Voyage vers Agartha - DVD (Kaze) - Actualité anime

Voyage vers Agartha - DVD (Kaze) : Critiques

Critique du dvd : Voyage vers Agartha - DVD (Kaze)

Publiée le Mercredi, 04 Juillet 2012

Un jour, alors qu’elle écoute l’émetteur radio que lui a légué son père, fonctionnant grâce à un cristal étrange, la jeune Asuna entend un chant mystérieux. Intriguée, elle se demande d'où il peut provenir. Alors qu'elle revient quelques jours après dans son refuge pour tenter de capter à nouveau la mélodie, Asuna est attaquée par un monstre. Elle est sauvée par Shun, un jeune garçon, qui dit venir d'une contrée souterraine convoitée par les Hommes : Agartha.

Voyage vers Agartha (Hoshi o Ou Kodomo en japonais) a été réalisé par Makoto Shinkai, déjà aux commandes de Voices of a distant star, 5cm par seconde (disponibles en DVD chez Kazé) et la Tour au-delà des nuages (disponible chez Pathé). Dans l'ombre du père et du fils Miyazaki et d'autres réalisateurs nippons, Makoto Shinkai, qui travaille avec le studio d'animation CoMix Wave, et non le studio Ghibli, commence à acquérir une véritable réputation à l'internationale. Sa venue à la Japan Expo 2012 devrait encore attirer l'attention sur lui, et on ne lui souhaite que le meilleur. Ses oeuvres précédentes, et plus particulièrement 5cm par seconde, sont en effet reconnues comme des chefs d'oeuvre de l'animation nippone. Quid de ce Voyage vers Agartha, sorti au Japon en 2011 et disponible en France en ce début juillet 2012 ?

Commençons par remarquer que le titre anglais, traduit du japonais, « Children who chase lost voices from deep below » (« Les enfants qui poursuivent les voix perdues de l'au-delà »), est plus représentatif des véritables enjeux narratifs que ne l'est le titre français. Cependant, ce dernier demeure bien choisi, dans la mesure où Makoto Shinkai nous amène incontestablement à faire un véritable voyage.

Le voyage est d'abord visuel. Esthétiquement parlant, le dernier né du studio CoMix Wave est assez époustouflant. Contrairement à Voices of a distant star et à 5cm par seconde, dont les décors étaient somptueux mais statiques, Voyage vers Agartha est rempli de vie. Cela passe par une animation des personnages classique, fluide et propre, et un travail poussé sur tous les éléments du décor (herbe, eau, vent). Et évidemment, les talents de coloriste de Makoto Shinkai explosent à l'écran. Les paysages sont absolument superbes, chatoyants et vivants, les intérieurs sont très détaillés. Quasiment chaque image est signe d'un nouvel émerveillement. Autant vous dire que je m'attendais à être séduit par l'esthétique de ce Voyage vers Agharta, mais jamais je n'aurais cru que ce fût à ce point. Je peux vous assurer qu'il s'agit bien du plus beau film d'animation nippone à l'heure actuelle, devançant de loin les derniers Ghibli ou le très pastel Summer wars de Mamoru Hosada.

Le voyage est aussi sonore, avec des morceaux bien choisis bien que classiques, mais qui savent mettre en avant les différentes sensations procurées : simplicité d'une tranche-de-vie au début du film, onirisme une fois à Agartha, dynamisme lors des combats.

Pourtant, le voyage est incomplet. Car si la nouvelle oeuvre de Makoto Shinkai brille sur la forme, le fond reste en retrait sur plusieurs points.

Il y a d'abord l'ambiance, tout en contraste. La naïveté extrême découlant de l'héroïne, Asuna, qui est très jeune, ne l'oublions pas, laisse place de façon inattendue à des scènes plus matures et sanglantes, aboutissant à un mélange assez étonnant. Pas désagréable, mais l'ensemble est-il vraiment cohérent ? Les dialogues simplets font de plus un peu tache avec les enjeux réels, plus matures là encore. Notons enfin que le retour à la naïveté du début, avec une happy end presque forcée, bercée à la pop japonaise (la seule musique qui soit inappropriée pendant tout le film), est certainement le point le moins réussi du film.

Il y a aussi la symbolique très commune, avec des stéréotypes qui auraient pu être évités. Asuna, qui va vivre cette aventure, est première de la classe, déléguée de surcroît, vaillante, adorable avec sa mère, juste ce qu'il faut d'espièglerie. Son professeur remplaçant, qui l'accompagnera dans son voyage, est en souffrance car il ne se remet pas de la perte de sa femme. Le vieux sage d'un des villages d'Agartha est un modèle de circonspection et d'affection. Shin, le jeune combattant doit obéir aux ordres malgré lui, pour honorer une dette, et supporter le poids d'un frère défunt plus doué que lui. Les enfants pleurent, une fois qu'ils ont compris que quelque chose d'important s'était passé, mais qui les dépasse. Même si cette naïveté et cet hymne à l'enfance est touchant, c'est indéniable, tout cela n'aurait-il quand même pas un arrière-goût de déjà vu ? Si, et pas qu'un peu, hélas.

Il y a enfin le scénario. Cette nouvelle oeuvre de Shinkai s'avère bien moins personnelle que ses précédentes. Presque fourre-tout, ce Voyage vers Agartha a bien du mal à se forger une identité bien à lui. Et cela vient essentiellement de deux problèmes.

Premièrement, à mettre en avant des thèmes plus universels, il en devient trop conventionnel. Certes, il y a une continuité entre ce nouveau film et les précédentes oeuvres de Shinkai. Celui-ci évoque la jeunesse, la séparation, la solitude qui en découle. Mais Agartha rajoute la mort. Or, le film n'a jamais la richesse, et c'est tout à fait normal, puisqu'il tient sur moins de 2 heures, d'autres oeuvres qui ont fait bien mieux dans la matière, tel Fullmetal Alchemist. Le traitement de la perte d'un être cher, du désir de le retrouver, ce qui implique d'outrepasser des règles sacrées pour le ressusciter, est décevant. Cela manque terriblement de profondeur. A vouloir traiter des thèmes plus universels comme il le dit lui-même, Makoto Shinkai ne s'est sans doute pas rendu compte que c'était trop ambitieux, ce qui donne un scénario finalement peu élaboré. La narration, s'en ressent, insatisfaisante. Des pistes sont énoncées, mais sont mises de côté aussi vite qu'elles sont apparues. Il en est ainsi de propos vaguement écolos, des véritables motivations d'une société secrète (« Les Archanges »), du flash-back sur le professeur et sa femme (avec une référence à la guerre), de la religion, des relations entre les frères Shin et Shun, des habitants d'Agartha (notamment de la petite fille muette sauvée par Asuna et Shin), de l'imagerie évoquant les grands dirigeants du monde réel qui auraient apparemment ruiné Agartha lors des guerres (cela va de Napoléan à Staline, en passant par Hitler...). Et la liste est encore longue... trop longue ! L'énigme la plus gênante reste sans doute les motivations d'Asuna vis-à-vis de son voyage. On ne sait pas ce qu'elle recherche (son père décédé, son ami perdu ?) mais conserve son espièglerie pendant une grande partie du voyage. Au-delà d'Asuna, les personnages n'ont de toute façon pas la profondeur psychologique de ceux d'un 5cm par seconde (ce dernier nous avait étonné par la maturité de ses dialogues, alors même que les personnages principaux étaient des enfants). Il est regrettable que beaucoup de réponses se trouvent dans le reportage figurant en bonus (« La face cachée d'Agartha », 45 minutes) et dans les diverses interviews de Shinkai que l'on trouve çà et là sur le web.

Deuxièmement, qu'il s'agisse d'un hommage, d'un rapprochement volontaire, peu importe, la comparaison de ce Voyage vers Agartha avec les films de Hayao Miyazaki semble inévitable. Elle saute aux yeux et on aurait aimé que cela ne soit pas le cas. Le chara-design est beaucoup plus proche d'un film de Ghibli que ne l'était celui de 5cm par seconde et la Tour au-delà des nuages. Et les ressemblances sur le fond sont multiples. Shin a le côté guerrier d'un Ashitaka (Princesse Mononoke) et le côté protecteur d'un Pazu (Le Château dans le ciel). Les Quetzalcoatls rappellent très fortement les divinités de Princesse Mononoke. Asuna est plongé dans un autre monde, à la façon de Chihiro. Les civilisations antiques, c'est encore du Château dans le ciel. Les quelques clins d'oeil au steampunk et à la guerre via les souvenirs du professeur, c'est du Château ambulant. Et on pourrait continuer longtemps. Tout cela n'est pas gênant en soi, je le réaffirme... Mais lorsqu'on voit que ce Voyage vers Agartha peine autant à surprendre, quant à l'évolution de son scénario ou ses personnages, on se dit que plus d'originalité aurait fait du bien.

La déception vis-à-vis de cette tendance forte vers des thèmes plus universels est d'autant plus grande lorsqu'on apprend dans les bonus que Makoto Shinkai doutait que 5cm par seconde pouvait être réellement apprécié par un public autre que nippon. Il n'a clairement pas tort, mais c'est justement parce que 5cm par seconde était pétri d'une sensibilité typiquement nippone qu'il était si plaisant. Shinkai a donc voulu avec ce Voyage vers Agartha toucher un public plus large, ce qui est sans doute réussi mais se fait au détriment de la narration et du scénario.

Néanmoins, toutes ces critiques n'amènent pas nécessairement le constat que le fond du film est raté, loin de là. Quand bien même ce Voyage vers Agartha manque d'originalité et de caractère, on passe un moment très agréable. Je tiens d'ailleurs, pour finir, à défendre l'un des aspects du film, pas évoqué jusqu'à présent, qui a été injustement décrié par certains spectateurs : le rythme. Il est rare de voir un film d'animation tenant sur 2 heures. Sachez que jamais l'ennui ne se fait sentir, car Makoto Shinkai a su préserver l'une des forces de ses précédentes oeuvres, à savoir un rythme plutôt lent et contemplatif, que l'on a très peu l'habitude de voir dans l'animation nippone. Sans égaler le génie du rythme d'un Jin-Roh ou d'un Tombeau des lucioles, le calme de ce Voyage vers Agartha est toutefois très appréciable, et fait plaisir en ce que, à défaut de développer le scénario, Makoto Shinkai a instauré un bel univers dans la sérénité.

Concernant l'édition de Kazé, la seule chose à reprocher est le chapitrage directement présent sur le menu principal, sans aperçu du contenu de chaque chapitre lorsqu'on en met un en surbrillance. Pour le reste, les doublages français n'ont pas la douceur des voix japonaises et on vous conseillera comme d'habitude de préférer la VO, d'autant que la traduction est impeccable (zéro faute, zéro coquille, zéro défaut). Les quelques bonus valent le coup, notamment « La face cachée d'Agartha », comme dit précédemment.

En résumé, Voyage vers Agartha ne sonne pas creux, mais il ne dégage pas toute la richesse des thèmes qu'il veut mettre en avant. Cela devient encore plus évident lorsqu'on constate que beaucoup d'autres oeuvres ont fait beaucoup mieux que lui auparavant. Trop classique, le film semble souvent chercher sa voie entre récit contemplatif et véritable aventure forte d'un souffle épique nouveau. Mais l'ensemble fonctionne finalement très bien, et on ressort de ce voyage assez ému, bien que déçu sur le fond du scénario. Et puis, il y a tout l'aspect esthétique, qui fait de ce nouveau film de Makoto Shinkai, on l'a déjà dit, le plus beau film d'animation à ce jour ! Malgré tout ses petits défauts, ce beau Voyage nous convainc que l'animation japonaise a encore un beau futur devant elle.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs