Chronique série manga - Dragon Ball Perfect Edition

« Dragon Ball la quête finale, les sept boules de cristal venues des étoiles… »




Qui, ayant connu le Club Dorothée, ne se souvient plus de ces paroles ? Certes, avec du recul les génériques français sont de très mauvais goût quand ils ne sont pas, tout simplement, sans rapport avec la série. Néanmoins, ils ont le mérite d’avoir marqué les esprits au sujet de l’une des sagas les plus grandes de la culture populaire japonaise, qui est aussi le plus grand des nekketsu.




Après différentes éditions (de mémoire, plusieurs éditions kiosques, un format classique aux couvertures cartonnées, une édition double et une réédition complète de l’œuvre avec traductions et jaquettes fidèles à la monture japonaise), nous voilà avec ce qu’on pourrait qualifier de version ultime du chef d’œuvre d’Akira Toriyama. La Perfect Edition de Dragon Ball, luxueuse, propose ainsi un grand format, des couvertures inédites, plus de chapitres qu’un volume classique, une traduction encore revue, des pages couleur et une impression de qualité. Pour les fans du manga, voilà une pièce à posséder absolument et pour ceux qui ne connaissent pas ce monstre du shônen, c’est une occasion de prendre un cours de rattrapage.




Dans un monde fantaisiste où il arrive que les humains côtoient des chiens humanoïdes doués de parole ( !!!) vit Son Goku, ado de 12 ans vivant seul dans les montagnes après la mort de son grand-père et est doté d’une queue de singe et d’une force physique colossale. Sa route croise un jour celle de Bulma, une jeune fille dans la fleur de l’âge qui avoue être à la recherche des « dragon ball », sept boules de cristal qui permettent, une fois réunies, d’invoquer Shenron, un dragon sacré prêt à exaucer le vœu de celui qui le réveillerait. Goku accompagne Bulma dans son voyage, premier d’une succession de nombreux périples où nos héros se feront des alliés et affronteront de terribles adversaires.




Le manga se divise clairement en deux parties : Ce que nous rapprochons de la série animée Dragon Ball et l’autre qui correspond à l’ère dite Dragon Ball Z. Scénaristiquement, ces deux périodes sont surtout marquées par une ellipse et le fait que dans le premier cycle, Goku est un enfant qui découvre le monde en plus de gagner en puissance tandis que dans la seconde, il est un adulte et père de famille accomplit (ou presque). Plus important encore, chaque cycle est marqué par un style bien particulier, le premier étant davantage bon enfant et le second plus sérieux et tournant autour des combats.




Dans la première partie de l’histoire, place au voyage, à l’action gentillette et à une période où Goku va découvrir le monde qui l’entoure. L’aventure n’est pas toujours portée sur les grands duels à un contre un et l’histoire privilégie le grand périple qui octroie à ce cycle (et même à l’heure actuelle) un côté dépaysant qui nous permet de nous émerveiller, de nous amuser et plus rarement de frissonner. Car cette partie de l’œuvre est sans aucun doute la plus drôle tant elle tourne souvent de nombreux éléments de son univers en dérision et, ne reniant pas Dr Slump, instaure une multitude de gags en renouvelant souvent son humour. Les combats, il y en a, mais les plus dantesques ont lieu en fin de cycle et reste légers par rapport à ce qui suivra. D’une manière générale, Toriyama a cherché à reproduire différents arts martiaux pour donner un aspect plus technique à ses affrontements. Il n’est alors pas question de vagues d’énergies dévastatrices.




Puis vient la seconde partie de l’œuvre, la plus connue de tous. Toute l’ambiance évoquée plus haut est alors abandonnée et place aux combats explosifs, ceux qui nous ont fait vibrer et qui ont repoussé les limites de la puissance toujours plus loin pour faire de Goku le héros probablement le plus fort de tout le shônen. Toriyama renouvelle ainsi totalement son œuvre, quitte à abandonner le style très « kung-fu » des premiers volumes en le remplaçant par des échanges de techniques dévastatrices. Mais plus loin que ça, c’est le moyen de développer des intrigues plus riche qu’un simple combat contre un nouveau vilain ou qu’un énième tournoi. Toriyama développe ainsi les origines de Goku, mais se permet aussi d’étendre son monde à un gigantesque univers, apportant aussi une hiérarchie des divinités. Pour certains, ce cycle, plus long que le premier est la partie de trop, mais gageons qu’elle a apporté à Dragon Ball tout ce qui fait sa renommée à l’heure actuelle. Peut-être pouvons-nous regretter, parfois, des exagérations flagrantes dans les montées en puissance, si bien que les pirouettes trouvées sont quelquefois risibles, mais la formule a permis à la série de nous donner tellement de bons moments que nous savons faire fi de ces quelques faiblesses.




L’aventure, l’humour, les combats, l’univers… c’est bien, mais que serait tout ça sans une galerie conséquente de personnages originaux et attachants ? Progressivement, l’entourage de Son Goku s’étoffe si bien que, conformément à l’une des séries animées, nous parlons de Z-Team ou de Z-Senshi (ou « guerriers-Z » pour les amoureux de la langue de Molière) pour qualifier cette joyeuse bande. Et ce n’est pas un tort, car les amis du héros semblent former une seule grande famille à laquelle on s’attache, on s’identifie et dont, après 34 grands volumes, nous avons l’impression de faire partie. Ce qui commença par la rencontre de Goku et Bulma s’achève par un cycle générationnel où chaque personnage a grandi et a évolué, même si malheureusement certains ont été bien trop mis en retrait par rapport à d’autres. Puis il y a les ennemis, parfois grotesques comme les premiers adversaires de Goku ou des monstres de charisme comme le sont Vegeta, Freezer, Cell et Boo. La transition entre les designs des adversaires marque bien l’évolution générale de l’œuvre, allant du burlesque au sérieux.




Tous ces personnages sont marqués par une forte hiérarchie. D’une manière générale il y a Goku et ses amis, puis des castes de personnages renforçant l’univers de Dragon Ball. Les divinités sont classées selon un ordre cohérent, et les ennemis trouvent souvent des origines quand ils ne constituent pas une armée ou un immense pan de l’univers dépeint par Toriyama. Avec du recul, admirer le monde que le mangaka a créé et cette richesse dans les personnages est tout bonnement ahurissant. Le « Grand dictionnaire de Dragon Ball » est d’ailleurs un ouvrage disponible et très intéressant pour tenter une nouvelle approche de l’univers de la série.

Avec Dragon Ball, Toriyama opte pour un trait plus sérieux que sur Dr Slump même si les traces de sa précédente série se font sentir sur les débuts de l’œuvre. Mais plus les chapitres défilent et plus le coup de crayon de l’auteur s’affine et gagne en richesse. Le mangaka n’a jamais aucun mal pour décortiquer ses affrontements et la maîtrise des combats les plus spectaculaires semble presque innée, nous procurant de fortes sensations lorsque les coups pleuvent. Sa mise en scène est aussi exemplaire et Toriyama sait aisément apporter un souffle si bien comique qu’épique quand la situation l’exige.




L’édition Perfect de Dragon Ball a le mérite de proposer la meilleure traduction jamais réalisée à ce jour pour la série, et de proposer surtout un ouvrage de grande qualité. Glénat ne faillit jamais à sa tâche et ses ouvrages sont d’excellentes factures, proposant même des couvertures au papier mat qui inclut un effet de relief sur les personnages. Pour ceux qui ont connu l’œuvre par la première traduction, avoir accès à plus de pertinence dans les termes utilisés et les explications données permet parfois de redécouvrir l’histoire ou de saisir des informations que nous n’aurions pas comprises auparavant. Peut-on encore douter de la plus-value proposée par cette édition « parfaite » qui n’usurpe pas son titre ?




Dragon Ball est l’un des mangas les plus cultes qui soit et après une multitude d’éditions, Glénat nous offre ici la version qui rend le plus justice à l’œuvre d’Akira Toriyama. Des décennies après, l’histoire parvient toujours autant à nous faire voyager et l’univers à nous surprendre par sa richesse. Difficile aussi de ne pas s’attacher à Goku et ses amis, si attachants, ou de ne pas frémir devant d’effrayants ennemis… lorsque ceux-ci ne sont pas désopilants. Dragon Ball, c’est toutes ces qualités, autant d’arguments qui permettent d’affirmer que nous avons là l’un des plus grands titres de sa génération… et de toute la bande dessinée nippone.


Chroniqueur : Takato