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Memories of murder : Critiques

Critique du dvd : Memories of murder

Publiée le Jeudi, 07 Avril 2011

Second film du réalisateur sud-coréen montant Bong Joon-Ho (après Barking dogs never bite, inédit en France), Memories of murder fait office des incontournables du cinéma sud-coréen autant que du genre thriller. Aux côtés des Psychose, Le Silence des agneaux, Seven ou encore le récent Shutter Island, Memories of murder représente ce qui se fait de mieux.

Dans la Corée du Sud post-dictature des années 1980, deux inspecteurs de police, Park Doo-Man étant de la campagne (Song Kang-Ho dans son meilleur rôle), Seo Tae-Yoon étant de la ville (Kim Sang-Kyung, que l'on ne voit que trop rarement !), aux méthodes radicalement opposées, doivent faire équipe pour piéger un tueur en série. Les soupçons de chacun se déplacent d'un suspect à un autre. L'auto-satisfaction de la hiérarchie et les convictions profondes de chacun amènent l'équipe à faire fausse route. Et si l'affaire n'était jamais résolue ?

Memories of murder s'inspire de faits réels, qui se sont déroulés entre 1986 et 1991 en Corée du Sud. Un tueur en série viola et assassina dix femmes dans un rayon de deux kilomètres. Plus de 3000 suspects ont été interrogés et 300.000 policiers mobilisés... pour aucune incrimination au final. Le tournage s'est déroulé sur les lieux-mêmes des événements.

Qu'on se le dise, Memories of murder est une leçon de cinéma.

D'un point de vue esthétique, la pluie et le climat tropical génèrent une ambiance assommante... pour peu que l'on regarde le film sur grand écran, la nuit, dans une atmosphère estivale moite et vous aurez là l'ambiance idéale. Les jeux de caméra et les gros plans sont savamment employés. Pas d'innovations folles, le cinéaste nous propose du classique efficace, s'attachant aux expressions de ses personnages. Côté sons, c'est là aussi un sans-fautes. Un mélange intéressant est proposé, composé d'électro ou de partitions plus classiques. Il faut vivre Memories of murder pour bien comprendre la puissance qui s'en dégage, sachant que l'ambiance sonore contribue à un sentiment de malaise, à la sensation que tout peut basculer à tout moment, tout en restant on ne peut plus réaliste.

Car s'il y a un autre aspect marquant dans Memories of murder, c'est la conduite réaliste du récit. Sur un peu plus de deux heures, jamais l'ennui ne guette, grâce là encore à un suspens maîtrisé à la perfection. Les enquêteurs zélés finissent perdus. Mettant en oeuvre des méthodes peu orthodoxes pour parvenir à leurs fins, leur tempérament change radicalement lors de cette enquête pas comme les autres. Leur évolution psychologique est passionnante, Bong Joon-Ho traitant cela finement, tel un entomologiste de la psychologie. Le rythme lent contribue à la mise en place de cette évolution psychologique très riche. Le quotidien des policiers est exploré : il y a dans Memories of murder, et tout ce qu'il y a autour de celle-ci, à savoir la vie de ceux qui en ont la charge (un aspect classique dans le cinéma hong-kongais). La hiérarchie ne pense quant à elle qu'à la gloire. Ce sont aussi tous ces coupables idéaux inquiétants par leur silence et leurs secrets, qui bien que disculpés, semblent toujours avoir quelque chose à cacher, qui enrichissent le scénario. Le réalisme de Memories of murder repose en grande partie sur les réactions viscérales et charnelles d'acteurs sud-coréens décidément épatants. Dans Memories of murder, ils le sont tous. Song Kang-Ho se distingue en tenant là son meilleur rôle, tour à tour délirant (un karaoké pour fêter la prochaine résolution de l'affaire), ou grave, anéanti. S'agissant du réalisme, notez que vous devez absolument éviter la VF, absolument médiocre (mauvaise synchronisation labiale, traduction à la ramasse, voix ne correspondant pas aux personnages). La VO propose au contraire de la tchatche, des échanges spontanés donc réalistes entre les personnages, rappelant du Tarantino, sachant que ce dernier place Memories of murder dans ses films favoris.

Bong Joon-Ho en profite pour appuyer son film sur un aspect de satire sociale, empreinte d'un humour noir typique du cinéma sud-coréen de ces dernières années, et virant au burlesque avec des scènes abracadabrantes (l'enquête qui mène à des suspects pas tout à fait ordinaires) ou encore les pétages de plomb des enquêteurs. Le contact des enquêteurs avec un jeune handicapé, suspect lui-aussi, susciteront le malaise mêlé à un ton franchement humoristique.

Mais le point le plus abouti est bien sûr la narration de Bong Joon-Ho, qui force le respect. Le réalisateur, à travers un rythme lent, sans jamais tendre vers l'ennui, ménage un suspens insoutenable. Chaque fois, une personne plus suspecte est recherchée et interrogée. L'enquête est donc en permanence réorientée selon ce qui se présente. L'intrigue principale n'en souffre pas, bien au contraire, c'est ce qui fait la richesse du film. Le fil conducteur est toujours présent dans les esprits, soit la recherche du coupable. Dans le même temps, cette recherche repose sur les fausses certitudes de chacun. Le cinéaste nous balade. Néanmoins, en fin de film, un individu se révèle plus suspect que les autres. Alors que l'on croit tenir le bon bout, ce qu'on pourrait voir comme un ultime retournement de situation, laissant libre cours à diverses interprétations, nous achève. Mais tout n'est pas encore terminé. Car le cinéaste nous réserve un échange final dantesque, qui se passe des années après, lorsque l'ancien inspecteur, reconverti, retourne sur les lieux des crimes des années après, et parle à une collégienne. Un échange qui retournera à la fois les spectateurs et tout criminologue averti. Retenez bien la réplique de fin : « Juste... ordinaire »... et le regard plein de détresse de Song Kang-Ho, filmé en gros plan. L'impression de voir une émotion pure et vraie, qui fait un grand acteur. Un gros plan dont la puissance équivaut à celui effectué par Martin Scorsese sur Ben Kingsley à la fin de Shutter Island.

Face à une réplique de fin culte (« juste ordinaire ») qui trouvera tout son sens lorsque vous regarderez le film (et vous le ferez), gageons que Memories of murder est quant à lui « juste » excellent. Intouchable, demeurant LE standard dans son genre aux côtés des plus grands films américains. Et surtout l'un des plus grands films asiatiques.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs