The Way we are - Actualité anime

Critique du dvd : The Way we are

Publiée le Lundi, 02 Avril 2012

Kwai, une veuve employée dans un supermarché, vit avec son fils introverti Cheung Ka-on dans un petit appartement du quartier Tin Shui Wai. Elle rencontre grand-mère Leung, une vieille femme isolée vivant dans le même immeuble. Des liens vont se tisser entre les deux femmes, confrontées à la difficulté de leur situation familiale.

The way we are est un film hong-kongais sorti en 2008 et réalisé par Ann Hui. Ann Hui est certainement la réalisatrice la plus connue de l'île et l'une des fondatrices de la nouvelle vague du cinéma hong-kongais. En Occident, elle a été acclamée pour A simple life en 2011, où elle se permet de livrer un portrait particulièrement saisissant de personnages dans la société hong-kongaise tout en s'adonnant à un petit plaisir en faisant figurer ses compatriotes réalisateurs en tant qu'acteurs (Sammo Hung, Tsui Hark, Anthony Wong, Chapman To, le rôle principal étant détenu par Andy Lau).

The way we are est intéressant à plusieurs titres. D'une part, en lui-même, ce film est d'une simplicité touchante. D'autre part, il n'est clairement pas aussi abouti qu'A simple life, qui est sorti 3 années plus tard, mais permet de voir la montée en puissance d'Ann Hui jusqu'à sa consécration l'an dernier. Ainsi, The way we are n'est clairement pas un brouillon pour A simple life, mais annonce les voies prises par la réalisatrice, celles qui lui tiennent à coeur.

The way we are nous plonge dans le Hong Kong contemporain, et plus spécialement dans le quartier populaire de Tin Shui Wai. Si vous ne connaissez pas, on vous invite à aller faire quelques recherches d'images, c'est impressionnant : Tin Shui Wai, ce sont essentiellement de gigantesques barres HLM qui se dressent vers le ciel. Le niveau de vie y est bas (alors que Hong Kong est une des régions les plus riches de la planète), la population s'entasse dans de petits appartements. Si plusieurs réalisateurs ont déjà choisi ce lieu pour faire des films illustrant ou dénonçant la misère sociale qui y règne, Ann Hui se place au contraire du côté opposé : montrer, à travers la simplicité du quotidien de quelques personnages, que la vie leur apporte beaucoup. Ainsi, The way we are, s'il est bien un film de fiction, ressemble sur plusieurs points souvent à un documentaire. Ann Hui a choisi volontairement certains angles de caméra rappelant le genre. Elle profite notamment des appartements confinés pour placer sa caméra dans les angles des murs, et souvent au plus près des personnages car les endroits sont exigus. 1 heure de film dans un 30m², ça ne vous tente pas ? Et bien vous louperiez quelque chose. Rappelant assez le cinéma du Japonais Kore-Eda, Ann Hui filme de façon quasi-voyeuriste chaque geste, chaque expression : cuisine, vaisselle... le quotidien. Pour peu que vous ayez un bon écran de télé, vous aurez l'impression de vivre avec eux : le mélange entre angles de caméra façon documentaire et des vues plus classiques produit donc un effet extra.

The way we are est clairement dépourvu de vrais défis narratifs. Ann Hui mise tout sur la simplicité en filmant le quotidien de ses personnages. The way we are sera donc à réserver aux initiés du cinéma hong-kongais, les autres cherchant désespérément où la réalisatrice veut en venir... Pour tout dire, The way we are n'est pas même contemplatif, même si Ann Hui avoue à demi-mot que Ozu l'inspire beaucoup. En fait, on ne suit pas le quotidien de Kwai, Leung et Ka-on, on le vit pleinement. La mise en scène aux allures simplistes cache un vrai pouvoir. On est avec eux : un régal pour les personnes ayant déjà visité la Chine ou Hong Kong, qui auront l'impression de retrouver leurs sensations.

On est surpris, pendant tout le film, de l'absence de sentiments des personnages. Ils semblent décharnés, presque fantomatiques. On a beau les regarder, on ne voit rien paraître, malgré des situations qui pourraient parfois les mettre mal à l'aise. Kwai passe son temps à travailler. Comme le dit sa mère, elle n'a jamais rien su faire d'autre. Lorsqu'elle rentre chez elle, c'est pour manger avec son fils et lire le journal. Grand-mère Leung s'ennuie et voit passer le temps. Cheung Ka-On est en attente de résultats scolaires, n'a pas cherché de job étudiant, possède une force d'inertie assez impressionnante (télé, lit dans une chambre remplie de posters d'animes japonais, sorties chez des potes). Les interactions sociales entre Kwai et son fils sont inexistantes : ils mangent, ne discutent pas. Le silence règne. Pas l'ennui, non. Pas le désintérêt non plus. Juste le silence, l'habitude d'un quotidien qu'ils laissent filer. Les conflits sont inexistants. Pas besoin. Mais très vite, une petite étincelle va se produire. On parle d'étincelle, mais cela n'a pourtant l'air de rien. Kwai rencontre grand-mère Leung. Et très vite, la réalisatrice va nous montrer que les interactions sociales sont quelque peu modifiées. Certes, pas beaucoup. Mais suffisamment pour nous faire comprendre beaucoup de choses. La solidarité de Kwai envers grand-mère Leung va enrichir progressivement les contacts, les dialogues. Cheung Ka-On, très sage, obéit à sa mère, aide dès qu'on le lui demande, et trouve un minimum d'activité dans l'association chrétienne de quartier. Sa mère le trouve un peu feignant, mais ses oncles et grand-mère Leung trouvent que c'est un bon garçon.

Face à ces personnages, qui, comme dit auparavant, semblent décharnés par leur manque de sentiments, Ann Hui introduit quelques scènes stupéfiantes où l'on voit bien que, derrière le silence, se cache une souffrance enfouie. Pour Kwai, c'est un flash-back sur la disparition de son mari, intervenant lorsqu'elle se résout à jeter un pantalon. Pour grand-mère Leung, c'est le silence du téléphone, qui ne sonne pas, ou encore ces photos en noir et blanc qui arrivent sur l'écran dans des moments-clefs. Des photos tirées du passé de la réalisatrice ? Cela n'est pas interdit.

Les frères et soeurs de Kwai vivent mieux qu'elle, celle-ci semble s'en détacher, sans aucune ingratitude néanmoins. Elle les voit de temps en temps, et chacun vit sa vie de son côté. Et cela semble convenir à tout le monde, étant donné que leur affection reste bien présente à chacune de leur rencontre. Pour grand-mère Leung, pas de famille, si ce n'est un petit-fils éloigné et un gendre qui ne veut pas renouer de contacts. L'essence du film se trouve dans une scène : un gendre qui refuse les cadeaux de sa belle-mère, celle-ci voulant juste montrer à quel point elle tient à ce qui lui reste avant de mourir. Parce que sa famille de sang refuse, c'est sa famille de coeur, Kwai et Ka-On, qui l'aident, l'accompagnent, l'invitent qui y auront droit. The way we are montre avant tout que la famille, c'est avant tout une question de volonté.

Du côté de l'édition, on sent qu'on tient un travail de passionnés pour passionnés. Si les sous-titres ne sont pas exempts de fautes et de coquilles, le registre employé et la traduction sont impeccables. Niveau bonus, on a droit à une interview de la réalisatrice permettant de pousser un peu l'expérience du film, et surtout aux bandes-annonces de tous les films du catalogue de l'éditeur. Spectrum films a beau être une petite maison, on dit souvent que le meilleur travail ressort toujours d'éditeurs discrets mais spécialisés, et cela se vérifie encore une fois ici. On a en tous cas hâte de voir quelles seront les prochaines acquisitions de l'éditeur (A simple life ? S'il vous plaîiitt !!!), puisque le catalogue ne manque pour l'instant pas de charme avec du cinéma hong-kongais et sud-coréen de très grande qualité (The way we are, Failan, Treeless mountain, Parking etc...)

S'il n'a pas la puissance d'autres films portant sur les liens familiaux et le quotidien (au hasard, Still walking de Hirokazu Kore-Eda, Lola de Brillante Mendoza ou évidemment Yi Yi d'Edward Yang), la simplicité, la bonté désintéressée et la sincérité de The way we are rend hommage à la beauté de l'humain dans ce qu'il a de plus cher : les autres. Un halo de fraîcheur derrière sa narration dépouillée.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

15 20
Note de la rédaction