Eden of the East - Intégrale - Actualité anime

Eden of the East - Intégrale : Critiques

Critique du dvd : Eden of the East - Intégrale

Publiée le Mardi, 12 Juillet 2011

Quelques années après le grand succès de la saga Ghost in the Shell - Stand Alone Complex et Seirei no Moribito, le talentueux Kenji Kamiyama, poulain de Mamoru Oshii, revient en 2009, toujours au sein des studios Production IG, avec une toute nouvelle série, dont il est, cette fois-ci, également le scénariste: Eden of The East, projet ambitieux de 11 épisodes suivis de deux films, et revue ensuite par le biais de deux romans écrits par le réalisateur lui-même. La série fut diffusée dans la case horaire noitaminA de Fuji TV, qui propose, par le biais de séries le plus souvent assez courtes, une exploration plus profonde des possibilités qu'offre l'animation, ce qui aboutit généralement sur des oeuvres uniques et originales.
Dans ce nouveau succès accueilli avec les éloges par les critiques et les fans, Kamiyama propose, dans un futur très proche (voire dépassé à présent), une saga aux multiples facettes, qui offre dès le début une atmosphère résolument unique.
Pour cela, le réalisateur a su s'entourer de noms prestigieux. Ainsi, on retrouve à la partie musicale le célèbre vétéran Kenji Kawai, qui a déjà enchaîné, depuis près de 30 ans, les succès, en ayant notamment travaillé sur Maison Ikkoku, l'ensemble de la saga Ghost in the Shell (les premiers film d'Oshii compris), Fate/Stay Night, et en s'étant également illustré au cinéma dans des films comme Seven Swords de Tsui Hark ou le film d'horreur Ring. Quant au character design, il a été confié à la populaire mangaka Chika Umino, auteure du succès Honey & Clover, qui planche depuis 2007 sur sa nouvelle série, Sangatsu no Lion, nouveau succès au pays du soleil levant.

Japon, 2010. Le pays subit de plein fouet une attaque terroriste de grande ampleur. Une dizaine de missiles frappent la nation. Pourtant, comme par miracle, aucune victime n'est à déplorer. Quoi qu'il en soit, cet événement aussi funeste qu'étrange est depuis nommé le "lundi funeste".
Washington, 2011. Alors qu'elle est en voyage avec ses amis étudiants, la jeune Saki Morimi s'écarte du groupe et en profite pour faire un halte devant la Maison Blanche. Alors qu'elle est abordée par des policiers suspicieux, un étrange jeune homme sort de nulle part, entièrement nu, mais ne se pose pas de questions quant à ce qu'il fait là dans cet accoutrement et s'échappe sous les yeux des policiers qui étaient sur le point de l'interpeller, le tout après avoir aidé Saki, qui lui prête son manteau pour le remercier. Amnésique et armé, Akira Takizawa, puisque c'est son nom, est bientôt recherché par la police en tant que terroriste. Quant à Saki, elle reste intriguée par cette rencontre fortuite et décide de retrouver le jeune homme. Serait-ce là le prince charmant qu'elle attendait, celui qui serait à même de la sortir du train-train quotidien auquel elle semble destinée ?
Ensemble, Saki et Akira finissent par regagner le Japon, où un nouvel événement les attend: un nouvel attentat a eu lieu, et cette fois-ci, il y a eu des victimes. Pire encore, il semblerait qu'Akira, notre cher amnésique, ait un rôle à jouer dans tout ça. Seul indice: un téléphone portable qu'il a en sa possession , et qui est associé à un compte en banque crédité de 10 milliards de yen...

C'est ainsi qu'est présentée la série, qui, sous des allures d'abord assez classiques, va rapidement se démarquer pour proposer une aventure totalement unique, un véritable ovni.

L'ovni, on le sent arriver dès le visionnage du premier épisode. Malgré un fond assez dramatique fait d'attentats et de courses-poursuites contre la police, le début d'Eden of the East donne le ton quant au savant mélange de la série. Sous couvert d'une ambiance que l'on pourrait qualifier de tranche de vie, la rencontre entre Saki et Akira se fait avec éclat. Le jeune homme, apparaissant pour la première fois nu comme un ver, n'en a que faire et réagit avec le plus grand naturel face aux policiers et à Saki. Qu'on se le dise, le héros que l'on tient ici, détaché, ne sera pas comme les autres. Quant à Saki, sa première vision d'Akira la met évidemment dans l'embarras et crée d'emblée une petite dose d'humour plus fine qu'on pourrait le croire, et c'est tout naturellement que la jeune femme devient complètement intriguée par ce garçon à des années-lumière des autres. Très vite, le lien entre ces deux héros apparaît naturel et voué à être mouvementé, et c'est tout naturellement qu'arrivé à la fin du premier épisode, on est déjà sous le charme de ce duo.

Les choses sérieuses ne commencent qu'ensuite, quand les deux jeunes gens reviennent au Japon. Les événements alentours sont dramatiques, et les mystères liés à Akira intriguent de plus en plus. Qui est-il vraiment ? Quel est cet étrange portable qu'il a en sa possession ? Et ce compte en banque regorgeant d'argent ? La vérité se dévoile petit à petit aux yeux du jeune homme, qui se retrouve pris dans un étrange jeu dont il ne cherchera alors plus qu'à éliminer le créateur. Mais tout n'est pas si simple. Sous ses airs insouciants, pas question pour lui de dévoiler toute la vérité à Saki, déjà très occupée avec l'"Eden of the East", son club de NEET, étudiants un peu paumés, sans emploi et nourrissant d'autres ambitions que la vie rangée qu'ils auraient dû trouver, selon les bonnes volontés de la société. Pourtant, petit à petit, les affaires de nos deux héros pourraient bien se rapprocher. Une énigme, celle concernant 20 000 NEET disparus sans laisser de traces comme par enchantement, occupe les esprits, et Akira se retrouve bientôt obligé de faire face à d'autres membres du jeu dont il fait partie...

Ainsi, de fil en aiguille, les choses s'emballent au fur et à mesure des épisodes, et le spectateur se retrouve plongé en plein mystère, les choses ne se dévoilant que petit à petit autour d'Akira et révélant à chaque fois un peu plus d'ambitions. On évitera ici d'en dire plus quant à l'évolution du scénario car il serait dommage de dévoiler toute les richesses de l'oeuvre, mais il faut savoir qu'en filigranes, ce qui se présente au départ que comme un jeu mortel basé sur les téléphones portables revêt rapidement de tout autres considérations, puisque le fond en vient vite à dresser le portrait d'un société nippone pourrie jusqu'à la moelle, de plus en plus exigeante et impitoyable vis-à-vis de celles et ceux qui ne rentrent pas dans son moule. Et en tête de file, les hikikomori, restant cloîtrés chez eux, et surtout les NEET, ces jeunes adultes peu sûrs de l'avenir qu'ils souhaitent, célibataires, sans emploi, ne cherchant pas de formation qui pourrait les amener à entrer de plein pied dans le monde du travail.
Ces NEET, Saki en fait partie, au sein de son club composé de personnages hauts en couleurs, du chef fiable à la jeunette en apparence bourrue, en passant par Satoshi, jeune homme amoureux de Saki, dont le statut de NEET est sur la fin car il aimerait à tout prix se fondre dans le moule et devenir un employé modèle dans une société.
 
Kenji Kamiyama offre ici une vision habile de la place de plus en plus importante des NEET dans la société nippone d'aujourd'hui, puisque ceux-ci seraient, à l'heure actuelle, plus de 850 000. Cette vision passe évidemment par plusieurs points. De manière générale, l'ensemble se veut très critique quant à la façon qu'a le pays de les considérer. A travers les aventures d'Akira au fil de la série, Kamiyama offre une vision ambitieuse et osée du rôle de ces jeunes adultes. Enfin, le club de l'"Eden of the East" est l'occasion de suivre de manière un peu plus intimiste l'évolution de certains d'entre eux. Ainsi, si Saki, en suivant Akira pour lequel elle s'est prise de passion, cherche à tout prix à s'échapper de la vie qu'on essaie de lui imposer, Satoshi souhaite rentrer dans le moule de la société (mais le réalisateur lui offrira, sur la fin, une habile évolution). De ce fait, la rivalité amoureuse qui se crée entre Satoshi et Akira (ce dernier n'ayant d'ailleurs pas conscience de cette rivalité, ou s'en fichant pas mal) constitue un bien beau moyen de voir les différents aspects et de l'utilité que peuvent avoir ces NEET. Saki préfère de loin suivre Akira... Et si l'avenir se situait dans une révolution des NEET ?

En somme, on ne s'attardera pas plus longtemps sur le scénario, qui dévoile au fil des épisodes une complexité et une pertinence que l'on n'attendait pas forcément, le tout sous couvert d'une histoire de base qui ne laissait aucunement présager cela, et qui développe ces thèmes sans jamais insister lourdement dessus. Preuve d'un scénario excellemment conçu.
Le fond de l'intrigue est bien plus profond qu'il n'y paraît au premier abord, et d'ailleurs, sa complexité et ses rebondissements parfois tirés par les cheveux mais totalement assumés et collant bien à l'ensemble demandent souvent de rester très attentif, car il pourrait être assez aisé de se perdre un peu, même si l'oeuvre, grâce à ses autres aspects comme la romance naissante entre Saki et Akira, peut être tout à fait suivie même si l'on passe à côté de certaines choses.

Comme cerise sur le gâteau, Eden of the East se paie en plus le luxe de regorger de références cinématographiques parfaitement visibles, comme celles au Grand Bleu de Besson ou à Zombie de Romero, ou plus subtiles. Riche, la série l'est vraiment sur de nombreux points.

Pourtant, il apparaît évident qu'un nombre d'épisodes plus élevé aurait pu être judicieux. Les thèmes abordés le sont sous plusieurs aspects, sont nombreux et souvent profonds, et arrivé à la fin de cette courte série, on constate que le rythme a parfois été très rapide et que certains points auraient pu être plus développés ou mieux amenés. Mais quoi qu'il en soit, la puissance des sujets évoqués est là et donne à réfléchir, et la conclusion, bien qu'assez ouverte, est magnifique de par son esthétisme, son aspect décalé et ses références au film Zombie de Romero (remplacez les zombies par des NEET !), et nul doute que les films, d'ores et déjà prévus chez Kazé, viendront apporter encore un peu plus de profondeur à l'ensemble.

Eden of the East est une série riche, qui aborde de nombreux thèmes, parfois assez sombres, et par le biais d'événements dramatiques comme les attentats. Pourtant, pas question d'instaurer ici une ambiance sombre, c'est même tout le contraire, et c'est bien ce qui rend l'ensemble si unique. L'humour est présent, notamment grâce à des personnages attachants et très vivants, l'ambiance est rendue légère de manière quasiment permanente grâce à une esthétique chaleureuse et un Akira dont le brin de folie et l'insouciance en font un héros assez unique. Les relations entre les personnages sonnent très juste, et la petite pointe sentimentale apportée par le triangle Akira/Saki/Satoshi, digne de shôjo, apporte une certaine fraîcheur alors qu'elle est également un bon moyen pour Kamiyama de développer ses thèmes. Et ce mélange de tons audacieux et réussi en tous points est peut-être ce qui fait la plus grand force d'Eden of the East et fait de la série un véritable ovni complètement unique. Kamiyama offre une série à la fois divertissante, critique et intelligente, mais ne prend jamais ses spectateurs ou ses cibles de haut.

Du côté de la réalisation, tout simplement, cela faisait longtemps qu'une série d'animation japonaise n'avait pas été aussi bluffante techniquement.
Pour une série, l'animation est d'excellente facture et digne de certains longs-métrages animés.
La mise en scène est impeccable et offre régulièrement de grands moments (citons encore cette conclusion !).
Mais ce qui frappe par dessus tout, c'est l'incroyable finesse des décors urbains: les vues de la ville, que ce soit de loin ou de l'intérieur-même de celle-ci, sont magistrales, le souci du détail est omniprésent, l'ensemble se veut ultra-réaliste et y parvient avec brio. Il en est de même pour les vues du ciel.
Et là où l'on pouvait reprocher à Ghost in the Shell - Stand Alone Complex un souci de décors réalistes qui rendait parfois l'oeuvre très froide, Kenji Kamiyama a, ici, eu l'idée de génie de faire appel à Chika Umino pour le character design. Sincères, fins, chaleureux, très expressifs et parfois mignons (comment ne pas craquer sur Saki ?), les physiques des personnages contribuent totalement à l'ambiance unique de la série, appuyant l'humour quand il le faut avec finesse, accentuant les liens entre les protagonistes, dévoilant des couleurs assez vives du plus bel effet, s'intégrant étonnamment bien à l'ensemble. Le travail de la mangaka est ici remarquable en tous points.
Enfin, le travail de Kenji Kawai sur la partie sonore sait se faire présent quand il le faut.

Qu'il fait du bien, à l'heure où l'animation japonaise est en crise, où la majorité de ce que l'on nous sert n'est qu'adaptations de mangas ou de jeux, de voir une création originale aussi unique et ambitieuse ! Savant mélange de tons, abordant de nombreux thèmes sous différents angles et se faisant critique sans pour autant être moralisatrice, tout en proposant un divertissement attachant et esthétiquement magnifique, Eden of the East est l'une de ces séries qui redonnent ses lettres de noblesse à l'animation japonaise, et que l'on classera sans hésitation parmi ce que l'on a pu voir de meilleur dans le genre depuis quelques années.

L'édition de Kazé est très bonne. Image et son sont d'excellente facture, et l'éditeur nous offre, en plus de la version originale sous-titrées, un doublage français très correct.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs