Contes de Terremer (les) - Collector - Actualité anime

Contes de Terremer (les) - Collector : Critiques

Critique du dvd : Contes de Terremer (les) - Collector

Publiée le Samedi, 12 Décembre 2009

Un Miyazaki ? Chouette. On se frotte les mains, on se régale d’avance … Et après coup on se dit qu’on aurait mieux fait, pour éviter la déception, de prêter attention au prénom du réalisateur : Goro. Le fils du maître de l’animation japonaise, donc. Le premier film du fils n’a pas connu un accueil enthousiaste, que ce soit en France ou dans son pays d’origine, justement à cause de ce nom commun. Comment, après être habitué au génie d’Hayao, peut-on visionner objectivement la première œuvre de son rejeton ? Le long métrage, adapté des romans Terremer d’Ursula K. Le Guin, nous raconte les aventures de Arren, prince d’Enlad en fuite après avoir tué son père … Celui-ci rencontrera Epervier, un magicien bienveillant qui le prend sous son aile et auquel il s’attache. Mais une ombre terrifiante pèse sur le jeune homme, une menace dont il ne peut se débarrasser, qu’il oublie un instant auprès du bonheur qu’il ressent, mais qui demeure. Sa route croisera celle d’Aracnéide, qui lui promet la paix et la vie éternelle … On le comprend d’ailleurs assez rapidement, ce que fuit Arren, c’est une partie de lui. Ce n’est pas son côté maléfique auquel il tente d’échapper, juste son humanité, qui induit sa mort. Durant tout le film, on ne manque pas de se voir répéter que la fuite de la mort entraîne le refus de vivre, que l’instabilité du monde et des gens vient de cette peur, qui permet pourtant à la vie de prendre racine. Bref, Goro Miyazaki défend farouchement le combat que l’on doit mener contre soi même, mais d’une manière totalement différente de celle de son père, qui passe par l’apprentissage, un parcours initiatique comme dans Le voyage de Chihiro.

Ici, Goro emploie un ton bien plus dur et direct que son père. Loin de se perdre en détours et en rêveries, il énonce très clairement ses idées et les thèmes de son film, qui ne sont pas aussi diversifiés qu’on aurait pu l’espérer. On s’étonne presque de voir ce genre de choses dans une production du studio Ghibli. Car même le très sérieux Tombeau des lucioles faisait l’étalage de la vie quotidienne, de la légèreté perdue et du rêve à n’en plus pouvoir. Ici, on se retrouve juste dans un dessin animé dur, presque moralisateur. Sans cesse sont évoqués la mort, le monde et ses vices (la drogue dans un film qui se dit être dans la descendance d’Hayao Miyazaki ?). Le meurtre du roi par le prince Arren instaure très tôt cette violence, pas forcément expliquée … On ne comprend pas d’où lui est venue cette pulsion, du moins pas sans passer par l’allégorie d’un détrônement du père par le fils … Goro Miyazaki chercherait il à ce point à s’imposer, à travers ce film ? Enfin, on perd une notion très précieuse et omniprésente dans les productions du studio : Goro garde la barrière des gentils / des méchants. Le manichéisme, que son père évite à tout prix, est ici tellement évident … L’Epervier et Aracnéide sont diamétralement opposés et constituent à eux deux les deux faces d’une médaille. On regrette très largement cette cruelle faute de goût, qui abaisse le film à une banale histoire dont on se désintéresse rapidement. Dans la même veine, pour garder un ton dénué de tout jugement, Hayao creusait chaque personnage et leur donnait une raison d’être, des motivations et une complexité certaine. Or Aracnéide, le méchant (déjà il faut se rendre compte que c’est un homme et pas une magicienne …) par excellence, n’est absolument pas travaillé ni exploité alors que c’est un des seuls personnages graphiquement original. Il veut la vie éternelle, point.

En parlant d’originalité … Le fils a bien du mal à se détacher du travail de son père, esthétiquement parlant. Dans le scénario, il fait moins bien en retenant un seul thème intéressant : l’aspect intérieur du vice (classique, mais efficace) chez tous les personnages, ainsi que la détresse face à la mort. Mais au niveau de l’animation, la ressemblance est flagrante. Et on sait bien que ce n’est pas que le studio qui veut ça, puisque le travail de Takahata se démarque largement de celui de son confrère, au contraire de celui de Goro. A part les décors urbains, plutôt agréables, les personnages et situations font indéniablement penser à certaines autres œuvres … Tout d’abord, l’évidence même du marasme noir qui englobe Arren dans son rêve et qui constitue Aracnéide : on la connait bien, cette boue sans nom, c’est celle qu’utilise régulièrement Miyazaki père, dans bon nombre de ses films les plus connus. Dans les scènes de vol, également, symbole même d’Hayao. Ces dragons aux chorégraphies aériennes ne sont d’ailleurs là que pour ça puisqu’au final, leur existence n’est nullement développée ou exploitée. C’est juste esthétique, et pour poser un monde un peu particulier. Même dans les caractères, on croit retrouver Ashitaka et sa princesse louve avec Arren et sa colère, ses expressions, jusqu’à son fidèle compagnon et monture ou Therru et sa force protectrice, son courage et son dédain premier. On aurait pu se satisfaire de ces clins d’œil et penser que Goro reprendra le flambeau du père, mais on est d’avantage déçus de ne pas le voir voler de ses propres ailes, même si l’animation en elle-même est réussie, que les musiques sont agréables … Par contre le décalage entre le mouvement des lèvres et le son est quelque peu déstabilisant, dans certaines scènes ou cela pourrait passer inaperçu.

Il semble alors impensable de parler du travail réalisé par Goro Miyazaki sur les Contes de Terremer sans le comparer à son père, bien malgré nous. Si seulement celui nous avait offert un peu d’originalité … En plus de ressembler de trop près aux influences d’Hayao, le film souffre de longueurs, perd parfois en dynamisme et se laisse regarder sans aucune passion ni sentiments. La morale est trop lointaine, la narration trop cadrée et limitée, les personnages trop peu singuliers et là encore définis, programmés. On ne ressent aucune impulsion, aucune légèreté fantaisiste, et il ne ressort rien de ce film, qui n’est pas mauvais, juste assez insignifiant. Et ce ne sont pas les quelques bonus (bandes annonces et création du chant interminable de Therru) qui remontent le niveau. Alors la presse japonaise a sans doute exagérée en le considérant comme plus mauvais long métrage de l’année, mais on comprend aisément le manque d’enthousiasme général.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
NiDNiM

13 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs