© Ichika Isshiki ©fame ©MICRO MAGAZINE, INC.

14 15 BERSERK OF GLUTTONY TOME 1 Alors qu’il était mort durant son tour de garde, le tavernier avait vu les Vlerick le piétiner en le traitant de bon à rien. La scène était si tragique qu’aujourd’hui encore, il ne pouvait l’oublier. Elle restait gravée dans sa mémoire. Que serais-je devenu si demoiselle Roxy ne m’avait pas sauvé de la brutalité de Raphal ? J’aurais sans doute connu le même sort que ce malheureux. J’avais survécu, mais si rien ne changeait, mon avenir serait bien court. La nuit est l’heure de pointe des tavernes. On y croise toutes sortes de gens, commerçants, prostituées et autres voyageurs, qui trinquent jusqu’à s’en rougir le visage. Je m’assis au comptoir, à la place qui m’était presque réservée, et sans que je dise un mot, du vin rouge apparut devant moi. Le moins cher de la carte. Il était aussi mauvais qu’aigre et râpeux, et n’avait d’autre fonction que l’ivresse et l’oubli. « Patron, du pain et de la soupe. — Ça arrive. » Mon dîner consistait en du pain noir qui avait trop vécu et une soupe de légumes insipide, concoctée avec des restes d’autres plats. Je n’avais pas mangé de viande depuis cinq ans, et ma toute dernière part s’était réduite à un misérable bout de bœuf séché. Je ne me rappelais même plus le goût. À cause de ma compétence de Gloutonnerie, j’étais sans cesse tiraillé par une faim que je n’avais pas moyen de satisfaire. Tout ce que je pouvais faire, c’était manger le plus lentement possible l’assiette que j’avais devant moi en espérant la tromper. Alors que je sirotais mon vin et croquais mon pain rassis, le patron m’interpella : « Comment ça se passe à ton travail ? — C’est dur. — Je comprends… Je prie pour que tu ne finisses pas comme ton prédécesseur. » Je ne lui répondis pas. Le précédent employé de la famille Vlerick était apparemment mort de surmenage. Il n’était pas bien différent de moi : un homme ordinaire que le sort avait abandonné. Le harcèlement incessant de ses employeurs et des heures de travail cruelles l’avaient amaigri jusqu’à ce qu’un jour, la corde rompît et qu’il s’effondrât. CHAPITRE 1