Manga Interview de Christel Hoolans pour les 20 ans de Kana
Cette année 2016 est représentative de la longévité des éditions Kana, qui fêtent leur 20ème anniversaire et restent l'un des piliers du marché du manga en France.
Pour évoquer avec nous cet évènement, nous avons eu le plaisir de rencontrer Christel Hoolans, directrice éditoriale de Kana. Nous reviendrons sur ce premier semestre 2016, le phénomène Naruto, et bien d'autres choses.
Manga-news: Vous travaillez chez Kana depuis son lancement il y a 20 ans. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours au sein de Kana ?
Christel Hoolans: J'ai commencé comme stagiaire chez Kana il y a 20 ans au moment du lancement de Kana. Par la suite j'ai exercé une multitude de tâches sur de nombreux postes différents. J'ai d'abord été assistante polyvalente avant de travailler sur la fabrication de nos livres. J'ai aussi travaillé sur la promotion et le suivi des sorties de Kana. Après ces quelques années, Yves Schlirf, directeur éditorial de Kana à l'époque, m'a recruté pour le poste d'assistante éditoriale. Quelques années après je suis moi-même devenue directrice de collection, puis directrice éditoriale et je suis aujourd'hui directrice générale déléguée des éditions Kana.
Aujourd'hui, quel est le rôle d'Yves Schlirf au sein de Kana ?
Yves reste le fondateur de Kana et notre maître à tous, mais depuis environ trois ans il se concentre sur la bande-dessinée.
Kana fête ses 20 ans cette année. Que représente pour vous cet anniversaire ?
Ces 20 ans célèbrent une superbe aventure, aussi bien humaine qu'éditoriale. C'est fabuleux de participer à la création d'une maison d'édition, d'autant plus qu'à l'époque peu de personnes s’enthousiasmaient pour le manga en France. Nous nous sommes battus pour installer le manga dans l'hexagone, et ça n'a pas été simple car le manga n'avait pas une bonne image dans les années 90. Lors du lancement de Kana, nous avions pour objectif de faire connaître la culture japonaise tout en montrant les aspects positifs du manga, alors que beaucoup pensait qu’il ne s’agissait que de sexe et de violence...
Durant les 10 premières années, nous avons dû faire face à une levée de boucliers provenant de milieux divers. On a notamment reçu des lettres incendiaires d'associations de parents et familiales. Ça a été difficile, mais aujourd'hui quand je regarde en arrière je suis fière du chemin parcouru. Kana est une belle maison, qui a participé au façonnement du marché du manga en France tel qu'il l'est aujourd'hui.
Vous venez d'inaugurer votre collection Kodomo avec la sortie des séries Ichiko & Niko et Puzzle & Dragons Z. Ces deux sorties sont-elles un test ou avez-vous d'ores et déjà l'intention de publier d'autres albums du même genre dans ce label ?
Dans nos premières années, nous avons publié principalement du shônen avant de nous intéresser au seinen et au shôjô. Aujourd'hui, il nous paraissait fondamental de nous installer sur le segment du kodomo, afin de recruter des jeunes lecteurs qui pourront par la suite découvrir les séries plus matures de notre catalogue. Pour nous, recruter le lecteur dès son plus jeune âge est primordial, c'est pourquoi nous avons lancé ces deux séries très différentes, qui peuvent plaire à un large panel de jeunes lecteurs. D'un côté, on a Ichiko et Niko qui plaira plus à un lectorat de jeunes filles et de l'autre Puzzle & Dragons Z qui est à la base un jeu et qui s'adresse plus aux garçons.
On va faire effectivement différents tests, mais on sait que l'installation de ce segment en France risque d'être assez longue. Pour Ichiko et Niko, nous avons fait une campagne promotionnelle dans le magazine Les P'tites sorcières et avons eu des retours très positifs.
Le manga Sky High Survival vient juste de paraître chez Kana. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a plus dans cette série ?
A la base, je ne suis pas une grande fan du genre survival mais je dois dire que j'ai beaucoup aimé cette série. On est accroché par le scénario dès le démarrage. Il y a beaucoup de suspense et de mystère mais l'auteur ne fait pas qu'ouvrir des portes, il prend le temps de faire avancer son intrigue de telle sorte que le lecteur n'est jamais perdu. On ne retrouve pas toutes les grosses ficelles habituelles du genre, bien au contraire. De plus, dès qu'on a fini de lire ce premier opus on a énormément envie de lire la suite... c'est d'ailleurs pour ça que nous avons lancé cette série en publiant simultanément les tomes 1 et 2 !
Comment se passe le lancement de Sky High Survival à Japan Expo ?
Il est très bon !! Nous avons vendu énormément de tomes 1 sur notre stand, et la présence du château gonflable (attraction du stand Kana aux couleurs de la série où il était possible de faire un saut dans le vide d'environ 5 mètres, ndlr) aide sans doute à faire connaître la série.
Votre autre nouveauté de juillet est Korotan Assassination Classroom, qui est un manuel d'anglais à l'effigie de la série Assassination Classroom. La publication de ce genre d'album est une première en France...
Effectivement, la publication de cet album est un test ! Ça a aussi été un véritable casse-tête, car la traduction du japonais au français a été très ardue. En effet, les japonais n'apprennent pas l'anglais de la même manière que les francophones, il a donc fallu trouver beaucoup d'équivalences pour que l'ouvrage soit crédible, sans pour autant dénaturer son contenu originel.
Après Toys of wars et Save me Pythie vous proposez une nouvelle création originale en septembre, avec une preview sur Japan Expo : Booksterz. Quel bilan tirez-vous de cette partie de votre catalogue ?
Alors il faut savoir que Kana fait de la création depuis déjà plusieurs années, mais c'était plus dans un style roman graphique avec l'association d'un auteur européen et d'un dessinateur asiatique. La différence aujourd'hui c'est qu'on se lance dans la création au format manga classique. C'était une chose compliquée à faire il y a quelques années car la communauté manga n'était pas très réceptive au manga de création européenne ou plus généralement aux œuvres hybrides... mais aujourd'hui je pense que les lecteurs de manga sont prêts ! Il faut dire que le niveau des auteurs de manga européen a vraiment passé un cap ces dernières années : certains baignent dans la culture manga depuis qu'ils sont petits, et cela se ressent dans leur façon de dessiner. La qualité des projets a vraiment évolué ses dernières années. Nous recevons chez Kana plusieurs projets chaque mois, et vu la qualité, on a eu envie de se lancer. Pour le moment nous sommes satisfaits de nos créations originales, les trois premiers tomes de Save me Pythie se sont vendus à environ 15000 exemplaires en France, ce qui est vraiment pas mal pour du manga de création. Pour Toys of War par contre, les ventes sont moins satisfaisantes.
Comptez-vous publier la suite de Beet - The Vandel Buster, une série qui a été en pause de nombreuses années avant de reprendre récemment au Japon ?
Pour le moment, nous avons choisi d'attendre de voir si cette reprise allait se poursuivre sur la durée. Une fois que plusieurs tomes seront parus au Japon, on réfléchira au retour de la série en France.
Vous êtes l'éditeur historique d'Inio Asano, et allez proposer dans quelques mois Dead Demon's Dededededestruction. Cette œuvre tranche un peu avec les précédentes séries de l'auteur car elle appartient clairement au genre fantastique., avec une terre envahie par des aliens... Publiez-vous cette série dans le cadre du suivi d'un auteur qui vous est cher, ou avez-vous eu un véritable coup de cœur pour ce titre qui s'annonce très atypique ?
Les deux ! En fait je suis admirative du travail d'Inio Asano depuis très longtemps, et j'aime tout ce qu'il fait. Cet auteur a beaucoup évolué au fil de ses œuvres, et pour moi c'est donc doublement intéressant de le suivre sur le long terme. Dead Demon's Dededededestruction, malgré la présence des aliens, reste symptomatique de l’œuvre de son auteur : on y retrouve une forme de critique à l'égard de la société japonaise, et de sa jeunesse un peu perdue qui se pose beaucoup de questions. C’est aussi une critique post-Fukushima avec, par le prisme du problème alien, une dénonciation de la manière de communiquer du gouvernement japonais pendant et après la catastrophe. Et que dire du dessin, toujours aussi fabuleux !! Il faut lire cette série !! (rires)
On arrive à la moitié de cette année 2016. Quel bilan tirez-vous de ce premier semestre ? Quels sont vos meilleurs et moins bons lancement ?
Pour célébrer notre anniversaire, nous avons choisi de proposer tous les premiers tomes de nos nouveautés parues durant l’année à un prix attractif (réduction de 20%). Cette offre a bien évidemment eu un effet positif sur nos lancements. Capitaine Albator - Dimension Voyage a très bien marché. Il en va de même pour le shôjô Telle que tu es avec 20 000 exemplaires écoulés pour les deux premiers volumes.
Si je devais évoquer un échec, ça serait Atlantid, dont les ventes, sans être catastrophiques, n'ont pas été à la hauteur de nos espérances.
Mais globalement, ce premier trimestre, qui marque une croissance de 10% de nos ventes, est très bon pour Kana.
Parlons maintenant de Naruto, qui est votre locomotive éditoriale. La série s'est terminée au Japon et le sera bientôt en France. A part la sortie de Boruto, quelle stratégie avez-vous mis en place pour négocier le virage de l'après Naruto ?
Tout au long de l'année, nous avons mis en place un programme assez dense autour de Naruto : des opérations commerciales avec par exemple en janvier la commercialisation des tomes 1 à 3 à 3 euros le tome. Cette opération a d'ailleurs boosté les ventes des volumes 4 à 6, qui étaient pourtant au prix standard. Au final durant ces six mois de 2016 nous avons vendu autant de tomes de Naruto que durant toute l'année 2015.
On espère qu'à l'instar de Dragon Ball ou Death Note chez nous, la viabilité de Naruto va devenir un classique.
Savez-vous si l'éditeur japonais compte faire une édition Deluxe pour Naruto ?
A l'heure où je vous parle, je n'ai pas cette information. Nous travaillons majoritairement avec le département des droits internationaux de Shûeisha, et ce département n'a pour le moment pas divulgué d'information au sujet d'une édition Deluxe. Je pense que la réédition de Naruto en édition Deluxe ne se fera pas tout de suite, comme ça a été le cas pour d'autres séries comme Slam Dunk ou Saint Seiya par exemple.
Vous évoquez Slam Dunk... Comptez-vous publier l'édition Deluxe de la série en France ?
Déjà, il faut savoir que lorsqu'on propose l'édition deluxe d'une série, il faut bien souvent mettre en arrêt de commercialisation quelques années après les volumes de l'édition standard. En effet l'auteur a souvent retouché et apporté plusieurs corrections à sa série lorsqu'elle parait en édition Deluxe, et en conséquence l'ayant-droit ne souhaite pas qu'on garde les deux éditions.
Pour Slam Dunk, la publication de l'édition Deluxe en France est toujours en cours de réflexion. En fait pour cette édition il faudrait racheter tout le matériel, ce qui représente un coût très élevé. Vu la longueur de Slam Dunk et sa thématique sportive (les shonen sportifs sont rarement des bestsellers en France, ndlr), je ne suis pas certaine que la publication de l'édition Deluxe soit rentable... Mais pour la beauté du geste... C’est quand même une série culte !!
J'ai entendu dire que la série Real, du même auteur, allait bientôt se terminer. Pouvez-vous me confirmer cette info ?
Je n'ai pas eu d'information officielle à ce sujet, mais je pense que la série va en effet bientôt se terminer. En tout cas Takehiko Inoue adore travailler sur Real. C'est même, je crois, son projet préféré !
Parlons un peu du numérique. Présent depuis plusieurs années, ce support peine toujours à s'implanter en France. Dans ce domaine, Kana a été l'un des précurseurs et s'est lancé il y a plusieurs années. Quel bilan tirez-vous du numérique chez Kana ?
C'est très intéressant pour nous de s'implanter sur le secteur du numérique, et en ce sens nous avons lancé plusieurs de nos titres en numérique il y a de ça plusieurs années déjà. Aujourd'hui, je perçois plus ce secteur comme un outil marketing qui permet une meilleure visibilité pour un titre donné. C'est également un laboratoire qui nous permet de tester certaines pistes nouvelles. Je pense que le numérique va encore croître, mais ne phagocytera pas le marché "papier".
Les derniers gros blockbusters japonais, à savoir One-punch man et My hero academia, ont été récupérés par des éditeurs concurrents, qui sont présents depuis moins longtemps que vous sur le marché. Comment vivez-vous ou expliquez-vous ce choix de l'éditeur japonais ?
Ce n'est pas ma décision, vous comprendrez donc que je ne puisse pas m’exprimer en lieu et place de la Shûeisha. Ce que je peux dire c'est que le marché français est devenu hyper compétitif, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi... et puis les jeunes éditeurs qui ont récupéré ces licences font du très bon boulot et ont fait de superbes offres. Dans le cas de One-punch man, Shûeisha a choisi de vendre la licence à des éditeurs qui n'étaient pas à la base des partenaires historiques, et ce dans beaucoup de pays dont la France. C'est un choix que nous actons et respectons. Nous n’avons pas grand chose à dire de toute façon.
Après nous restons positifs, il y a beaucoup d'autres licences disponibles au Japon que nous pourrons peut-être publier !!
En tant qu'éditrice, quel est l'auteur que vous êtes le plus fière d'avoir dans votre catalogue ?
Difficile à dire...
Si c'est trop dur, vous pouvez citer trois titres : un shonen, un shojo et un seinen.
Je vais essayer ! Alors... En shonen je dirai Masashi Kishimoto. Comment ne pas être fière d'avoir publié sa série Naruto qui est l'un des piliers du marché en France ? En shôjô je suis passionnée par les œuvres de Io Sakisaka, pour moi cette auteure est juste incontournable.
En seinen, je vais devoir citer trois auteurs: Inio Asano bien-sûr, mais aussi Kazuo Kamimura... Je ne peux que conseiller la lecture de La plaine du Kantô, qui est une série passionnante. Enfin, je dirai Kengo Hanazawa pour I am a hero, un titre horrifique qui renouvèle le genre zombie.
Merci beaucoup pour cet entretien !
Interview réalisée par shinob. Remerciements à Christel Hoolans et au staff des éditions Kana.
Pour évoquer avec nous cet évènement, nous avons eu le plaisir de rencontrer Christel Hoolans, directrice éditoriale de Kana. Nous reviendrons sur ce premier semestre 2016, le phénomène Naruto, et bien d'autres choses.
Manga-news: Vous travaillez chez Kana depuis son lancement il y a 20 ans. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours au sein de Kana ?
Christel Hoolans: J'ai commencé comme stagiaire chez Kana il y a 20 ans au moment du lancement de Kana. Par la suite j'ai exercé une multitude de tâches sur de nombreux postes différents. J'ai d'abord été assistante polyvalente avant de travailler sur la fabrication de nos livres. J'ai aussi travaillé sur la promotion et le suivi des sorties de Kana. Après ces quelques années, Yves Schlirf, directeur éditorial de Kana à l'époque, m'a recruté pour le poste d'assistante éditoriale. Quelques années après je suis moi-même devenue directrice de collection, puis directrice éditoriale et je suis aujourd'hui directrice générale déléguée des éditions Kana.
Aujourd'hui, quel est le rôle d'Yves Schlirf au sein de Kana ?
Yves reste le fondateur de Kana et notre maître à tous, mais depuis environ trois ans il se concentre sur la bande-dessinée.
Kana fête ses 20 ans cette année. Que représente pour vous cet anniversaire ?
Ces 20 ans célèbrent une superbe aventure, aussi bien humaine qu'éditoriale. C'est fabuleux de participer à la création d'une maison d'édition, d'autant plus qu'à l'époque peu de personnes s’enthousiasmaient pour le manga en France. Nous nous sommes battus pour installer le manga dans l'hexagone, et ça n'a pas été simple car le manga n'avait pas une bonne image dans les années 90. Lors du lancement de Kana, nous avions pour objectif de faire connaître la culture japonaise tout en montrant les aspects positifs du manga, alors que beaucoup pensait qu’il ne s’agissait que de sexe et de violence...
Durant les 10 premières années, nous avons dû faire face à une levée de boucliers provenant de milieux divers. On a notamment reçu des lettres incendiaires d'associations de parents et familiales. Ça a été difficile, mais aujourd'hui quand je regarde en arrière je suis fière du chemin parcouru. Kana est une belle maison, qui a participé au façonnement du marché du manga en France tel qu'il l'est aujourd'hui.
Vous venez d'inaugurer votre collection Kodomo avec la sortie des séries Ichiko & Niko et Puzzle & Dragons Z. Ces deux sorties sont-elles un test ou avez-vous d'ores et déjà l'intention de publier d'autres albums du même genre dans ce label ?
Dans nos premières années, nous avons publié principalement du shônen avant de nous intéresser au seinen et au shôjô. Aujourd'hui, il nous paraissait fondamental de nous installer sur le segment du kodomo, afin de recruter des jeunes lecteurs qui pourront par la suite découvrir les séries plus matures de notre catalogue. Pour nous, recruter le lecteur dès son plus jeune âge est primordial, c'est pourquoi nous avons lancé ces deux séries très différentes, qui peuvent plaire à un large panel de jeunes lecteurs. D'un côté, on a Ichiko et Niko qui plaira plus à un lectorat de jeunes filles et de l'autre Puzzle & Dragons Z qui est à la base un jeu et qui s'adresse plus aux garçons.
On va faire effectivement différents tests, mais on sait que l'installation de ce segment en France risque d'être assez longue. Pour Ichiko et Niko, nous avons fait une campagne promotionnelle dans le magazine Les P'tites sorcières et avons eu des retours très positifs.
Le manga Sky High Survival vient juste de paraître chez Kana. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a plus dans cette série ?
A la base, je ne suis pas une grande fan du genre survival mais je dois dire que j'ai beaucoup aimé cette série. On est accroché par le scénario dès le démarrage. Il y a beaucoup de suspense et de mystère mais l'auteur ne fait pas qu'ouvrir des portes, il prend le temps de faire avancer son intrigue de telle sorte que le lecteur n'est jamais perdu. On ne retrouve pas toutes les grosses ficelles habituelles du genre, bien au contraire. De plus, dès qu'on a fini de lire ce premier opus on a énormément envie de lire la suite... c'est d'ailleurs pour ça que nous avons lancé cette série en publiant simultanément les tomes 1 et 2 !
Comment se passe le lancement de Sky High Survival à Japan Expo ?
Il est très bon !! Nous avons vendu énormément de tomes 1 sur notre stand, et la présence du château gonflable (attraction du stand Kana aux couleurs de la série où il était possible de faire un saut dans le vide d'environ 5 mètres, ndlr) aide sans doute à faire connaître la série.
Votre autre nouveauté de juillet est Korotan Assassination Classroom, qui est un manuel d'anglais à l'effigie de la série Assassination Classroom. La publication de ce genre d'album est une première en France...
Effectivement, la publication de cet album est un test ! Ça a aussi été un véritable casse-tête, car la traduction du japonais au français a été très ardue. En effet, les japonais n'apprennent pas l'anglais de la même manière que les francophones, il a donc fallu trouver beaucoup d'équivalences pour que l'ouvrage soit crédible, sans pour autant dénaturer son contenu originel.
Après Toys of wars et Save me Pythie vous proposez une nouvelle création originale en septembre, avec une preview sur Japan Expo : Booksterz. Quel bilan tirez-vous de cette partie de votre catalogue ?
Alors il faut savoir que Kana fait de la création depuis déjà plusieurs années, mais c'était plus dans un style roman graphique avec l'association d'un auteur européen et d'un dessinateur asiatique. La différence aujourd'hui c'est qu'on se lance dans la création au format manga classique. C'était une chose compliquée à faire il y a quelques années car la communauté manga n'était pas très réceptive au manga de création européenne ou plus généralement aux œuvres hybrides... mais aujourd'hui je pense que les lecteurs de manga sont prêts ! Il faut dire que le niveau des auteurs de manga européen a vraiment passé un cap ces dernières années : certains baignent dans la culture manga depuis qu'ils sont petits, et cela se ressent dans leur façon de dessiner. La qualité des projets a vraiment évolué ses dernières années. Nous recevons chez Kana plusieurs projets chaque mois, et vu la qualité, on a eu envie de se lancer. Pour le moment nous sommes satisfaits de nos créations originales, les trois premiers tomes de Save me Pythie se sont vendus à environ 15000 exemplaires en France, ce qui est vraiment pas mal pour du manga de création. Pour Toys of War par contre, les ventes sont moins satisfaisantes.
Comptez-vous publier la suite de Beet - The Vandel Buster, une série qui a été en pause de nombreuses années avant de reprendre récemment au Japon ?
Pour le moment, nous avons choisi d'attendre de voir si cette reprise allait se poursuivre sur la durée. Une fois que plusieurs tomes seront parus au Japon, on réfléchira au retour de la série en France.
Vous êtes l'éditeur historique d'Inio Asano, et allez proposer dans quelques mois Dead Demon's Dededededestruction. Cette œuvre tranche un peu avec les précédentes séries de l'auteur car elle appartient clairement au genre fantastique., avec une terre envahie par des aliens... Publiez-vous cette série dans le cadre du suivi d'un auteur qui vous est cher, ou avez-vous eu un véritable coup de cœur pour ce titre qui s'annonce très atypique ?
Les deux ! En fait je suis admirative du travail d'Inio Asano depuis très longtemps, et j'aime tout ce qu'il fait. Cet auteur a beaucoup évolué au fil de ses œuvres, et pour moi c'est donc doublement intéressant de le suivre sur le long terme. Dead Demon's Dededededestruction, malgré la présence des aliens, reste symptomatique de l’œuvre de son auteur : on y retrouve une forme de critique à l'égard de la société japonaise, et de sa jeunesse un peu perdue qui se pose beaucoup de questions. C’est aussi une critique post-Fukushima avec, par le prisme du problème alien, une dénonciation de la manière de communiquer du gouvernement japonais pendant et après la catastrophe. Et que dire du dessin, toujours aussi fabuleux !! Il faut lire cette série !! (rires)
On arrive à la moitié de cette année 2016. Quel bilan tirez-vous de ce premier semestre ? Quels sont vos meilleurs et moins bons lancement ?
Pour célébrer notre anniversaire, nous avons choisi de proposer tous les premiers tomes de nos nouveautés parues durant l’année à un prix attractif (réduction de 20%). Cette offre a bien évidemment eu un effet positif sur nos lancements. Capitaine Albator - Dimension Voyage a très bien marché. Il en va de même pour le shôjô Telle que tu es avec 20 000 exemplaires écoulés pour les deux premiers volumes.
Si je devais évoquer un échec, ça serait Atlantid, dont les ventes, sans être catastrophiques, n'ont pas été à la hauteur de nos espérances.
Mais globalement, ce premier trimestre, qui marque une croissance de 10% de nos ventes, est très bon pour Kana.
Parlons maintenant de Naruto, qui est votre locomotive éditoriale. La série s'est terminée au Japon et le sera bientôt en France. A part la sortie de Boruto, quelle stratégie avez-vous mis en place pour négocier le virage de l'après Naruto ?
Tout au long de l'année, nous avons mis en place un programme assez dense autour de Naruto : des opérations commerciales avec par exemple en janvier la commercialisation des tomes 1 à 3 à 3 euros le tome. Cette opération a d'ailleurs boosté les ventes des volumes 4 à 6, qui étaient pourtant au prix standard. Au final durant ces six mois de 2016 nous avons vendu autant de tomes de Naruto que durant toute l'année 2015.
On espère qu'à l'instar de Dragon Ball ou Death Note chez nous, la viabilité de Naruto va devenir un classique.
Savez-vous si l'éditeur japonais compte faire une édition Deluxe pour Naruto ?
A l'heure où je vous parle, je n'ai pas cette information. Nous travaillons majoritairement avec le département des droits internationaux de Shûeisha, et ce département n'a pour le moment pas divulgué d'information au sujet d'une édition Deluxe. Je pense que la réédition de Naruto en édition Deluxe ne se fera pas tout de suite, comme ça a été le cas pour d'autres séries comme Slam Dunk ou Saint Seiya par exemple.
Vous évoquez Slam Dunk... Comptez-vous publier l'édition Deluxe de la série en France ?
Déjà, il faut savoir que lorsqu'on propose l'édition deluxe d'une série, il faut bien souvent mettre en arrêt de commercialisation quelques années après les volumes de l'édition standard. En effet l'auteur a souvent retouché et apporté plusieurs corrections à sa série lorsqu'elle parait en édition Deluxe, et en conséquence l'ayant-droit ne souhaite pas qu'on garde les deux éditions.
Pour Slam Dunk, la publication de l'édition Deluxe en France est toujours en cours de réflexion. En fait pour cette édition il faudrait racheter tout le matériel, ce qui représente un coût très élevé. Vu la longueur de Slam Dunk et sa thématique sportive (les shonen sportifs sont rarement des bestsellers en France, ndlr), je ne suis pas certaine que la publication de l'édition Deluxe soit rentable... Mais pour la beauté du geste... C’est quand même une série culte !!
J'ai entendu dire que la série Real, du même auteur, allait bientôt se terminer. Pouvez-vous me confirmer cette info ?
Je n'ai pas eu d'information officielle à ce sujet, mais je pense que la série va en effet bientôt se terminer. En tout cas Takehiko Inoue adore travailler sur Real. C'est même, je crois, son projet préféré !
Parlons un peu du numérique. Présent depuis plusieurs années, ce support peine toujours à s'implanter en France. Dans ce domaine, Kana a été l'un des précurseurs et s'est lancé il y a plusieurs années. Quel bilan tirez-vous du numérique chez Kana ?
C'est très intéressant pour nous de s'implanter sur le secteur du numérique, et en ce sens nous avons lancé plusieurs de nos titres en numérique il y a de ça plusieurs années déjà. Aujourd'hui, je perçois plus ce secteur comme un outil marketing qui permet une meilleure visibilité pour un titre donné. C'est également un laboratoire qui nous permet de tester certaines pistes nouvelles. Je pense que le numérique va encore croître, mais ne phagocytera pas le marché "papier".
Les derniers gros blockbusters japonais, à savoir One-punch man et My hero academia, ont été récupérés par des éditeurs concurrents, qui sont présents depuis moins longtemps que vous sur le marché. Comment vivez-vous ou expliquez-vous ce choix de l'éditeur japonais ?
Ce n'est pas ma décision, vous comprendrez donc que je ne puisse pas m’exprimer en lieu et place de la Shûeisha. Ce que je peux dire c'est que le marché français est devenu hyper compétitif, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi... et puis les jeunes éditeurs qui ont récupéré ces licences font du très bon boulot et ont fait de superbes offres. Dans le cas de One-punch man, Shûeisha a choisi de vendre la licence à des éditeurs qui n'étaient pas à la base des partenaires historiques, et ce dans beaucoup de pays dont la France. C'est un choix que nous actons et respectons. Nous n’avons pas grand chose à dire de toute façon.
Après nous restons positifs, il y a beaucoup d'autres licences disponibles au Japon que nous pourrons peut-être publier !!
En tant qu'éditrice, quel est l'auteur que vous êtes le plus fière d'avoir dans votre catalogue ?
Difficile à dire...
Si c'est trop dur, vous pouvez citer trois titres : un shonen, un shojo et un seinen.
Je vais essayer ! Alors... En shonen je dirai Masashi Kishimoto. Comment ne pas être fière d'avoir publié sa série Naruto qui est l'un des piliers du marché en France ? En shôjô je suis passionnée par les œuvres de Io Sakisaka, pour moi cette auteure est juste incontournable.
En seinen, je vais devoir citer trois auteurs: Inio Asano bien-sûr, mais aussi Kazuo Kamimura... Je ne peux que conseiller la lecture de La plaine du Kantô, qui est une série passionnante. Enfin, je dirai Kengo Hanazawa pour I am a hero, un titre horrifique qui renouvèle le genre zombie.
Merci beaucoup pour cet entretien !
Interview réalisée par shinob. Remerciements à Christel Hoolans et au staff des éditions Kana.
De Hitsuji [5896 Pts], le 08 Septembre 2016 à 10h36
Interview intéressante sur beaucoup de points (le kodomo, le manga français, Asano, les Deluxe). On sent que l'éditeur ne se repose pas sur le succès de Naruto et tente d'autres choses, même en sachant que ce ne seront pas forcément des réussites commerciales.
De Koiwai [12807 Pts], le 07 Septembre 2016 à 17h15
Je comprends mieux pourquoi j'aime tant le catalogue de Kana : Kamimura, Asano, Hanazawa, des auteurs que j'adore, sont tous d'authentiques coups de coeur éditoriaux visiblement :-) j'adore la politique de suivi de l'éditeur sur ces auteurs.
A part ça, Slam Dunk est l'une des seules séries que je rêve de pouvoir racheter en deluxe (avec Ranma 1/2 et Fruits Basket). J'espère que ça pourra se faire un jour, même si le projet semble aussi compliqué qu'ambitieux.
De piment, le 07 Septembre 2016 à 12h06
la vrai question qu'on se pose c'est: est-ce qu'on va continuer à faire comme si shaman king n'exister pas?
Parce que on a toujours pas la vrai fin, ni la suite.
De kowazoe, le 07 Septembre 2016 à 09h01
Je ne sais pas si une édition Deluxe de Pluto soit réellement nécesaire, premièrement les tomes standards sont d'excellente qualité et n'ont rien à envier à une édition Deluxe, deuxièmement la série ne fait que 8 tomes...
De Ogui [2445 Pts], le 06 Septembre 2016 à 22h51
Ayant relu Slam Dunk cet été, je rêverai d'une sortie deluxe pour cette série culte et genialissime ! Je l'avais acheté à l'époque pour sa réputation au Japon et aucun regret ! Cette série est absolument génial !!!!!
De Tepes [210 Pts], le 06 Septembre 2016 à 13h52
Je rêve aussi d'une deluxe de Slam Dunk et je ne cracherais pas non plus sur une deluxe de Yu Yu Hakusho surtout qu'elle est beaucoup plus courte.
De blueseed28 [452 Pts], le 06 Septembre 2016 à 11h50
Intéressante interveiw mais Dommage j'espérais l'annonce de la licence de ghost sweeper mikami (auteur de l'excellent zettai karen children ) peut que cette annonce arrivera un jour *croise les doigts*
De rom7 [862 Pts], le 05 Septembre 2016 à 21h39
Je retiens surtout 2 réponses :) Real semble sur la fin et Slam Dunk version Deluxe a une petite chance de passer :)
je ne suis pas certaine que la publication de l'édition Deluxe soit rentable... Mais pour la beauté du geste... C’est quand même une série culte !!
De NoWhereMan, le 05 Septembre 2016 à 21h16
J'aurais bien aimé avoir des nouvelles d'une édition Deluxe pour Pluto à l'image de ce que l'éditeur a fait pour Monster.