Manganews - Wet moon https://www.manga-news.com Toute l'actualité du manga : présentation de toutes les séries sorties en France, le planning, les résumés, les auteurs, les éditeurs, manga en ligne, dossiers... Fr Sat, 04 05 2024 05:20:50 +0200 manga-news.com http://blogs.law.harvard.edu/tech/rss manga-news Commentaire de Anvil https://www.manga-news.com/index.php/serie/Wet-moon urn:md5:a1e3543dd0e7978e44d89e89a7282903 Sun, 14 Feb 2016 19:05:53 +0100 manga-news <div class=rvi-review-content><p>S'il fallait r&eacute;sumer le manga Wet Moon en quelques points, quatre s'imposeraient :</p><p>Le manga est, d&rsquo;abord, ... un malentendu. La premi&egrave;re fois que j&rsquo;ai vu passer le titre entre mes doigts, j&rsquo;ai lu &laquo; Wet Mom &raquo;. J'en ai donc d&eacute;duit que cette &oelig;uvre n&rsquo;appartenait pas vraiment &agrave; mes lectures habituelles. Mais en parcourant les pages, j&rsquo;ai rapidement ajout&eacute; le o manquant pour &ecirc;tre en pr&eacute;sence d&rsquo;une &laquo; Lune moite &raquo;&hellip; le titre des deux premiers chapitres.</p><p>La s&eacute;rie est, ensuite, une exp&eacute;rience olfactive. Oui, vous avez bien lu. C&rsquo;est la premi&egrave;re fois que l&rsquo;odeur d&rsquo;un livre me semble correspondre &agrave; son contenu, nous donner une sorte d&rsquo;avant-go&ucirc;t de l&rsquo;atmosph&egrave;re. Je ne sais pas si cela vient du proc&eacute;d&eacute; d&rsquo;impression, de la mani&egrave;re dont l&rsquo;ouvrage fut transport&eacute;, entrepos&eacute; etc. mais cette s&eacute;rie a une odeur. (Je ne sais pas si elle a un go&ucirc;t car je n&rsquo;ai pas pouss&eacute; le bouchon au point de go&ucirc;ter une page ou deux.)</p><p>C&rsquo;est aussi une exp&eacute;rience visuelle qui s'offre &agrave; nous : l&rsquo;agencement des planches m&rsquo;a fait penser au travail entrepris par Eiji Otsuka et Kamui Fujiwara pour <em>Unlucky Young Men</em>, avec une approche tr&egrave;s cin&eacute;matographique. Ici aussi une telle approche est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre m&ecirc;me si elle ne se manifeste pas de la m&ecirc;me mani&egrave;re (notamment dans le rendu graphique). A travers le d&eacute;coupage des cases, les gros plans, l&rsquo;agencement des d&eacute;cors, les contre-plong&eacute;es&hellip; Atsushi Kaneko d&eacute;ploie toute une panoplie qui inscrit son &oelig;uvre du c&ocirc;t&eacute; du septi&egrave;me art. Et ce n&rsquo;est pas un hasard car l&rsquo;auteur a con&ccedil;u <em>Wet Moon</em> pour que <a href=http://www.mangamag.fr/dossiers/interviews/interview-atsushi-kaneko-se-film-noir/ rel=nofollow target=_blank>l'histoire du manga devienne un film</a>.</p><p>Enfin, le manga propose une exp&eacute;rience de lecture qu&rsquo;on ne rencontre pas tous les jours. Le temps est sans doute la notion centrale dans la s&eacute;rie, coupl&eacute;e avec celle de lieu. Pourquoi ? Parce que dans ce manga on ne sait pas trop o&ugrave; on est, o&ugrave; on va voire&hellip; qui nous sommes. On se perd et, le pire (?), c&rsquo;est qu&rsquo;on finit par en redemander ! La faute en incombe bien &eacute;videmment &agrave; l&rsquo;auteur : Atsushi Kaneko joue avec Sata, le personnage principal, et avec les lecteurs. L&rsquo;inspecteur est victime d&rsquo;hallucinations aussi des blancs, des ellipses ne sont pas rares. On &eacute;tait &agrave; l'instant t dans un lieu l et nous voil&agrave; ailleurs sur la page suivante, dans le futur ou dans le pass&eacute;. Pour se rep&eacute;rer on peut toujours regarder si Sata a ou non sa cicatrice au niveau de la tempe droite (s&rsquo;il ne l&rsquo;a pas c&rsquo;est que nous sommes dans le pass&eacute;). Pour le lieu on le d&eacute;couvre par la suite, sauf si Sata est sur la Lune car l&agrave; on sait qu'il d&eacute;raille, qu&rsquo;il a &laquo; <em>les fils qui se touchent</em> &raquo; car pour lui &laquo; <em>il n&rsquo;y a absolument aucune chance pour que les hommes aillent un jour sur la Lune</em> &raquo; (une phrase moins anodine qu&rsquo;il n&rsquo;y para&icirc;t, vous verrez en lisant la s&eacute;rie).</p><p>On accompagne donc notre inspecteur dans ses tribulations et hallucinations (les fourmis qu'il voit sur les autres, le sol...) et on a le tournis. Sata a un bout de m&eacute;tal dans le cr&acirc;ne, qui lui provoque ses pertes de m&eacute;moire, troubles&hellip; Alors que son m&eacute;decin lui recommande de prendre du recul, de ne pas continuer &agrave; travailler, le jeune inspecteur ne l&rsquo;&eacute;coute pas. Il s&rsquo;ent&ecirc;te : il veut retrouver Kiwako Komiyama, la meurtri&egrave;re suppos&eacute;e d'un artisan/ing&eacute;nieur travaillant pour un programme spatial. Il la poursuit en placardant des affiches d'elle un peu partout dans Tatsumi &ndash; il imprime lui-m&ecirc;me les affiches. Un tel z&egrave;le ne lui vaut pas que des amiti&eacute;s. Il en fait trop, bondit sur la premi&egrave;re personne qui dit avoir vu Kiwako... Il d&eacute;range. Pourquoi un tel acharnement ? Une telle obsession ? En la retrouvant il esp&egrave;re comprendre ce qui lui est arriv&eacute;, comment la poursuite s'est termin&eacute;e, comment il a &eacute;t&eacute; &laquo; accident&eacute; &raquo; mais on comprend qu'au-del&agrave; de ces raisons il y a autre chose. Cette course-poursuite infernal se d&eacute;guste &agrave; volont&eacute; et j'ai &eacute;norm&eacute;ment appr&eacute;ci&eacute; ce qui se passe dans les chapitres 19 et 20 du tome 3 avec la fuite dans la station service puis dans la maison inhabit&eacute;e.</p><p>En plus de cette (en)qu&ecirc;te, Sata doit composer avec des coll&egrave;gues sympathiques en apparence (le capitaine Mori par exemple) mais qui se m&eacute;fient de lui. Il faut dire que la police ne semble pas bien nette, &agrave; tremper dans des affaires louches o&ugrave; on retrouve le maire et la mafia. Sata n&rsquo;est pas l&agrave;-dedans aussi il repr&eacute;sente un risque potentiel, surtout avec sa &laquo; fragilit&eacute; psychique &raquo; du moment. Ajoutons un soup&ccedil;on de myst&egrave;re avec diff&eacute;rents individus qui n&rsquo;auraient pas vol&eacute; leur place dans les aventures de <em>Blake et Mortimer</em> et un myst&eacute;rieux informateur, Tamayama, dont la seule &eacute;vocation suffit &agrave; plomber l'ambiance d'une salle, et qui pourrait aider notre inspecteur.</p><p>L&rsquo;intrigue se d&eacute;roule dans les ann&eacute;es 1960, p&eacute;riode marqu&eacute;e par la course &agrave; la Lune. Cette conqu&ecirc;te spatiale imprimera sa marque discr&egrave;te au fil des pages. La Lune est alors un &eacute;l&eacute;ment important dans le manga. Pas seulement &agrave; cause de sa conqu&ecirc;te et de ses apparitions r&eacute;currentes &ndash; &agrave; tel point qu&rsquo;on finit par avoir l&rsquo;impression que le manga se d&eacute;roule de nuit tant on pr&ecirc;te peu attention &agrave; ce qui se passe de jour &ndash; mais aussi &agrave; cause du parall&egrave;le qui s&rsquo;&eacute;tablit entre la Lune version M&eacute;li&egrave;s (1902) et Sata : obus dans l&rsquo;&oelig;il pour la premi&egrave;re, bout de m&eacute;tal dans le cr&acirc;ne pour le second, il y a comme un air de famille&hellip;</p><p>Finalement, au fil des pages, des sc&egrave;nes de f&ecirc;te hypnotiques, des personnages hors normes, des d&eacute;ambulations plus ou moins alcoolis&eacute;es de Sata, on profite peu de la station baln&eacute;aire. La plage ne sert pas &agrave; se baigner mais &agrave; voir Sata courir apr&egrave;s Kiwako ou un type qui s'enfuit. On peut m&ecirc;me se demander si on est bien au Japon tant la distance semble parfois mince entre ce qui se passe dans <em>Wet Moon</em> et ce que l&rsquo;on peut retrouver dans les films policiers am&eacute;ricains traitant de tels th&egrave;mes &ndash; point &eacute;voqu&eacute; du reste par le synopsis (rapprochement Tatsumi - Las Vegas). De plus, l&rsquo;univers du manga se d&eacute;voile tout au long des trois tomes, laissant le lecteur en mode d&eacute;couverte pour un bon moment : nous ne sommes pas en vase clos mais dans un monde qui se d&eacute;ploie... pour mieux nous entra&icirc;ner et nous engloutir, nous impr&eacute;gner de cette atmosph&egrave;re pesante.</p><p>Deux mots sur l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise &ndash; il serait dommage de ne rien en dire : les trois tomes sont en format 13 cm par 18 cm ce qui permet de les manipuler sans difficult&eacute;. Les couvertures cartonn&eacute;es sont agr&eacute;ables au toucher et j&rsquo;adore la page presque transparente qui figure au d&eacute;but des volumes. La traduction est tr&egrave;s agr&eacute;able, le propos des personnages est fluide et se lit d'une traite. En somme il n'y a pas grand-chose &agrave; commenter parce que le travail est tr&egrave;s bien fait.</p><p>Le moment est venu de conclure notre parcours. Avec <em>Wet Moon</em> vous avez du deux en un : d'abord un manga en trois tomes, proposant une histoire assez folle, une course-poursuite qui ne vous laissera pas insensible en vous donnant le tournis tandis que vous explorez la face cach&eacute;e du monde. Ensuite c&rsquo;est un film noir couch&eacute; sur le papier qui vous donnera acc&egrave;s &agrave; une s&eacute;ance de cin&eacute;ma sans avoir besoin de bouger de chez vous ou d'allumer un &eacute;cran. Pas mal non ? Ce premier contact, pour ma part, avec Atsushi Kaneko se termine donc de mani&egrave;re plus que positive. Un vrai coup de c&oelig;ur.</p><p><em>Wet Moon</em> a re&ccedil;u le <strong class=d-offset>Prix Asie de la Critique ACBD 2014.</strong></p></div> https://www.manga-news.com/public/images/membres/.Anvil-erased_avatar_s.jpg