Ikigami - Préavis de mort - Blu-Ray - Actualité anime

Ikigami - Préavis de mort - Blu-Ray : Critiques

Critique du dvd : Ikigami - Préavis de mort - Blu-Ray

Publiée le Vendredi, 06 Février 2015

Dans un Japon contemporain, une loi a été votée pour assurer la prospérité de la nation : chaque enfant, dès l'âge de six ans, se voit obligatoirement inoculer une substance à son entrée à l'école. Conséquence de cette injection, un "vacciné" sur mille mourra d'une crise cardiaque entre sa dix-huitième et sa vingt-quatrième année, rappelant à tout un chacun la valeur de la vie.
Afin de profiter pleinement de leur ultime journée sur Terre, ces derniers recevront un préavis de mort, l'Ikigami, qui leur sera délivré vingt-quatre heures avant leur décès.





Ce film est l'adaptation du manga de même nom. En voici notre critique.

Les différentes visions d'un futur alternatif se déroulant dans un avenir proche sont le reflet d'une société en continuelles remises en question d'elle-même. La même question nous vient tous un jour en tête : "Et si... ?" Cependant, peu d'adaptations cinématographiques peuvent se targuer d'avoir atteint un tel degré d'excellence dans la réalisation et la maîtrise d'une telle idée. Le Japon, en la personne de Kinji Fukasaku, avait déjà réussi ce pari avec le film Battle Royale, sorti en 2000 sur l'archipel, puis l'année suivante en Europe. Il y était question une fois encore d'une loi censée œuvrer pour le bien de tous, à laquelle les gens se pliaient à la fois par respect, mais aussi par crainte. En cela, Ikigami suit le même cheminement.





Quatre histoires sont reprises du manga original de Motoro Mase, provenant des tomes un et trois, disponibles en France aux éditions Kaze Manga. Leur ordre d'apparition est le même que dans le récit original, à ceci près que nous sommes ici face à une adaptation, et que le déroulement en est légèrement altéré. Ainsi, l'épisode "Aux confins de la vengeance" sert de prologue au film, sur fond de discours officiel narré par Shota Matsuda, l'interprète de Fujimoto, personnage principal du film. Cette introduction s'avère très révélatrice de l'univers papier, en imposant directement la marque du seinen, et ce dès les premières minutes.





Le réalisateur, Tomoyuki Takimoto, a par ailleurs choisi des tons grisâtres afin de mettre en valeur un Japon sale, rarement filmé de si près, s'immisçant dans le terne quotidien de ses habitants. Les scènes où la couleur est maîtresse sont réservées aux séquences de flash-back, comme pour évoquer un souvenir chatoyant, à l'opposé de la dure réalité. Il n'est donc pas étonnant de voir le film se focaliser sur les victimes de l'Ikigami plutôt que sur son délivreur et protagoniste central. Cela se ressent notamment par l'utilisation de la caméra à l'épaule dans la grande majorité des plans, surtout situés en intérieurs. Elle donne une proximité humaine aux personnages et au drame qu'ils vivent lorsqu'ils apprennent la nouvelle. Le spectateur est ainsi pleinement immergé dans l'histoire dont il sait d'ores et déjà la finalité pour chacun des condamnés. Pourtant, c'est du temps qu'il reste à ces derniers dont il est question, et de leur différente façon de réagir. Qu'il s'agisse d'une vengeance, d'une volonté d'exister, de rétablir la vérité, ou tout simplement d'aider, ces quatre récits interpellent le spectateur, s'adressent directement à lui, le plaçant au cœur de la narration.





Privilégiant ainsi les relations humaines, la musique d'Hibiki Inamoto se fait discrète, préférant renforcer les scènes les plus dures psychologiquement afin d'en appuyer les répercussions pour les rendre inquiétantes, intenses, soutenues. Ainsi, l'adaptation de "Chute Libre", la première histoire du tome 3, sera certainement la plus choquante, tant son portage à l'écran est au moins aussi vibrant que Motoro Mase l'avait décrit à l'origine. Et si certains plans papier ont été abandonnés, le long-métrage s'en retrouve au final magnifié, grâce à l'interprétation poignante de chacun de ses acteurs, dont le casting ne sera pas inconnu aux fans de dramas. On notera aussi la présence de la fameuse Aria de Jean-Sébastien Bach, soutenant une autre scène tragique, de Battle Royale cette fois.





Là où le manga prenait le parti de montrer des scènes sous un angle chaleureux, la différence de température qui se fait sentir dans les séquences homologues n'est pas sans rappeler des références du film noir américain, à commencer par Gattaca dont la synergie ne fera aucun doute auprès du spectateur averti. Exit donc le sourire de Monsieur Ishii, la petite mairie tranquille et le quotidien du jeune Fujimoto : place aux bureaux en open space impersonnels, aux salles froides et obscures, au monde aseptisé où la simple pensée peut relever du crime à la 1984.



Une multitude de plans provient ainsi directement des nombreuses caméras de surveillance placées dans le film, constituant un hommage frappant à l'ouvrage de George Orwell et à son Big Brother. Ceux qui se rebellent contre le système se retrouvent purgés, contraints de devenir de bons citoyens bien-pensants, sous peine de se faire, eux aussi, directement injecter la fameuse capsule responsable de la mort de tant d'innocents. L'erreur administrative n'existait pas dans le manga, le film s'en retrouve donc exempté, mais cela n'évite pas les écarts de conduite très Brazil de notre jeune héros qui ira jusqu'à braver les règles avec "le plus pieux des mensonges"...





Adapté au cinéma alors que la publication nippone d'Ikigami n'était toujours pas terminée, le film de Tomoyuki Takimoto peut-il décemment se permettre d'inventer une fin, comme d'autres adaptations se le sont tant de fois permis, au mépris de l'œuvre originale ? Oui et non, car le long-métrage n'a pas de dénouement à proprement parler. Le réalisateur offre là une ouverture vers une seconde transposition, qui pourrait notamment exploiter le personnage de Mademoiselle Okubo, volontairement laissée de côté dans le film. La conclusion d'Ikigami propose donc une boucle intéressante qui, en cette période de soi-disant pandémie de grippe aviaire, nous pousse davantage à nous poser la question fatidique : "Et si... ?"



Gorkab Nitrix
Critique 1 : L'avis du chroniqueur


18 20
Note de la rédaction