Le Bon, la Brute, le Cinglé - Actualité anime

Le Bon, la Brute, le Cinglé : Critiques

Critique du dvd : Le Bon, la Brute, le Cinglé

Publiée le Lundi, 18 Avril 2011

Durant les années 1930 en Mandchourie, un homme d'affaires est en possession d'une carte mystérieuse qu'il vend à un haut dignitaire japonais. Pour avoir le beurre et l'argent du beurre, il paie le plus célèbre tueur de la région. Lorsque ce dernier attaque le train où se trouve la carte, un voleur fou l'a devancé, sans toutefois connaître la valeur réelle de la carte. Dans le train se trouve aussi un célèbre chasseur de primes. Vous suivez ? Le Cinglé Yoon Tae-goo (Song Kang-Ho), voleur professionnel, prend possession de la carte. La Brute Park Chang-Yi (Lee Byung-Hun), tueur à gages, est payé pour récupérer la carte. Le Bon Park Do-won (Jung Woo-Sung), chasseur de primes, veut retrouver le Cinglé pour empocher la belle petite somme pesant sur sa tête. Un seul parviendra à ses fins, s'il réussit à se défaire de l'armée japonaise qui occupe la Mandchourie, des voyous chinois, des gangsters coréens... et de ses deux adversaires.

Le Bon, la Brute, le Cinglé est le film le plus cher de l'histoire du cinéma sud-coréen à l'heure actuelle, avec un budget de 17 millions de dollars, regardé par près de 7 millions de spectateurs en Corée du Sud. Au-delà des chiffres, qu'on se le dise, le nouveau film de Kim Jee-Woon, après A Bittersweet life, est une pure réussite, une leçon de cinéma combinant divertissement et innovations visuelles et sonores.

Le Bon, la Brute, le Cinglé, se concentre sur trois hommes, ayant chacun un objectif différent, se livrant une course-poursuite de tous les instants. L'un des aspects les plus grandioses du film est là. Jusqu'au final attendu, Kim Jee-Woon propose un rythme effréné, a su insuffler une sensation de vitesse permanente. Le genre course-poursuite retrouve ses lettres de noblesse. Kim Jee-Woon est généreux, en ce que tous les quarts d'heure, une scène culte succède à une autre. Trois sortent du lot. Le début du film montre l'attaque d'un train dans la plus pure tradition western (une scène visuellement épatante, on y viendra ultérieurement). Une fusillade dans un marché montre le talent du réalisateur pour faire dans le spectaculaire, tout en se permettant là encore des innovations sur le plan visuel : une scène d'action dans toute sa splendeur, montrant que le cinéma américain n'a pas le monopole. Mais c'est surtout une grande course épique qui saura convaincre tout le monde, époustouflante, pur délire cinématographique tellement plaisant devant le conformisme de certains contemporains. Dans le désert, chevaux, motos, voitures et tanks (oui, oui) se confondent dans un ballet d’explosions, pendant près de vingt minutes, le tout restant impeccablement lisible. Vous souvenez-vous des dessins animés Lucky Luke, avec le héros sur son cheval, poursuivi par les Indiens, eux-mêmes poursuivis par la cavalerie, eux-mêmes poursuivis par... Imaginez cela en dix fois plus déjanté, sans jamais que cela ne paraisse illogique (et c'est aussi une prouesse que de ne pas se laisser aller dans la facilité et la lourdeur). Le film de Kim Jee-Woon porte d'ailleurs l'empreinte assumée de la bande-dessinée, avec des décors et des couleurs pétantes et un délire permanent, dont on taira beaucoup d'éléments pour ne pas gâcher l'effet de surprise, qui joue beaucoup. Après tout cela, la scène finale en deviendrait presque anecdotique.

Comme la sensation de vitesse, l'humour est quasiment toujours présent. Il naît des situations rocambolesques et épiques, ainsi que de dialogues très riches. On retrouve la fameuse tchatche déjà présente dans Memories of murder de Bong Joon-Ho, une tchatche soi-disant empruntée à Tarantino. Et puisque l'on évoque ce dernier, comment ne pas affirmer que le Bon, la Brute, le Cinglé constitue un véritable pied de nez au réalisateur américain. D'une part en s'appropriant à merveille cette caractéristique « tchatche », marque de fabrique tarantinesque. D'autre part et surtout en montrant au maître qu'il est possible de l'égaler ou de le surpasser dans bon nombre d'aspects. Tarantino, initié au cinéma sud-coréen, a évidemment vu le Bon, la Brute, le Cinglé, et il l'a particulièrement apprécié. La bande-son, avec Don’t Let Me Be Misunderstood (guitare hispanique) déjà entendue dans Kill Bill, semble avoir été conçue pour le film de Kim jee-Woon. La folie visuelle a encore plus de charme une fois calquée sur cette bande-son.

Kim Jee-Woon profite de sa nouvelle création pour l'inscrire sur un fond historique particulier. L'action et l'humour sont tellement forts qu'ils ne laissent pas la place à une réflexion poussée sur la situation de la Corée. Mais cet aspect historique transparaît à travers la débauche à l'écran. Et si c'était là le souhait du réalisateur ? Exposer par le comique la situation de la Corée totalement anarchique dans les années 1930 ? L'armée japonaise, les gangsters coréens, les voyous chinois peuvent intervenir à tout moment : tous ayant une influence sur le territoire, ils se jettent à corps perdus dans la quête de la carte comme les trois personnages principaux. Intéressant de voir le réalisateur se moquer de tous ces groupes : l'armée japonaise mobilisant des moyens militaires et humains considérables pour une simple carte, les gangsters coréens violents, les voyous chinois benêts. Le scénario se complexifie de lui-même, joyeusement bordélique, en faisant intervenir des personnages à tout moment. Le cinéaste joue d'ailleurs avec beaucoup de malice, et une très agréable complicité avec le spectateur, sur cet aspect. Les voyous chinois, délicieusement barrés, loufoques, placés sur des points stratégiques (montagne...), discutent souvent, en essayant de comprendre ce qui se passe devant eux.

Le Bon, la Brute, le Cinglé montre la maîtrise de Kim Jee-Woon en étant visuellement détonant et très innovant. Notons la scène d'ouverture, avec un plan séquence à travers les wagons d'un train, basé sur des jeux de caméra en espace confiné ultra-dynamiques. Et le cinéaste excelle dans tous les domaines, avec une grande fusillade ou des scènes rendant hommage aux environnements de la Mandchourie de l'époque, posant sa caméra selon des points de vue où l'espace semble s'étendre à l'infini. Il varie les plaisirs et les effets de mise en scène pour construire un film riche et généreux.

Les liens avec le classique de Sergio Leone (le Bon, la Brute, le Truand) sont bel et bien présents mais Kim Jee-Woon en fait une application très personnelle. Le cinéaste substitue au cadre historique de la guerre de Sécession celui de la Mandchourie des années 1930. On retrouve pas mal de scènes mythiques, comme le Bon qui traîne le Cinglé à travers le désert tiré par son cheval, ou encore les deux « ennemis » faisant équipe momentanément, et évidemment le célèbre combat final à trois.

Côté casting, le sans-fautes est évident. Lee Byung-Hun en Brute montre que l'acteur sait s'adapter à tout, tantôt cruel, tantôt froid. Le Cinglé est interprété par Song Kang-Ho. Véritable pilier de l’aspect comique du film, il tient là son meilleur rôle depuis Memories of murder et JSA, puisqu'il semble s'éclater avec son personnage excentrique. Enfin, Jung Woo-Sung, qui incarne le Bon, est moins connu en Occident. Ce serait une erreur monumentale de considérer que ce dernier n'est pas à la hauteur des deux autres. Avec une interprétation juste et étonnante, il rentre parfaitement dans le rôle et on aimerait vraiment le voir plus souvent après ça.

Soulignons l'absence totale de bonus dans l'édition simple. Aucun détail donc sur le tournage du film le plus cher du cinéma sud-coréen. Un joli bravo (ironique) pour l'éditeur, tout ça fait très pingre.

Avec le Bon, la Brute, le Cinglé, Kim Jee-Woon ne se limite clairement pas à un pot pourri du western spaghetti. Son film a une identité très forte. Plus que maîtrisé, le film s'approprie et joue sans mal avec les codes du western. Un des meilleurs films en provenance de la Corée du Sud.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs