Alors que Japan Expo 2024 s'est récemment achevé, la précédente édition du salon accueillait notamment un très joli nom de l’animation en la personne de Yoh Yoshinari.
Né à Tokyo en 1971, celui-ci a débuté au studio Gainax, et est désormais l’un des principaux piliers du Studio Trigger. En tant qu’animateur, il a participé à de très nombreux titres mémorables comme Neon Genesis Evangelion ou FLCL, mais également Gurren Lagann sur lequel il a été mecha designer, ainsi que Panty & Stocking with Garterbelt et KILL la KILL où il a été concept designer. Depuis qu’il est au Studio Trigger, il a réalisé les courts-métrages et la série Little Witch Academia ainsi que la série BNA : Brand New Animal, et a plus récemment été ovationné pour le character designer de la série à succès Cyberpunk: Edgerunners.
C’est précisément pour porter Cyberpunk: Edgerunners qu’il était invité à Japan Expo. De notre côté, étant donné qu’il revint longuement sur cette série lors d’une conférence entièrement dédiée à celle-ci, nous avons préféré nous centrer sur ses deux réalisations-phares que sont Little Witch Academia et BNA : Brand New Animal, lors de la courte interview que nous avons pu obtenir et que nous vous proposons enfin de découvrir !
Vous êtes bien connu pour être le créateur de l'univers de Little Witch Academia. Comment avez-vous imaginé ce monde emprunt de magie et ses héroïnes si hautes en couleurs ?
Yoh Yoshinari : L’école de magie, c’est quelque chose de très courant voire traditionnel dans la culture littéraire anglophone, à l’image de Harry Potter bien sûr, pour prendre l’exemple le plus connu. Au Japon, il y a aussi ce genre de chose, mais je pense que c’est moins courant et qu’il s’agit surtout d’un thème occidental. J’ai alors eu envie d’explorer ce domaine à manière, c’est à dire en proposant des personnages féminins et en donnant à l’oeuvre une tonalité un petit peu plus typé shôjo.
Sur le court-métrage d'origine en particulier, vous êtes à la fois créateur original, réalisateur, character designer, storyboarder, directeur de l'animation, animateur-clé... Bref, on sent que vous avez porté ce projet et qu'il vous tenait à coeur. Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer pour gérer tous ces postes à la fois ?
Ce court-métrage était une expérience très particulière. A la base, il s’agissait d’un projet monté par le Ministère de la culture japonais, avec une subvention de l’État, et moi j’avais en quelque sorte un rôle d’enseignant pour les jeunes artistes du projet. Je devais les former, et c’est pour ça que j’ai occupé tant de postes sur ce court-métrage : il fallait que ce soit ainsi, car confier certains postes à d’autres ne m’auraient pas permis de donner à ces jeunes un apprentissage complet et cohérent. En tout cas, c’est vrai que ça a été une expérience assez exigeante et difficile.
Revenons désormais sur la série de Little Witch Academia. Il me semble que ce fut votre toute première réalisation de série longue. Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer en tant que "novice" en la matière ?
J’avais la chance d’avoir autour de moi des amis qui avaient déjà de l’expérience en la matière, et ils sont tous venus me donner un coup de main, me conseiller, me guider un peu… A l’arrivée, ça a été une grosse aide de leur part, si bien que je n’ai pas ressenti trop de pression ou de difficultés, et que j’en garde un bon souvenir.
Parlons à présent de BNA : Brand New Animal. Sur cet anime vous êtes souvent crédité en tant que réalisateur, storyboarder et animateur-clé. Mais on sait aussi que vous avez travaillé sur l'histoire de la série et sur ses concepts comme la transformation...
En fait, si je tiens plusieurs postes à la fois, c’est par souci d’efficacité. Dans l’industrie de l’animation au Japon, il y a souvent de gros problèmes de temps pour parvenir à finir le travail dans les délais impartis, alors quand il le faut je mets la main à la pâte sur les postes où on est à la traîne.mais en réalité, ce n’est vraiment pas bien de faire comme ça : il faudrait avoir plus de temps, pour laisser chaque spécialiste se dédier pleinement à son poste de prédilection. Le résultat n’en serait que plus profond et plus qualitatif.
Comment a été imaginée la ville emblématique d'Anima City ?
Etant donné que la série parle du sujet très délicat de la discrimination, on a souhaité éviter de mettre en scène des humains, et plutôt évoquer le sujet à travers des personnages en partie animaliers mais issus d’horizons différents. Anima City est, en quelque sorte, une place où ils peuvent se réunir, un refuge pour eux. C’est quelque chose qui existe aussi dans la réalité, par exemple en France où il y a beaucoup de cultures et d’origines ethniques différentes. L’idée avec Anima City, c’est de réunir des êtres éventuellement très différents à la base, mais qui se retrouvent unis par quelque chose de commun et choisissent de lutter ensemble face à la discrimination.
Interview menée par Koiwai. Remerciements à Yoh Yoshinari pour ses réponses et sa gentillesse, à son interprète, et au staff de Japan Expo.