Chronique série manga - Rainbow

Quelque part au-dessus de l'arc-en-ciel

L’adolescence, cette période trouble où chacun tente de faire sa place en nourrissant autant de questions que d’espoirs sur son avenir. Voilà, on a sorti la phrase-cliché, ça s’est fait.

RAINBOW, c’est l’adolescence à problèmes, pas celle de l’acné et des poils qui poussent non, celle qui tente de survivre dans l’univers plus qu’hostile d’un centre carcéral pour jeunes délinquants dans le Japon d’après-guerre. Dans un pays exsangue où la défaite pèse sur les épaules de chacun, difficile pour le pauvre gamin des rues de trouver sa place au sein d’un groupe de désaxés involontaires de son espèce.



Pourtant sept gosses, Sakuragi, Mario, Heitai, Kaybetsu, Suppon, Jô et Baremoto, tous liés par leur sinistre sort, ne vont avoir d’autre choix que celui de fraterniser pour faire face aux gardiens sadiques et autres médecins vicelards chargés de leur « rééducation ». Dans un quotidien qui mêle violences et humiliations, la solidarité va être leur seule chance d’entretenir le mince espoir qu’un jour, ils (s'en) sortiront.

Du déjà-vu ?

Évidemment, difficile (impossible ?) de faire une histoire en milieu carcéral sans enfoncer des portes ouvertes : oui l’entraide est une force, le partage une valeur fondamentale, la fraternité le seul moyen de ne pas devenir fou. Le territoire a été exploré depuis bien longtemps, notamment par la télévision et, bien entendu, le cinéma.
La nouveauté ? L’adolescence mise en exergue au sein d’un milieu, certes, hostile, mais surtout réaliste. Alors oui, le décorum est un peu lourd avec les commentaires larmoyants en intro/épilogue de chaque chapitre, le trait ciselé, signé Masasumi Kakizaki, et l’air sombre de chacun des personnages, mais au bout d’un moment on est quand même forcé d’admettre que le tout fonctionne.



La violence, élément moteur de l’intrigue, fait parfois même oublier le côté très ado du manga avec un auteur qui puise ses références graphiques dans des séries beaucoup plus adultes, quitte à prendre le parti de choquer le lecteur. D’où une dramatisation parfois un peu pesante, mais qui s’avère nécessaire pour continuer la lecture et donner du relief aux aventures somme toute limitées des protagonistes (esquiver les gardiens pour voler de la nourriture, se blesser pour aller à l’infirmerie, simuler une bagarre pour faire diversion...).

Pas facile le contexte

L'histoire un peu pathétique de ces sept mômes peut faire sourire tant elle est prévisible et dégoulinante de bons sentiments, mais, au fil des pages, on comprend que la série ait ses défenseurs. C’est qu’en fait Georges Abe, le scénariste, a conçu la trame de RAINBOW comme une métaphore du Japon de l’après-guerre. Un pays à genoux, marqué par une défaite cuisante et témoin de l’horreur du feu nucléaire. Un pays peuplé de fantômes dans lequel il est presque interdit d’espérer tant le déshonneur est lourd à porter.



On ne reviendra pas ici sur la longue liste des œuvres japonaises marquées par la guerre, mais on notera que la série, au lieu de donner une vision ultra-pessimiste du monde moderne, s’attarde sur la réalité des rapports humains et se permet en creux de rappeler qu’il a bien fallu que des gens rêvent d’un avenir meilleur pour construire le Japon d’aujourd’hui. Non pas que la série soit moralisatrice, mais elle laisse une image bien moins fataliste que celles que l’on avait l’habitude de lire jusque-là.

Au final, à travers un contexte sombre allié à des problématiques intemporelles, RAINBOW met en lumière les difficultés de l’adolescence et de la vie en communauté, et incite à la réflexion.