaise. Et un soir, j’ai demandé à mon père d’accueil s’il avait pour moi des re- commandations de lecture dans la langue de Mishima, accessibles au débutant que j’étais alors. Après quelques minutes de réflexion, il s’est levé et s’est dirigé vers la bibliothèque. Il est revenu avec un livre de poche dans les mains. « Tiens Florent, voici Bokko-Chan, de Shinichi HOSHI. Cet auteur est malheureuse- ment décédé cette année, mais c’était un écrivain très célèbre au Japon. Ici, il est autant lu par les enfants que par les adultes. Tu vas vite comprendre pourquoi. Et pour toi qui apprends le japonais, c’est sûrement idéal car ses histoires ne font que quelques pages et sont écrites dans une langue limpide. Cela dit, c’est encore pour autre chose qu’il est devenu culte au Japon. Je te laisse découvrir par toi-même ce qui fait la magie de cet auteur... » Intrigué, j’ai alors passé la journée suivante à éplucher mon dictionnaire pour dé- chiffrer une première micronouvelle. Il s’agissait de « Oi dete koi ! » (NDT : Eh oh, sors de là !, lire page 8). Sur six courtes pages, l’auteur racontait l’histoire de villageois qui, après avoir découvert un trou extrêmement profond, décidaient de l’utiliser comme décharge publique. Le contenu en tant que tel était amusant, mais ce que je retiens surtout de ces heures écoulées à bachoter ce texte, c’est qu’arrivé à 99 %de ma lecture, je ne comprenais toujours pas où l’auteur voulait m’emmener. Je voyais qu’il ne me restait
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